Rabah Kébir aujourd’hui à Alger

Rabah Kébir aujourd’hui à Alger

L’Expression, 17 septembre 2006

Jouant «les prolongations» de la Charte pour la paix et la réconciliation nationale, le président de la République fait avancer son projet de manière remarquable.

Des dirigeants islamistes, partie prenante de la version bouteflikienne de la paix et la réconciliation nationale, seront aujourd’hui à Alger. Rabah Kébir, président de l’ex-Instance exécutive du Fis à l’étranger, ainsi que ses deux adjoints, Abdelkrim Ghémati et Abdelkrim Ould Adda ont choisi de regagner l’Algérie au prix de contacts poussés et privilégiés avec le chef du gouvernement et principal allié politique du président de la République, Abdelaziz Bouteflika, dans ce projet.
Jouant «les prolongations» de la Charte pour la paix et la réconciliation nationale, le président de la République fait avancer son projet de manière remarquable, et on comprend, dès lors, son silence et sa volonté de faire réussir son projet, avant d’en faire un premier bilan.
Le retour des leaders islamistes de l’étranger et auquel le président de la République tenait de manière très particulière, restait jusqu’alors un des points les plus obscurs de cette réconciliation. Aucun des responsables islamistes que le Président avait pu convaincre de rentrer, n’avaient regagné Alger au 28 août, date de la fin de la période de grâce donnée par les autorités aux islamistes pour assainir leurs cas litigieux, et cela avait donné lieu à des commentaires acérés et des analyses alarmistes sur l’échec consommé de la Charte.

Leur retour, on le sait, va donner de la crédibilité et de la consistance à l’offre de paix du président Bouteflika, et la grande majorité de ces leaders ne tarit pas d’éloges sur le président de la République et les responsables des renseignements, qu’ils créditent d’une volonté sincère de réconciliation. Larbi Noui, venu «en éclaireur», a été le premier des chefs islamistes à rentrer en Algérie, il y a quelques semaines, mais l’absence d’une figure emblématique de la mouvance islamiste pesait sur cette offre de paix en clair-obscur.
On estime à un millier les dossiers des islamistes vivant dans quinze pays d’Europe et qui attendent d’être traités, et seulement une trentaine ont pu recevoir une réponse les deux dernières semaines.
Madani Mezrag, qui appartient à la même tendance que Rabah Kébir, avait déjà, il y a quelques jours, donné un avant-goût de ce que sera la démarche du groupe. «Nous avons considéré la Charte pour la paix et la réconciliation nationale comme un plan de paix, or, ce plan de paix est loin d’être concrétisé sur le terrain. La Charte n’est qu’une partie du processus de réconciliation qui a démarré par une trêve et qui devra, impérativement, aboutir à une amnistie générale et le recouvrement par les frères de tous leurs droits civiques et politiques. Cette Charte incrimine l’ex-FIS et évacue la responsabilité de l’Etat dans la crise des années 1990. Nous avons accusé le coup et continué à soutenir le président de la République, car nous avons une profonde conviction qu’il avait l’intention d’aller très loin dans son projet de paix, en dépit de nos propositions qui n’ont pas été prises en charge. Nous espérons que les applications de la Charte seront à la hauteur des attentes suscitées, bien que nous savons qu’il y a des entraves et des obstacles qui surgiront sournoisement ici et là. Comme nous savons qu’il existe chez nous une administration bureaucratique et manipulée.»
On devine déjà le mal que va se donner une partie du clan hostile à la réconciliation et l’offre de paix proposée par le président de République. A ceux-là, les dirigeants en contact avec les autorités ont répondu que, pour l’instant, il n’y a aucun objectif politique, ni des visées à atteindre: «Nous rentrons en Algérie, parce qu’on fait confiance à Bouteflika et à son offre de paix, qui constitue une occasion à ne pas rater pour sortir d’une crise qui perdure. Si notre retrait de toute activité politique pouvait apporter plus de sérénité au pays, alors nous n’hésiterions pas à nous taire et à nous mettre en dehors de tout circuit politique.»
Il y a quelque temps, Ould Adda nous disait: «Ecoutez, je suis prêt à sacrifier l’ex-FIS si c’est l’Algérie entière qui bénéficiera de ce sacrifice. Moi, je ne pose pas le problème en termes de marchandage politique, et si l’Etat m’interdit d’activer et dans le même temps il aura réglé le problème des disparus, des prisonniers, des hommes encore recherchés et des familles éprouvées par la crise, alors je dis: allez-y, faites donc! Je ne mettrai pas mon avenir politique sur le chemin de la paix et la réconciliation: l’intérêt général passe avant tout.»
Autre chose encore: il faut bien se convaincre du fait que l’étape actuelle reste soumise à plusieurs paramètres politiques. Les enjeux qui en découlent et les équilibres à prendre en ligne de compte ne sont pas faciles à gérer.
Après quinze années passées en «exil politique», des poids lourds de la mouvance islamiste commencent à rentrer au pays. Réussite éclatante du président Bouteflika sur ceux qui misaient sur un échec de son projet…

Fayçal OUKACI

Abdelkrim Ghémati à L’Expression

«Notre retour est un appui à la paix»

Ancien cadre de la direction du Fis dissous, puis adjoint de Rabah Kébir dans l’Instance exécutive du parti à l’étranger, Ghémati nous faisait part, hier, de son émotion: «Oui, cela fait des années que nous sommes absents, et je vous confirme aujourd’hui que nous serons à Alger ce dimanche, à…heures. Je souhaite que tout se passe bien et vous devinez l’état d’esprit dans lequel je me trouve en ce moment. Nous serons trois aujourd’hui à retrouver le pays: Rabah Kébir, Ould Adda et moi-même. Nous avons appuyé la réconciliation nationale depuis le début et nous continuons à le faire, parce que ce n’est pas une stratégie politique mais bel et bien une conviction, malgré toutes les observations qu’on peut y porter.»