Union méditerranéenne: Les contours du projet définis, selon Paris

Union méditerranéenne

Les contours du projet définis, selon Paris

El Watan, 6 décembre 2007

Le rapport de la mission d’information sur le projet d’union méditerranéenne (UM), projet porté par le président Nicolas Sarkozy, a été adopté hier à Paris par la commission des affaires étrangères de l’Assemblée nationale française.

Telle que perçue par Paris et par les auteurs du rapport, l’UM aura « un périmètre large à géométrie variable qui comprend les Etats riverains et tous les Etats non riverains qui souhaiteraient y participer selon les projets ». L’architecture de l’UM sera constituée d’un « G-Med, composé des chefs d’Etat et de gouvernement. Il sera coprésidé pour deux ans par deux représentants des rives nord et sud », d’une « agence de la Méditerranée, ouverte sur la société civile et organisée autour de deux niveaux : l’un ministériel et l’autre opérationnel » et enfin « l’Assemblée parlementaire de la Méditerranée (APM), créée en 2006, qui constituera le volet parlementaire de l’UM ». Pour le financement des projets, le rapport préconise, entre autres, la création d’un « groupe des investisseurs financiers de la Méditerranée, chargé de coordonner les financements institutionnels des projets » et la création d’une institution financière chargée de transformer les ressources à court terme en emplois à long terme et d’assurer les risques afférents aux investissements privés étrangers dans la région. Selon les mêmes propositions, le sommet de lancement de l’UM, prévu en juin 2008 à Marseille, pourrait s’organiser autour de deux réunions distinctes, « l’une restreinte aux seuls pays riverains, y compris le Portugal, la Mauritanie, la Jordanie, l’UE et la Ligue arabe, qui auront le statut de membres permanents », et l’autre « élargie à l’ensemble des pays de l’UE qui le souhaiteraient, selon les projets communs mis en œuvre, avec le statut de membres non permanents ». L’APS qui a rapporté l’information rappelle tout au moins que ce projet a été relativement accueilli avec prudence par de nombreux pays de la rive sud du bassin méditerranéen, qui sans pour autant le rejeter, ont estimé qu’il gagnerait à être plus précisé dans son contenu, ses contours, ses ressources mobilisables, ses futurs organes et son mode de fonctionnement. Lors d’une conférence de presse destinée à présenter l’approche française de ce projet, le président de la mission d’information, Renaud Muselier, a estimé que « c’est le premier document qui donne une vision et un mode d’emploi de l’UM », indiquant que la démarche adoptée par les membres de sa mission consistait à « apporter des réponses concrètes à des questions simples ». « Par notre vision, nous avons voulu faire de l’UM un levier pour développer la coopération et le partenariat entre les rives nord et sud de la Méditerranée et également établir une coopération Sud-Sud au niveau de cette région », a-t-il ajouté, précisant que le souci principal de sa mission était d’« éviter de mettre en place une institution de plus pour un projet méditerranéen ayant déjà fait l’objet de nombreuses initiatives ».

R. N.

 


Alain Le Roy. Ambassadeur en charge du projet de l’union méditerranéenne

« Commencer par l’union des projets… »

El Watan, 6 décembre 2007

Où en est-on avec le projet de l’union méditerranéenne (UM) ?

Le projet avance bien, discrètement pour le moment. Nous faisons un travail de fond. Je fais des rencontres dans différents pays. Je suis venu en Algérie il y a trois semaines. J’ai été ensuite en Tunisie, en Egypte et au Maroc. Je voulais savoir ce dont ces pays avaient besoin à travers des projets. Maintenant, des propositions de projets émergent dans les domaines des interconnexions électriques, des interconnexions gazières, de la coopération universitaire, de la création d’une institution financière de la Méditerranée. Les entreprises vont apporter également leur coopération dans les propositions de projets. Je vais bientôt à Bruxelles pour harmoniser l’initiative de l’UM avec les processus existants déjà.

Le président allemand, Horst Köhler, et le président du Parlement européen, qui ont visité récemment l’Algérie, sont plutôt favorables au renforcement du processus euro-méditerranéen de Barcelone, lancé en 1995, qu’en pensez-vous ?

Ce n’est pas contradictoire. Durant la présidence française de l’Union européenne (qui commence en juillet 2008, ndlr), nous allons organiser six conférences ministérielles pour renforcer le processus de Barcelone. Nous allons en même temps donner une impulsion supplémentaire entre les pays riverains de la Méditerranée. Il faut aller plus loin. La France souhaite renforcer ce processus mais, en même temps, il faut proposer des projets et une dynamique supplémentaires.

