Journées d’étude sur l’inapplicabilité de la Charte dite de Réconciliation nationale

Ligue Algérienne pour la Défense des Droits de l’Homme

Journées d’étude sur l’inapplicabilité de la Charte dite de Réconciliation nationale

Alger le 12 et 13 novembre 2006

Déclaration finale

Les participants aux journées d’études organisées sous l’égide de la LADDH en partenariat avec Freedom house et en collaboration avec les organisations des familles des disparus et des victimes du terrorisme, ont entendu des communications d’experts portant sur des expériences de réconciliation finalisées ou en cours dans différents pays ; les analyses critiques de la démarche du gouvernement algérien initiée et poursuivie à travers les projets consécutifs de «Rahma » de la concorde civile et de charte de réconciliation et de ses décrets d’application ont été exposées ; apres les interventions et témoignages des familles des disparus sur leur calvaire vécu au quotidien, face aux agents d’application de ces décrets sont parvenus au constat et conclusions suivantes :

1. La démarche choisie et imposée à travers les décrets d’application s’avère inopérante en tant qu’elle pervertit jusqu’à la notion même de réconciliation.

2. le dispositif loin de susciter le moindre sentiment de justice, de compassion et de respect pour les victimes, ravive au contraire à travers les tentatives d’application le sentiment d’arbitraire.

Inscrite dans la structure rédhibitoire des textes, l’application révèle au grand jour les dénis suivants :
1. Déni de réalité
2. Déni de justice.
3. Déni d’humanité.

Le déni de réalité s’exprime dans l’acharnement qui tend à obstruer toutes les voies qui puissent offrir le moindre indice sur le sort des disparus.

Le déni de justice apparaît dans le recours à l’artifice fallacieux qui fusionne toutes les responsabilités dans l’expression de la tragédie nationale.

Le déni d’humanité enfin consiste dans le refus systématique d’engager les moyens scientifiques pour identifier les victimes dans les charniers localisés afin de leur assurer une sépulture convenable et permettre aux familles d’entamer leur deuil dans la dignité.

En obligeants les familles à déclarer elles mêmes le décès de leurs disparus, alors qu’elles quêtent depuis des années la moindre trace pour se faire une idée sur leur sort, les dispositions des décrets heurtent et violentent jusqu’à leur dignité. Il y a là un outrage à l’idée de réconciliation même.

Il est temps que les responsables d’une telle démarche réalisent qu’elle mène à l’échec et à l’impasse, qu’ils prennent la mesure du saccage que produisent ses effets pervers sur les consciences, qu’ils osent enfin prospecter d’autres voies avec les représentants des familles des disparus et des victimes du terrorisme et des organisations humanitaires.

La société civile, traumatisée, doit se réveiller et se mobiliser pour imposer une nouvelle dynamique pour une réconciliation nationale authentique. A cet effet, ils recommandent :
1. La création d’une instance indépendante fondée sur une coalition de la société civile qui proposera des voies alternatives vers une solution juste et réelle du problème.

2. d’engager par voie de pétition une compagne de réveil et de sensibilisation sur la question.

3. D’exiger la publication du rapport de la Commission ad hoc dans son intégralité et d’ordonner l’ouverture des charniers déjà localisés.

La réconciliation ne s’octroie jamais. Elle doit être l’œuvre d’une dynamique de consensus national.

Alger le 15.11.06