AQMI revendique l’enlèvement des sept employés d’Areva

AQMI revendique l’enlèvement des sept employés d’Areva

La France compte sur l’aide de l’Algérie

El Watan, 23 septembre 2010

La France semble avoir tiré les leçons de l’échec cuisant de son intervention militaire au Mali, en août dernier, en vue de la libération de Michel Germaneau pris en otage par Al Qaîda au Maghreb islamique (AQMI).

Paris change en effet de stratégie dans le traitement de l’affaire des sept employés du groupe nucléaire français, Areva, enlevés, le 16 septembre, au nord du Niger. Les autorités françaises comptent désormais sur l’aide des pays de la région, en particulier l’Algérie et les Etats-Unis d’Amérique (USA) pour obtenir la libération des otages, dont Al Qaîda au Maghreb islamique a revendiqué l’enlèvement, sains et saufs. «Le gouvernement (français) agit en coopération avec l’ensemble des pays qui sont engagés dans la lutte contre le terrorisme. Comme a dit le président tout à l’heure, tous les services de l’Etat sont mobilisés pour obtenir la libération de nos otages»,a déclaré le porte-parole du gouvernement français, Luc Chatel, à l’issue du Conseil des ministres réuni mardi dernier.

Parallèlement, le ministre des Affaires étrangères, Mourad Medelci, et son homologue français se sont entretenu, le même jour à New York, sur la situation au Sahel. Selon le chef de la diplomatie, les entretiens ont porté sur son souhait d’effectuer une prochaine visite à Alger et la situation dans la région du Sahel «pour laquelle l’Algérie se montre très coopérative». «Nous avons parlé du Sahel», affirme-t-il, évoquant la volonté des Algériens «de conforter un état-major déjà existant et constitué des cinq pays du Sahel, qui devrait, indique-t-il, se réunir dans les prochaines semaines». «Nous saluons tout cela, ils sont très coopératifs», déclare-t-il encore.

Les deux diplomates, confirme encore le porte-parole de Bernard Kouchner, ont évoqué la question sécuritaire et ont souligné «la nécessité de renforcer la coopération régionale». Dans une autre déclaration, faite toujours mardi, Bernard Kouchner souligne encore l’importance donnée par son pays à la coopération militaire. «Nous continuerons, les Français, leurs alliés, les pays du Sahel et de l’Europe, à être (…) les plus attentifs possible, à mettre tous nos moyens à la disposition de leur libération», ajoute-t-il.

La revendication d’AQMI authentifiée

Sans donner plus de détails, des responsables américains ont déclaré que «la France aurait demandé l’aide de l’armée américaine pour tenter de localiser les otages». Par ailleurs, la branche maghrébine d’Al Qaîda a revendiqué l’enlèvement des sept travailleurs d’Areva. Dans un message audio de son porte-parole, diffusé par la chaîne qatarie Al Jazeera, AQMI indique qu’il allait faire des demandes à Paris, tout en précisant que l’enlèvement avait été réalisé sous la direction de l’islamiste algérien Abelhamid Abou Zeïd. Une revendication que la France a authentifiée. «Nous n’avons pas reçu de preuves de vie, mais nous avons de bonnes raisons de penser que les otages sont en vie», estime pour sa part un porte-parole du ministère français des Affaires étrangères.

C’est la mobilisation générale. Les recherches pour localiser les ravisseurs se poursuivent. A partir de Niamey, rapporte l’AFP, quelque 80 militaires français se relaient pour mener des vols de reconnaissance, «pour tenter de localiser les preneurs d’otages».

Madjid Makedhi


Hama Sid Ahmed, porte-parole du mouvement touareg du nord-Mali

«Bamako a créé une situation explosive»

El Watan, 23 septembre 2010

Porte-parole de l’Alliance pour la démocratie et le changement (ADC ) ex-Mouvement de la rébellion touareg du Nord Mali, Hamad Ag Sid Ahmed qualifie la situation d’explosive dont les responsables sont, selon lui, parmi les dirigeants de l’Etat malien.

