De la colonisation à l’intégration : la guerre républicaine

De la colonisation à l’intégration : la guerre républicaine

El Watan, 21 novembre 2005

Pour ceux qui observent la politique française depuis la guerre d’Algérie 1954-1962, des constantes évidentes de cette politique persistent sans aucun changement si ce n’est dans la forme. La palingénésie dans la nature existe aussi dans l’histoire.

Après le déclenchement des événements du 1er Novembre 1954 en Algérie, les responsables français de l’époque faisaient appel à une technique sémantique pour jeter le discrédit sur la réalité algérienne têtue. Les Algériens sont qualifiés de rebelles, de bandits d’honneur, d’assassins, de violeurs, d’égorgeurs et la liste reste ouverte. Une loi 1955 décrète l’état d’urgence pour permettre aux autorités de réduire à néant les fellagas, les empêcher de violer la loi, la République. Il faut castrer les melons, les crouilles, les ratons, les bicots, ces sous-animaux sans nom, sans être, sans existence, ces monstres de la nature. Des opérations de grande envergure ont été mises en route par les humanistes de la SFIO et certaines d’entre-elles ont été baptisées « épouillage ». Il faut immédiatement tuer les poux. Novembre 2005, en France, dans les banlieues dites pudiquement difficiles, le général Sarkozy, s’identifiant aux généraux Cherrière, Salon. Massu, Challe et autres, se présente dans ces territoires considérés rebelles à la République pour casser les enfants des fellagas de jadis. Il promet de se débarrasser des racailles et des voyous. En d’autres termes, il décide une opération de « déracailletisation » des banlieues à l’instar des opérations jumelles, pierres précieuses et autres. Le rouleau compresseur doit passer. La France éternelle, mère de toutes les démocraties du général Sarkozy, est violée par les enfants des égorgeurs. La troupe est envoyée sur la banlieue avec les insultes racistes de jadis et d’aujourd’hui : sales Aarabes, sales Nègres, racaille. La troupe des Gaulois purs doit castrer la racaille pour lui confisquer sa masculinité. La loi 1955 refait surface avec la bénédiction des élus républicains comme en 1955 en Algérie.

Ni intégration ni assimilation
Hier, c’était réprimer jusqu’à ôter aux nationalistes l’idée de relever la tête, autrement dit confisquer leur virilité, les déculotter. Le combat du général Sarkozy, et à travers lui la France éternelle, était le combat du patriarche Guy Mollet et ses lieutenants Robert Lacoste, Bourgès Maunoury et Max Le Jeune. Aujourd’hui la guerre continue, mais cette fois-ci au cœur de la République. L’objectif est de débarrasser les Français, les Berrichons, les Gaulois des poux actuels qui les parasitent en utilisant tous les moyens comme en 1954, même avec les méthodes qui répugnent. Aujourd’hui comme hier, la France éternelle ouvre les postes de la réussite sociale et professionnelle à des races choisies et triées sur le volet. Le général Sarkozy est d’origine hongroise de la première génération exactement comme la racaille qu’il décide d’éradiquer. Comment lui, réussit et va devenir sûrement président de la République éternelle, alors que des milliers de Français comme lui issus de l’immigration (dont pas mal ont des diplômes universitaires supérieurs) ont au mieux le RMI et au pire sont SDF ? La République ne veut ni intégrer ni assimiler. Avec éducation ou sans éducation, les enfants de l’immigration d’origine africaine et maghrébine sont dans la même galère, du docteur de l’université jusqu’aux sans-diplôme. La République intègre réellement les enfants de l’immigration qui sont de la même culture idéologico-religieuse. Pour réussir, il faut être comme le général Sarkozy : Occidental, judéo-chrétien, Blanc, beau, enfin être de la race supérieure, la race élite, la race élue du Dieu biblique. Tout le reste n’est que erreur de la nature. Qu’ils soient républicains de gauche comme de droite, de l’extrême droite ou de l’extrême gauche, c’est du pareil au même. Ils sont tous décidés à ne jamais laisser et jusqu’à l’éternité les enfants des pouilleux réussir socialement. Toutes les stratégies, tous les subterfuges sont les bienvenus de la petite ruse jusqu’aux grandes stratégies à court, moyen et long termes étudiées et appliquées par l’Etat lui-même avant d’être enseignées à la base républicaine de toutes les catégories. Pour rappeler avec des exemples concrets irréfutables de quel côté se trouvent l’humanisme et la tolérance, il faut revenir aux années du président Boumediène en Algérie. L’Algérie avait accepté des enseignants universitaires français en Algérie avec juste une maîtrise (équivalent de la licence en Algérie) et cela dans toutes les disciplines.

Sauver la France de la barbarie
Aujourd’hui, en France, des milliers de docteurs de l’université française d’origine africaine et maghrébine sont exclus de l’enseignement et de la recherche, qui perçoit le RMI pour vivre qui devient ouvrier sans qualification qui devient vigile et les exemples sont légion. Tout cela doit donner à réfléchir au général Sarkozy parti pour casser des enfants et déclarer la responsabilité collective à l’encontre de leurs parents qui ont construit la France comme son ancien collègue Cherrière l’architecte de la responsabilité collective pendant la guerre d’Algérie. Cherrière, pour un soldat tué, brûlait des villages et tuait plusieurs villageois de la race des bicots. Sarkozy coupe les allocations familiales pour les parents des racailles coupables avec des garde à vue accompagnées d’apprentissage de la responsabilité civile. Quelle répétition à l’identique de la réalité entre hier et aujourd’hui ? Le général Sarkozy n’a pas envoyé ses divisions républicaines pour enquêter sur les îlots des racistes qui ne sont que des survivances réelles des SS qui pratiquent au vu et au su de tous la politique de la haine, de l’exclusion, de la désintégration, et ce, à tous les niveaux : les administrations, l’éducation nationale, les universités, les centres de recherche, la Fonction publique, les entreprises, le logement et autres. Cela ne le concerne pas. Après tout, ce n’est pas sa race. Ce ne sont que de la racaille. Aujourd’hui, en France, on peut devenir ministre, Premier ministre et même président de la République si on est Arménien, Polonais, Hongrois, enfin si on est Européen pur. La France républicaine, éternelle doit empêcher les barbares de la dépecer comme ils ont dépecé l’Empire romain. La leçon est bien assimilée. La France républicaine définit le bien et le mal, selon son bon vouloir. Quand les garçons des banlieues font des bêtises, elle responsabilise les parents. Quand les filles des banlieues veulent s’émanciper, l’émancipation ne doit pas incomber aux parents mais aux institutions de la République qui crient à l’intégrisme, au fanatisme, à l’extrémisme et même à la barbarie. La France républicaine est la mesure de toute chose.

Abdesselam Kadi