«L’Union méditerranéenne manque d’idées précises»

La commissaire européenne en charge des relations extérieures et de la politique européenne de voisinage au Quotidien d’Oran

«L’Union méditerranéenne manque d’idées précises»

par Entretien Réalisé A Bruxelles Par Hichem Ben Yaïche, Le Quotidien d’Oran, 18 septembre 2007

Le 3 septembre dernier, à Bruxelles, Mme Benita Ferrero-Waldner, commissaire européenne en charge des relations extérieures et de la politique européenne de voisinage, organisait la toute première réunion entre les ministres et d’autres responsables politiques de l’ensemble des pays concernés par la politique européenne de voisinage (PEV) et leurs homologues de l’UE. Intitulée « Travailler ensemble au renforcement de la politique européenne de voisinage », cette conférence, organisée par la Commission européenne, se voulait un forum de discussions – une première – afin de faire entendre les voix des uns et des autres en vue d’intensifier le processus. A cette occasion, nous avons rencontré, avec un petit groupe de journalistes, Mme Benita Ferrero-Waldner qui tente ici de clarifier les enjeux de la PEV. Entretien.

Le Quotidien d’Oran: Comment est née l’idée de la Politique européenne de voisinage ?

Benita Ferrero-Waldner: Cette (vraie) vision est née il y a cinq ans autour de cette interrogation: «Qu’est-ce qu’on peut faire pour partager notre sécurité, stabilité et prospérité avec nos voisins – les voisins de l’Europe élargie ?» C’est cela le fondement de la Politique européenne de voisinage. Par conséquent, celle-ci est un instrument afin de partager effectivement ce «grand bien» commun que nous avons aujourd’hui. La PEV a déjà réalisé de bons résultats. Mais, en décembre 2006, nous avions exprimé le souhait de l’intensifier. Et, c’est dans ce sens que nous avons fait une série de propositions. La Conférence organisée le 3 septembre dernier à Bruxelles permettait d’entrer dans un dialogue avec chacun des pays où tout le monde se retrouve. C’est une occasion aussi pour que les uns et les autres écoutent ce que chacun pense. Je crois qu’il est important aussi de savoir que même si c’est une « politique différenciée » à l’égard de chacun des pays avec l’UE, il y a quand même une base générale commune. Pourquoi ? Parce que chacun de ces pays veut travailler avec nous, Union européenne.

Par exemple: pour une intensification des marchés, c’est nécessaire d’homogénéiser nos standards. Prenons le cas du phytosanitaire. Si l’on veut exporter plus vers l’UE, il faudra respecter les critères phytosanitaires en vigueur. C’est ainsi qu’il y a une politique différenciée, mais en même temps c’est une politique où il y a beaucoup de choses communes. L’accord-cadre s’inscrit dans cette logique.

J’aimerais bien, pour situer le propos dans un contexte plus général, vous donner quelques détails sur notre volonté d’intensifier la PEV. Afin de donner plus de moyens financiers, nous avons créé un fonds de facilité des investissements de 700 millions d’euros qui proviennent directement de mon budget – le budget de la Commission européenne -, et qui sera ouvert à d’autres dons des Etats membres. Le but est de mobiliser suffisamment d’argent afin de demander des crédits auprès de grandes institutions financières internationales.

Cet argent servira à financer des grands projets d’infrastructures, comme par exemple les ports et les aéroports, mais aussi des projets liés au transport et à l’énergie.

D’un autre côté, la question des visas et de la mobilité reste importante. Je l’ai clairement précisé dans mon discours : nous sommes prêts à un «partenariat de mobilité». Cela veut dire que sur le sujet de l’immigration, on reste ferme – on doit combattre l’immigration illégale – mais, dans le même temps, on veut faciliter l’immigration légale. Cette initiative vient de la CE, exposée lors d’une communication faite au printemps dernier. C’est au tour maintenant des Etats membres de la mettre à exécution. Ces derniers, pour des raisons évidentes, la feront sur une base volontaire. Parce que nous ne pouvons pas imposer cette décision.

Les pays membres, l’UE, la CE et nos partenaires devons continuer à travailler ensemble sur ces questions. On reconnaît les difficultés – les problèmes -, mais dans le même temps essayer de trouver des solutions.

