Algérie – Union européenne: Tartuferies européennes

Algérie – Union européenne: Tartuferies européennes

par Bruxelles: M’hammedi Bouzina Med, Le Quotidien d’Oran, 21 août 2016

Curieux quand même que l’Europe s’angoisse de l’avenir du marché énergétique algérien et surtout le risque pour le pays de finir dans la violence des mercenaires de Daech et Al-Qaïda. Tout cela sur fond de succession de l’actuel président Abdelaziz Bouteflika.

A défaut d’arguments rationnels jugeant objectivement du niveau et de la qualité de la coopération économique UE – Algérie, les groupes de pression et autres lobbies activant au sein des institutions internationales, plus spécialement celles de l’UE, dévissent via les médias le débat et l’argumentation sur le terrain qui prête le plus à équivoque, celui de la spéculation politique marquée par un paternalisme qui frôle le mépris et sent la manipulation grossière: en quoi la nature du régime politique algérien gênerait-elle les intérêts stratégiques, plus précisément ceux liés la sécurité énergétique de l’Europe ? Faut-il rappeler qu’au plus fort de la décennie noire et l’instabilité politique aiguë vécue par les Algériens (1990-2000) l’approvisionnement en gaz (et pétrole) de l’Europe a été stable, garanti et n’a vécu aucune défaillance ? L’Algérie a honoré son contrat dans des circonstances d’isolement, justement, par cette même Europe qui s’angoisse des lendemains de l’Algérie d’aujourd’hui. Le groupe de consulting américain «NARCO», repris par des sources anonymes (responsables de l’UE ?) et publié par la revue «Politico» manifeste son impatience de voir un nouveau régime algérien succédant à celui de Abdelaziz Bouteflika qu’il présage, par on ne sait quel oracle, imminent. Pourquoi ? Quel régime politique et dans l’intérêt de qui ? Au-delà de la thèse affabulatrice de réduire et de lier un régime politique à la volonté d’un seul homme, fût-il Bouteflika, il faut être naïf pour croire que le sort de l’Algérie et des Algériens inquiète les responsables politiques européens au point de les voir perdre des parts du marché énergétique mondial au profit des Russes par exemple. Pour cela, nos amis Européens et Américains (ANACO est basé aux USA) souhaitent que l’Algérie ouvre tous azimuts son marché énergétique, lève toutes les barrières douanières d’une manière générale, en contrepartie d’une relance conséquente des investissements étrangers (IDE). Autant le dire en un mot : l’ inclusion du pays dans la logique et les standards de la mondialisation économique. Qu’à cela ne tienne, puisque les experts prédisent l’inéluctabilité de la mondialisation économique. Seulement, nos conseillers occidentaux semblent pressés de hâter cette perspective pour l’Algérie sous peine de faillite, voire de finir dans la violence et la guerre. Du coup, partant d’une question économique (la coopération énergétique), on retrouve dans les déclarations et l’article de presse Al-Qaïda, Daech, l’immigration, la Russie et la Norvège, c’est-à-dire un vocabulaire politique et géostratégique. L’issue pour échapper au risque de finir dans la violence ? Le changement rapide du régime politique, comme ça, du jour au lendemain, par un décret du futur président de la république algérienne. Les Algériens n’ont rien contre l’évolution de leur pays vers la modernité et la démocratie et savent, au moins mieux que les Occidentaux, que cela ne dépend pas d’un seul homme, fût-il le chef de l’Etat. Cette façon des Européens à vouloir réfléchir à la place des Algériens sur ce qui les arrange le mieux et de vouloir leur imposer des choix est plus que gênante, préoccupante justement. Brandir la menace pour l’Algérie de perdre des parts du marché énergétique mondial, sous-entendu au profit de la Norvège et de la Russie, si elle n’obéit pas à la logique de Bruxelles est ridicule parce qu’elle n’apprend rien de nouveau au plus profane des économistes : la concurrence du marché. Attiser les envies concurrentiels entre Algériens, Russes et Norvégiens, c’est-à-dire les fournisseurs de l’Europe en gaz en ces moments de baisse des prix (le prix du gaz est aligné sur celui du pétrole) n’est pas un gage d’élégance, voire d’honnêteté diplomatique. En revanche, pour l’Algérie, penser et étudier le retour effectif sur la vie des populations de toute décision macro-économique de cette nature est une autre affaire : par quoi l’Etat algérien va-t-il remplacer ses recettes fiscales en livrant son marché énergétique à la concurrence vorace des grandes multinationales des hydrocarbures ? Accuser la règle des 51 / 49 % sur le partenariat économique comme seul frein à l’investissement étranger est un peu court même si elle renferme une part de vérité aux yeux, naturellement, des investisseurs étrangers. Aux yeux des Algériens, cette règle permet à l’Etat de financer l’éducation nationale, la santé, le logement social, les produits de large consommation. La conjoncture actuelle de l’Algérie commande à ne pas prendre de décision précipitée qui risque d’hypothéquer sa relative stabilité économique tant que les réformes structurelles n’aient porté leurs fruits dans tous les secteurs de la vie du pays. Quant à la question de l’avenir de l’Algérie et l’élection du prochain président, seuls les Algériens en décideront le moment venu.