N’avez-vous pas senti des réticences du côté italien et espagnol ? La Libye, elle, n’a encore rien dit…

Il y avait des réticences au début. Aujourd’hui, les choses évoluent. J’étais au sommet franco-italien à Nice (sud de la France). Le président Romano Prodi était clair : « Nous souhaitons et nous voulons une union de la Méditerranée. » Le ministre des Affaires étrangères espagnol, Miguel Moratinos, a dit qu’il fallait un Barcelone plus (…). Mouamar Kadhafi va venir la semaine prochaine à Paris. Je crois savoir que — c’est lui qui le dira — la Libye est intéressée par ce projet. Tous les pays du Sud ont exprimé leur intérêt pour travailler ensemble et surtout développer l’investissement dans les domaines de l’énergie, la santé et autres.

Alors, comment trouver un pont entre Barcelone, la Politique européenne de voisinage (PEV) et le projet français de l’UM ?

Le processus de Barcelone, c’est l’UE dans son ensemble, 39 pays, 27 du Nord, 12 du Sud qui travaillent ensemble sur les grands projets, le dialogue politique, la prospérité partagée. L’union méditerranée est complémentaire de Barcelone, entre les pays riverains pour aller plus loin. Le défi est grand puisque l’investissement est faible au sud de la Méditerranée, il faut renforcer les efforts avec les pays (…) La PEV est importante pour tous les pays même si elle suscite des commentaires divers. L’union méditerranéenne est complémentaire de ce processus également, le 5+5 va continuer à travailler autant que le Forum méditerranéen. Nous donnons une impulsion supplémentaire à tous ces processus.

Il y a aussi la Turquie qui refuse ce projet…

La Turquie ne refuse pas. Elle a réservé sa réponse. Je vais bientôt aller à Ankara. Certains, au départ, ont cru que la Turquie n’allait pas entrer dans l’UE. Cela n’est pas vrai, les négociations sur les 30 chapitres portant sur l’adhésion ont déjà commencé. Que la Turquie adhère ou non à l’UM sera sans influence sur ses négociations avec Bruxelles. En revanche, la Turquie commence à émettre des signaux positifs. Elle attend de voir les différents projets. J’ai confiance que ce pays va rejoindre assez rapidement l’union méditerranéenne.

La question chypriote (divisée entre Turcs et Grecs) et le conflit palestino-israélien ne vont-ils pas peser sur l’avancée de l’initiative ?

Forcément, ce n’est pas simple. Mais nous espérons qu’Annapolis va créer une dynamique favorable. Chypre sera membre comme les autres de l’union méditerranéenne. De toute façon, les projets seront à géométrie variable. Les pays s’associeront pour faire des projets.

Quel écho avez-vous eu en venant à Alger ?

J’ai rencontré à Alger le ministre des Affaires étrangères, Mourad Medelci, et le ministre de l’Environnement et du Tourisme, Chérif Rahmani. Les deux étaient extrêmement positifs. M. Medelci a même fait des déclarations publiques pour dire que l’Algérie était favorable à ce projet. Il avait insisté sur l’idée de l’élaboration en commun. On va ensemble déterminer les projets prioritaires.

Le président algérien a-t-il accepté d’aller en juin 2008 au premier sommet des chefs d’Etat de l’UM et quel est l’ordre du jour de ce sommet ?

La lettre d’invitation n’est pas encore envoyée au président algérien. Nous avons espoir qu’il sera présent. Le sommet, qui aura lieu probablement à Marseille, aura à élaborer une déclaration des chefs d’Etat créant l’union méditerranéenne comme un processus basé sur les projets. Le sommet devra arrêter la liste des projets.

L’union méditerranéenne ne sera visiblement pas une union politique, mais une union de projets. C’est votre vision ?

Pour le moment, nous commençons par l’union des projets. Comme l’Europe, qui avait créé la Communauté européenne du charbon et de l’acier (CECA) en 1951. On ne savait pas à l’époque quelle serait la forme de l’Union européenne. Là, nous commençons par les projets importants, les projets fédérateurs, et nous verrons quelle forme juridique aura l’UM. Nous allons discuter ensemble sur ce point. Elaboration en commun, « milkiya mouchtaraka » ! Ce que nous avons en tête c’est que le sommet de la future union soit informel, doté d’un secrétariat léger pour préparer les sommets suivants afin d’éviter de mettre en place une bureaucratie lourde. Le siège du secrétariat n’est pas encore déterminé. Cela peut être Alger, Tunis, Le Caire, Rabat… ce n’est pas encore tranché.

Faycal Metaoui