Enfin, pour conclure sur ce point, nous avons mis en place des bourses pour les étudiants des pays de la PEV.

L’objectif stratégique reste, au bout du parcours, l’établissement de la zone de libre-échange. C’est un processus visionnaire et long, lequel implique d’aller encore de l’avant !

Q.O.: Chacun sait qu’il existe un autre processus, le « processus de Barcelone », lequel est un cadre multilatéral. Comment l’articulation, en termes de cohérence, entre la Politique européenne de voisinage (PEV) et l’EuroMed ?

BFW: Le « processus de Barcelone » existe depuis longtemps (1995). Celui-ci est un processus régional et multilatéral. Tandis que la PEV s’inscrit dans un cadre bilatéral : l’UE avec chacun des 16 pays. Nous considérons qu’en plus de ce projet régional [l’EuroMed], il faut établir un lien bilatéral avec chaque pays !

Et, effectivement, avec tel ou tel pays, nous allons un peu plus loin. Avec le fonds qui s’appelle « Facilité de gouvernance », on peut donner plus d’argent. C’est un geste de reconnaissance en direction de ceux qui jouent le jeu !

Q.O.:Jusqu’où va le voisinage de l’Europe ? Comment le définissez-vous ? Le Caucase du Sud, par exemple, en fait-il partie ?

BFW: Le voisinage ? Ce sont des pays qui sont autour de l’Union européenne élargie. Naturellement, le Caucase en fait partie. Je voudrais vous dire que, moi, j’essaie d’être absolument rigoureuse en termes d’équilibre envers d’un côté l’Est et de l’autre le Sud !

J’aime les deux partenaires. Par conséquent, il faut essayer d’avoir le même traitement équitable. Parce que, parfois, il y a des pays qui disent : «Non, vous ne faites pas assez pour le Sud.» Puis, d’autres disent: « Vous ne faites pas assez pour l’Est. » Je peux vous dire que je contrôle tout pour éviter ces appréciations. Il n’empêche que la PEV est bâtie sur une approche différenciée.

La PEV va absolument dans cette direction. C’est une politique avec un grand cadre, mais assez flexible. Dans le cas du Maroc, par exemple, nous avons mis en place un groupe de travail afin d’élaborer quelques options. Dans le cadre de la PEV, ce pays désir avoir un « statut avancé ». Nous travaillons dessus… Oui, je peux dire que tous ceux qui entrent dans ce cadre sont les bienvenus !

Q.O.:L’Union méditerranéenne (UM), proposée par le président français Nicolas Sarkozy, vise particulièrement l’EuroMed. Est-ce que, pour vous, c’est une remise en cause de ce processus ? Comment l’avez-vous interprété au niveau de la Commission européenne ?

BFW: Je peux vous dire que jusqu’à cet instant, on n’a pas des idées très précises sur l’Union méditerranéenne ! Mais je vais vous dire ceci : moi, j’ai eu des discussions (pourparlers) à Paris à ce sujet. Parce que je suis Commissaire et responsable de cette politique. Mon opinion est celle-ci : tous les pays – comme je l’ai dit à propos du Maroc sur son « statut avancé » – qui entrent dans cette dynamique, et qui pourraient être « portés » par l’UE sont bienvenus ! Mais cela doit entrer dans ce cadre.

Dans le cadre de la PEV, je vais renforcer les relations de toutes sortes, mais il faut quand même que tous les Etats membres soient associés !

-La PEV est un processus distinct de celui de l’EuroMed. Il regroupe 16 pays : d’un côté, Maroc, Algérie, Tunisie, Libye, Egypte, Israël, Autorité palestinienne, Jordanie, Syrie et Liban et de l’autre Arménie, Azerbaïdjan, Belarus, Géorgie, Moldavie et Ukraine.

-Pour comprendre les enjeux de cette conférence, il est possible de télécharger tous les textes des intervenants en allant à cette adresse Internet:
http://ec.europa.eu/world/enp/

-Lire le compte rendu de Ghania Oukazi, dans le Quotidien d’Oran, envoyée spéciale à cette conférence