Pour le porte-parole de l’ancien mouvement de la rébellion touareg du nord du Mali, Hama Ag Sid Ahmed, la situation dans cette région est «explosive» et reste de la responsabilité de Bamako qui l’a créée. Il déclare : «Les cadres politiques et militaires du Mouvement touareg, y compris les chefs traditionnels, pointent du doigt la responsabilité politique de l’Etat malien dans l’explosion de la région (…) Cela a suscité une volonté commune à utiliser tous les moyens pour se réapproprier cet espace que les autorités centrales ont cédé aux groupuscules armés de l’AQMI pour en faire leur sanctuaire de détention et d’exécution des Européens et d’approvisionnement en minutions.»

Hama Ag Sid Ahmed estime que le mouvement est mis face à une stratégie de Bamako,«visant à compromettre toute action de développement dans le Nord et qui rend ainsi caduc l’accord de juillet 2006. Un accord dont les mesures les plus essentielles n’ont pas connu de concrétisation sur le terrain, et ce, depuis quatre ans, y compris celles relatives aux actions de développement et de responsabilisation des populations locales dans la lutte contre l’insécurité».

L’ancien porte-parole affirme qu’aujourd’hui, «il y a une véritable rupture» entre les Touareg du Nord et les autorités centrales maliennes. «Les Touareg avaient utilisé tous les canaux dont ils disposaient pour participer au développement, à la prise des décisions et de se mettre au service de la lutte contre le terrorisme. Des actions réaffirmées lors de la grande rencontre tenue à Alger en janvier 2010, en contrepartie de l’application stricte de l’accord de paix. Cet appel n’a eu aucun retour d’écho ni de Bamako ni de la communauté internationale», révèle Ag Sid Ahmed.

Il rend responsables les autorités maliennes de «l’échec» de l’accord de paix avec le Mouvement touareg, tout en n’omettant pas de souligner «la responsabilité» de la communauté internationale dans ce qu’il a qualifié de «chaos créé par Bamako». Une situation qui arrange les groupes d’Al Qaîda, dit-il, précisant que ces derniers profitent de l’hospitalité malienne pour poursuivre leur installation au nord du Mali, d’où ils mènent des opérations dans les pays limitrophes (Niger, Algérie, Mauritanie).

Une mobilité facile

«Première semaine de mars 2010, près de 7 militaires nigériens sont tués à la frontière nigéro-malienne. Fin juin 2010, près de onze gendarmes algériens trouvent la mort sous le regard des éléments de la caserne malienne qui se trouve à quelques kilomètres du lieu de l’embuscade à Tinzaouatin Mali). Dernière semaine du mois d’août dernier, une voiture piégée explose devant un camp militaire de Néma en Mauritanie. Plus récemment encore, le 17 septembre dans la matinée, des gardes-frontières mauritaniens sont attaqués par le groupe de Belmokhtar, l’un des chefs d’AQMI depuis le territoire malien et plusieurs agents de sécurité mauritaniens trouvent la mort. C’est dans ces zones grises également que les otages occidentaux sont vendus et exécutés», note l’ancien porte-parole de l’ADC.

Il rappelle qu’en juillet dernier, le Français Michel Germaneau a été exécuté par AQMI, dans la même région du Mali, où l’otage anglais, Edwin Dyer, a été tué le 31 mai dernier et insiste sur la facilité avec laquelle les sept otages enlevés de la mine d’Areva au nord du Niger, ont été transférés vers toujours le nord du Mali. «Il s’agit tout simplement d’une entente tacite entre l’armée malienne et les groupuscules de l’AQMI. Ces derniers ont fait du territoire malien un sanctuaire. Pendant ce temps, les négociateurs de la présidence malienne attendent ’’derrière la porte le tirage au sort’’ de ceux qui vont partir entamer les négociations avec les responsables d’AQMIi et bénéficier ainsi de ses largesses financières pour services rendus», affirme notre interlocuteur.

Et de révéler : «C’est d’ailleurs dans cette situation particulière que l’armée mauritanienne a mené une première opération avec l’assistance des militaires français en juillet dernier visant un des camps d’AQMI situé à la frontière avec le Mali afin d’empêcher toute progression de ces groupuscules sur son territoire. Le 17 septembre, les mêmes forces ripostent à une attaque menée contre leurs agents par des éléments dl’AQMIi, qui avaient pris la fuite vers le territoire malien. Une grande offensive est alors engagée contre un camp situé près de la ville de Tombouctou. Les combats sont très violents et durent plusieurs jours. Pendant ce temps, les autorités locales maliennes accueillent les blessés venus du camp AQMI, dans les dispensaires de la ville de Tombouctou.» Ag Sid Ahmed conclut en tirant la sonnette d’alarme et en alertant sur une situation «humanitaire catastrophique» qui pèse lourdement sur la population du nord.

