Les associations de victimes des années 90 restent mobilisées contre la Charte pour la réconciliation nationale

Les associations de victimes des années 90 restent mobilisées contre la Charte pour la réconciliation nationale

Rédaction Maghreb Emergent, 29 septembre 2013

La Charte pour la Paix et la Réconciliation nationale votée par référendum le 29 septembre 2005 fait l’objet d’une vive contestation de la part des victimes des années 90, rassemblées au sein d’une coalition d’associations, qui exigent toujours son abrogation.

A l’occasion du 8e anniversaire de la Charte pour la Paix et la Réconciliation Nationale votée par référendum le 29 septembre 2005 et entrée en vigueur le 28 février 2006, une coalition d’associations réunissant le Collectif des familles de disparus en Algérie (CFDA), Djazairouna, Somoud et SOS Disparu(e)s, ont émis un communiqué rappelant leur « opposition à ce texte qui prône l’oubli et légalise l’impunité » et exige « l’abrogation de la Charte faisant obstacle à la réconciliation nationale ».

« Ce communiqué collectif est publié chaque année à la date d’anniversaire de la Charte pour signifier notre refus à ce texte et réaffirmer nos revendications », explique à Maghreb Emergent, Adnane Bouchaib, porte-parole de la Coalition créée en 2006 qui rassemble à la fois des associations de victimes des groupes islamistes armés d’une part et des services de sécurité de l’autre. « Convaincus que la Charte dite pour la Paix et la Réconciliation Nationale ne peut être la fondation pour une transition vers une paix solide et durable, les familles des victimes des années 90 renouvellent leur demande au gouvernement algérien d’ouvrir des enquêtes, d’établir des procès justes et équitables et de prendre toutes les mesures nécessaires afin de faire la lumière sur le sort des leurs », déclare ainsi le communiqué.

La Charte exclut tout jugement des dirigeants de l’époque, stipulant a l’article 45 « qu’aucune poursuite ne peut être engagée, à titre individuel ou collectif, à l’encontre des éléments des forces de défense et de sécurité de la République […]». « Toute dénonciation ou plainte doit être déclarée
irrecevable par l’autorité judiciaire compétente », poursuit le document.

Sujet sensible

Qu’importe la conjoncture politique, les associations de victimes se mobilisent chaque année pour faire entendre leurs voix à travers l’organisation de séminaires et de rassemblements destinés à « défendre la mémoire », rappelle Adnane Bouchaib. « Nous n’entrons pas dans les débats politiques », souligne notre interlocuteur, « nous représentons la société civile ».

Mais le discours porté par ces associations demeure très mal vu par les autorités qui interdisent systématiquement tout rassemblement « en mémoire des victimes des années 90 ». Le rassemblement de familles organisé ce matin devant le Ministère de la Justice à Alger n’a pas dérogé à la règle. Près de la moitié des manifestants ont été interpellés par la police, a déclaré à Maghreb Emergent un des participants.

Par ailleurs, les risques d’emprisonnement et d’amendes pesant contre ceux qui se risquent a aborder le sujet explique sa relative absence des médias et débats nationaux. L’article 46 de la Charte stipule en effet : « Est puni d’un emprisonnement de trois (3) ans à cinq (5) ans et d’une amende de 250.000 DA à 500.000 DA, quiconque qui, par ses déclarations, écrits ou tout autre acte, utilise ou instrumentalise les blessures de la tragédie nationale, pour porter atteinte aux institutions de la République algérienne démocratique et populaire, fragiliser l’Etat, nuire à l’honorabilité de ses agents qui l’ont dignement servie, ou ternir l’image de l’Algérie sur le plan international ».