Départ du président de l’assemblée

DÉPART DU PRÉSIDENT DE L’ASSEMBLÉE POPULAIRE NATIONALE

Une décision attendue

El Watan, 5 juin 2004

La démission du président de l’Apn, M. Karim Younès, était attendue au lendemain de l’élection présidentielle du 8 avril dernier qui avait vu le courant du Fln emmené par Benflis, et dont il était l’un des animateurs actifs lors de la campagne électorale, laminé dans ce scrutin ; elle intervient deux mois plus tard. L’ancien président de l’Assemblée populaire nationale est apparu très mal à l’aise dans son discours d’adieu prononcé jeudi matin et peu convaincant au vu des arguments présentés pour justifier son départ du perchoir de l’Apn.

La décision avait été prise au lendemain de l’élection, mais il se serait fait violence en consentant à rester à son poste pour ne pas perturber le fonctionnement de l’institution parlementaire et provoquer une crise institutionnelle, a-t-il expliqué dans sa lettre de démission. Les arguments avancés par Karim Younès nous rappellent étrangement les propos tenus par l’ancien chef de gouvernement et ancien secrétaire général du Fln, Ali Benflis pour justifier son départ différé du gouvernement, alors que la crise était à son paroxysme entre lui et le président Bouteflika depuis plusieurs mois déjà. La raison d’Etat invoquée souvent par nos hommes politiques pour se ménager une porte de sortie honorable et préserver leurs montures on n’insulte pas l’avenir, c’est une règle sacro-sainte du sérail est devenue tellement galvaudée que plus personne ne croit à un tel discours. En politique comme dans tout autre domaine de la vie, quand on n’est pas d’accord, il n’y a pas d’autres choix possibles que de se soumettre ou de se démettre. En fait, Karim Younès a été victime de sa naïveté de croire qu’il pouvait, à partir de sa position de président de l’Apn, fort d’une majorité virtuelle avec le déchirement inter-fln, de créer une opposition solide à Bouteflika même si elle n’a pas le poids d’une majorité parlementaire. Il avait fondé beaucoup d’espoirs sous l’influence de Benflis dans l’issue du combat qui oppose le courant du Fln auquel il appartient à celui des redresseurs. Sa première déclaration politique annonçant après le scrutin qu’il ne démissionnera pas de son poste de président de l’Apn avait laissé penser que l’homme avait choisi à la capitulation le combat militant en utilisant une tribune de choix pour ce faire : le Parlement. Si tel était réellement le sens qu’il avait donné à sa décision de rester à son poste, il aura alors fait de la résistance passive qui ne pouvait que l’isoler davantage et le pousser rapidement vers la porte de sortie. Il était condamné dans les nouveaux rapports de force nés de l’élection présidentielle qui ont enterré les dernières illusions du courant de Benflis qui a fini par déposer les armes sans coup férir à être le dernier étage de la fusée de sa famille politique qui s’est désintégrée en stratosphère quelques mois seulement après son lancement raté. Sans doute que Karim Younès a cherché après que le fusible Benflis eut sauté à négocier une place au soleil dans la nouvelle configuration du Fln où l’ambition de rassembler et de réconcilier les courants qui se sont étripés avant le scrutin semblait agréer et les vainqueurs et les vaincus dans le camp du Fln. Tout le monde l’aura compris que la réconciliation à laquelle n’a cessé d’appeler le chef des redresseurs, M. Belkhadem, ne pouvait pas concerner des personnalités qui assument de hautes fonctions dans les institutions de l’Etat qui se sont puissamment investies aux côtés de Benflis comme l’avait fait Karim Younès. Si ce dernier n’avait pas pris la résolution de partir de son propre chef, on l’aurait sans doute fait partir par d’autres moyens légaux et institutionnels, en lui faisant emprunter l’humiliante porte de service comme on l’avait fait pour Bachir Boumaza. Tout indique donc que la démission de Karim Younès a été négociée pour lui permettre de se retirer sans y laisser trop de plumes. Tout a été préparé pour donner l’impression que la décision de Karim Younès est souveraine. Y compris les commentaires élogieux de Belkhadem se félicitant d’une telle décision qui crée dans le pays, selon lui, de nouvelles mœurs politiques basées sur le respect des règles de l’alternance au pouvoir.

Par S. Bensalem