Pour convaincre les chefs de l’ex-FIS de rentrer au pays

POUR CONVAINCRE LES CHEFS DE L’EX-FIS DE RENTRER AU PAYS

Bouteflika dépêche Soltani à Bruxelles, Londres, Genève et Washington

L’Expression, 21 mars 2006

Les réticences affichées par les responsables du parti dissous diminuent de la valeur de la réconciliation.

Boudjerra Soltani, ministre d’Etat et président du MSP, va se rendre dans plusieurs capitales européennes pour une mission délicate : convaincre les dirigeants de l’ex-FIS présents à Bonn et Londres, entre autres, encore en exil de regagner le pays, dans le cadre des dispositions désormais en vigueur de la charte portant réconciliation nationale.
Une réconciliation nationale de l’ordre de celle que vit aujourd’hui l’Algérie n’est jamais définitive mais reste encore et toujours à faire.
Et c’est parce que les leaders du FIS dissous tardent à répondre à l’offre de paix proposée par le président de la République, que le MSP se prépare à se rendre dans plusieurs capitales européennes et aux Etats-Unis, en vue d’amener les chefs politiques du parti dissous à rentrer en Algérie.
Selon des sources proches de la direction du MSP, plusieurs capitales sont programmées, dont Bruxelles, Genève, Londres et Washington, et plusieurs chefs islamistes inscrits dans l’agenda des «négociateurs», dont principalement Abdellah Anas, Kamereddine Kherbane, Mohamed Denideni et Anouar Haddam.
Les représentations diplomatiques algériennes ont donné toutes les garanties pour faciliter les prises de contact avec les islamistes recherchés qui voudraient retourner en Algérie, mais, pour l’instant, très peu d’entre eux sont réellement intéressés par un retour qui s’effectuerait pour eux «dans des conditions défavorables». Beaucoup se sont installés définitivement et semblent établis pour longtemps. Leurs femmes et leurs enfants sont soit dans un poste de travail ou scolarisés et un «retour en Algérie dans les conditions actuelles constituerait une perturbation de notre vie quotidienne», commente l’un d’eux. Lors de la campagne pour le projet de charte pour la paix et la réconciliation nationale, plusieurs envoyés spéciaux du président de la République avaient effectué des déplacements en vue de convaincre les leaders islamistes de rentrer au pays. Belkhadem avait rencontré le groupe de Londres et Anouar Haddam aux Etats-Unis, et Amar Ghoul avait fait le déplacement à Genève pour rencontrer Mourad D’hina, lequel affiche une hostilité jamais démentie vis-à-vis des textes de loi portant réconciliation nationale dans leur mouture actuelle.
Un des points de divergence pour certains chefs islamistes avait été évoqué dans la double pénalisation de la Charte qui les exclut de toute activité politique tout en leur faisant porter, à eux seuls, tout le poids de la décennie de la guerre.
Alors que certains autres chefs islamistes à l’étranger, dont Rabah Kebir, Abdelkrim Ghemati et Abdelkrim Ould Adda, trouvent que la Charte comporte plusieurs volets très positifs qu’il faut accepter, qu’elle constitue une avancée réelle dans le sens d’une sortie définitive de la crise.
En fait, les autorités, via le MSP, vont se trouver face à une communauté islamiste hétérogène, et qui se compose de plusieurs clans.
Le groupe de Londres est l’un des plus influents, avec Anas Kherbane, Chouchène, Denideni et Djaâfar Houari. Ce groupe veut plus de concessions de la part des autorités, et plus d’équité dans l’évaluation de la charte, telle que mentionné dans le prologue des textes. Celui constitué par le CC-FIS et représenté par la triplette Kebir-Ould Adda- Guemati est plus «politique».
Acquis à l’option de réconciliation depuis 1997, partie prenante des accords AIS-ANP contractés dans les maquis entre Madani Mezrag et l’état-major de l’armée, ce groupe a encore porté à bras-le-corps le projet du président, allant jusqu’à dire qu’il était prêt, pour le bien de l’Algérie, à s’auto-exclure de toute activité politique.
Le groupe D’hina reste le plus farouchement opposé à la charte dans ses formulations actuelles. Signataire, le 8 mars dernier, d’un communiqué stigmatisant la réconciliation dans ses formes actuelles, ce groupe qui se compose aussi, outre Mourad D’hina, de Abbas Aroua, Rachid Mesli, Habbès et Fillali (ces deux derniers n’ont pas signé le communiqué) estime qu’on ne saurait passer à une réconciliation réelle sans souscrire au devoir de justice et de vérité.
Anouar Haddam, qui vit à Washington depuis une douzaine d’années, voulait rentrer au pays en septembre 2005, avant d’être empêché par une «situation hostile» qui s’est formée au lendemain de sa déclaration d’être à Alger le 30 septembre 2005.
Mais tout cela reste un détail, une pièce dans le grand ensemble de la paix. Des forces contraires se tirent dessus à vue, via la presse, et qui renseigne sur la difficulté qu’éprouve le président à dessiner une réconciliation nationale, mais qui renseigne sur tous les enjeux exceptionnels liés à l’effort de paix en Algérie. Et plus précisément à entraver cet effort de paix.

Fayçal OUKACI