Le Premier ministre en mal d’arguments

Échec des politiques gouvernementales

Le Premier ministre en mal d’arguments

El Watan, 2 novembre 2010

L’intervention de Ahmed Ouyahia devant les élus de l’APN aura marqué les esprits beaucoup plus par le ton utilisé
que par la justesse des arguments.

Languissante, interminable et surfant plus souvent sur des généralités, la réponse du Premier ministre, Ahmed Ouyahia, aux questions des parlementaires n’a rien appris de plus au commun des mortels sur la réalité du pays. La réalité ?! Les Algériens la vivent au quotidien. Le chômage, la bureaucratie, la cherté de la vie, l’insécurité, la hogra… Aucun discours ne peut les convaincre du contraire. Pourtant, c’est ce qu’a tenté de faire avant-hier le Premier ministre dans un exercice que seul lui affectionne : défendre l’indéfendable.

Avec, cette fois-ci, un pic d’arrogance. Avec toutes les régressions que connaît le pays, dans le domaine des libertés, son incapacité à se faire une santé économique, malgré des dépenses équivalentes depuis quelques années à plusieurs fois le plan Marshall qui avait fait décoller au lendemain de la Seconde Guerre mondiale toutes les économies des pays de l’Europe occidentale, Ahmed Ouyahia trouve les mots pour édulcorer une situation économique où l’apport de l’industrie au Produit intérieur brut (PIB) a été de 5,3% en 2009. Il ne faut pas sortir de Saint-Cyr pour comprendre que malgré tout l’argent disponible, l’Exécutif n’a pas réussi à extirper le pays de sa dépendance des revenus des hydrocarbures. Et cela n’a pas une autre qualification : cela s’appelle l’échec. Un échec que le Premier ministre a voulu maquiller en se détournant des véritables questions posées par les parlementaires et en se lançant dans une véritable diatribe contre le RCD, la seule opposition à laquelle il a eu affaire au sein de l’Assemblée.

D’ailleurs, une bonne partie de son intervention a été réservée à la réponse aux élus du parti de Saïd Sadi. M. Ouyahia, dans une rare virulence, interpellera également un député de Annaba qui a osé soulever le problème du chômage en évoquant les émeutes de Sidi Salem où les jeunes avaient brandi le drapeau français juste pour montrer l’extrême détresse dans laquelle ils vivaient. La réponse du Premier ministre a été sèche. «Vous devriez les avoir sur votre conscience, car ils sont en prison», assènera-t-il avant de reprocher à l’élu de Annaba «le fait de les avoir manipulés». Le chef de l’Exécutif déniera même aux citoyens le droit de manifester leur colère : «Il y a des voies légales pour réclamer ses droits, on ne brûle pas les pneus.» Ouyahia qui soupçonne une manipulation derrière chaque émeute ne peut tout de même pas ne pas savoir que si des Algériens ont recours à la manifestation, c’est que toutes les voies légales dont il parle ont été vainement explorées. En effet, la véhémence des propos du Premier ministre n’a d’autre explication que celle qui consiste à vouloir faire diversion sur une situation peu reluisante dans laquelle se retrouve le pays.

La corruption ? C’est un phénomène venu de nulle part, donc pas de responsabilités politiques. Le gouvernement qui devait, pourtant, en empêcher l’expansion, à travers des mécanismes bien connus, le plus important est la transparence dans la gestion des affaires, se retrouve comme par dépit, et malgré lui, en face d’une pandémie devenue au fil du temps ingérable ! En parler, émettre une opinion seulement serait un péché. «Personne ne complexera le gouvernement algérien sur la corruption ni ne s’en servira comme fonds de commerce», dira Ahmed Ouyahia. En somme, l’intervention du Premier ministre devant les élus de l’Assemblée aura marqué les esprits beaucoup plus par le ton utilisé que par la justesse des arguments qu’il avance pour défendre la relance économique ou tout simplement les choix de l’équipe dirigeante. Ses arguments ne résistent à aucune analyse sérieuse et objective. Sur le plan politique, Ahmed Ouyahia reste toujours égal à lui-même…

Said Rabia