Salima Tlemçani


Lutte contre le terrorisme au Sahel

Le double jeu de la Mauritanie

El Watan, 23 septembre 2010

Depuis qu’elle s’est engagée dans une guerre contre le terrorisme, la Mauritanie ne cesse de faire parler d’elle, occupant le devant de la scène régionale.

Ce pays désertique, aux moyens militaires réduits, tente de forcer le respect des pays voisins en s’attaquant frontalement à la plus dangereuse organisation terroriste de la région, Al Qaîda au Maghreb islamique (AQMI), ex-GSPC. Si son effort dans la lutte contre la menace du terrorisme dans la bande sahélo-saharienne est indéniablement important, sa politique demeure ambiguë et irrite aussi bien à l’intérieur qu’à l’extérieur.Elle prône d’un côté la fermeté avec les terroristes et de l’autre, on la voit gracier des salafistes djihadistes. Elle s’engage dans un front régional contre le terrorisme aux côtés de l’Algérie, du Mali et du Niger et, en même temps, elle mène une offensive militaire contre Al Qaîda avec un soutien et une assistance technico-logistique de la France, en dehors même de sa frontière.

Le raid franco-mauritanien, mené le 22 juillet pour tenter de libérer l’humaniste français Michel Germaneau, qui a accéléré l’exécution de ce dernier, illustre bien cet état d’esprit ou ce double langage d’un gouvernement mauritanien visiblement pas encore fixé sur sa stratégie de lutte. Bien que sept membres d’AQMI aient été tués, l’opération dont le principal objectif était de libérer l’otage français a échoué. La Mauritanie a quelque part failli à son premier engagement de coordonner ses efforts de lutte avec le reste des pays du Sahel, dont l’Algérie.

Aussi, la ferme détermination, affichée au plus haut niveau de l’Etat mauritanien de combattre l’hydre intégriste, contraste bien avec ses grâces présidentielles d’islamistes djihadistes. Une trentaine de personnes détenues pour des affaires de terrorisme ont été effectivement graciées récemment par le président. Ces «contradictions» dans la politique mauritanienne de lutte contre le terrorisme sont loin de passer inaperçues. Elles sont saisies au vif par l’opposition qui a vertement critiqué la politique sécuritaire du gouvernement.

La Coordination de l’opposition démocratique (COD) en Mauritanie, regroupant plusieurs formations politiques, considère même «illégitime» l’offensive de l’armée contre la branche maghrébine d’Al Qaîda «sur la terre d’un autre pays», le Mali, en évoquant une action menée en coordination avec une «force étrangère». Dans un communiqué en arabe, repris par l’AFP, la COD reproche au pouvoir mauritanien d’avoir «décidé de façon unilatérale d’engager le pays dans une guerre dont il n’a pas bien calculé les résultats», s’interrogeant sur les raisons qui ont amené la Mauritanie «à s’engager seule dans cette guerre, sans la participation des pays de la région confrontés au même danger».

Cependant, le principal parti d’opposition, dirigé par Ahmed Ould Daddah, se montre entièrement solidaire avec l’armée, se contentant de demander au pouvoir de mieux informer sur ces «opérations militaires». La presse mauritanienne redoute des conséquences catastrophiques sur le pays, estimant que l’armée mauritanienne n’est pas assez outillée pour faire face, seule, à la forte menace terroriste qui pèse sur le pays.

«Notre armée n’est pas du tout équipée et préparée», relève le directeur du quotidien Biladi, Moussa Ould Ahmed, cité par une agence de presse. Le parti du président Mohamed Ould Abdel Aziz se défend et appelle les Mauritaniens à soutenir leur armée dans «sa guerre sainte contre les terroristes» qui «ternissent l’image des musulmans».
«Notre armée est déterminée à prendre sa revanche» après des «attentats sanglants» depuis 2005, a annoncé le président de l’Union pour la République (UPR), Mohamed Mahmoud Ould Mohamed Lemine. La Mauritanie a été ces derniers mois le théâtre de plusieurs attentats terroristes et kidnappings de ressortissants étrangers. La menace est régionale. Jouer en solo, c’est prendre un risque inutile pour un pays peu préparé pour faire face à l’hydre terroriste.
Mokrane Ait Ouarabi