Alger provoque une tempête médiatique avec Paris

Visas refusés à des journalistes français

Alger provoque une tempête médiatique avec Paris

El Watan, 9 avril 2016

Alger se fâche avec Le Monde et provoque une crise médiatique avec Paris. Les autorités algériennes ne décolèrent pas contre le quotidien

français du soir, pour avoir publié la photo de Bouteflika en une et révélé l’implication de responsables algériens dans le scandale Panama Papers. Après la convocation de l’ambassadeur de France à Alger par le ministre des Affaires étrangères, Ramtane Lamamra, pour signifier sa «protestation suite à la campagne de presse hostile à l’Algérie», le gouvernement algérien a refusé un visa au journaliste du Monde qui devrait assurer la couverture de la visite de Manuel Valls.

Jeudi, les autorités algériennes ont informé Paris de leur intention de ne pas accorder de visa au représentant du journal Le Monde qui devait accompagner la délégation officielle française. Le journal français proteste et dénonce une entrave à la liberté de la presse. Dans un communiqué, le directeur du Monde, Jérôme Fenoglio, s’élève contre une décision qui «empêche le journal de faire son travail».

«Cette décision est liée à notre traitement des Panama Papers, en particulier les informations que nous avons publiées sur l’Algérie», écrit-il. Le Monde dit «regretter cette décision et proteste contre cette entrave à la liberté de la presse».

Ce refus a pris de l’ampleur à la veille de la troisième réunion du Comité intergouvernemental de haut niveau entre l’Algérie et la France. Une équipe du «Petit Journal» ne fera pas non plus le voyage avec Valls ; elle a également essuyé un refus de visa.

Des médias boycottent la visite de Valls

Le Premier ministre français, Manuel Valls, s’est entretenu avec son homologue algérien pour tenter de résoudre «l’affaire du visa», en vain. Mis au courant mercredi du refus d’accorder un visa au journaliste du Monde, selon l’AFP, M. Valls «a plaidé pour que l’ensemble de la délégation de presse qui accompagne le Premier ministre puisse bénéficier de l’autorisation d’entrer».

Mais visiblement, les bons offices du Premier ministre français n’ont pas convaincu les autorités algériennes, qui estiment que la publication de la photo du président Bouteflika pour illustrer l’implication de responsables algériens dans le scandale Panama Papers est «un crime de lèse-majesté».

Hier en début de soirée, d’autres médias français se sont solidarisés avec Le Monde en décidant de boycotter le voyage de M. Valls à Alger. Dans un communiqué commun, Libération, France Inter et France Culture ont fait le choix de «ne pas couvrir» la visite officielle de Manuel Valls en Algérie, samedi et dimanche.

«Cette décision de boycott est prise en signe de solidarité avec notre confrère du Monde, privé de visa par les autorités algériennes en raison du traitement du scandale Panama Papers par le quotidien français, notamment les informations visant l’Algérie», peut-on lire dans le communiqué commun dans lequel les trois rédactions dénoncent une atteinte à la liberté de la presse. «Par ce geste, nous entendons protester contre ce que nous considérons comme une entrave à la liberté de la presse», protestent-elles.

De son côté, l’Association de la presse ministérielle (APM) «s’indigne» du refus des autorités algériennes. Elle considère que «rien ne peut justifier de restreindre l’exercice de notre métier, a fortiori une interdiction pure et simple en guise de mesure de rétorsion». L’APM demande «instamment aux autorités algériennes de réviser leur jugement contraire aux principes d’une presse libre et indépendante».

En lieu et place de fournir des explications sur l’implication de certains responsables dans ce hold-up planétaire, les autorités algériennes ressortent le classique complot ourdi par des lobbys. La théorie du complot est aussitôt mise en marche. C’est la ligne de défense de Abdessalem Bouchouareb – cité dans les Panama Papers – devant la commission économique de l’APN. Et, tout naturellement, le bouc émissaire est la presse. De l’art de botter en touche.

Manifestement, la visite du Premier ministre français est sérieusement perturbée par cette tempête médiatique sur fond de malaise politique à Alger. En refusant un visa au journaliste du Monde, le gouvernement algérien provoque une minicrise politique avec Paris et a réussi à détourner l’opinion du vrai débat.

Hacen Ouali