Coma artificiel

COMA ARTIFICIEL

par K. Selim, Le Quotidien d’Oran, 4 décembre 2013

Quand à quelques semaines de la convocation du corps électoral pour l’élection présidentielle, on n’a ni candidats, ni débats, ni… campagne, il est difficile de ne pas relever la grande bizarrerie de la situation algérienne. Même les péripéties, surprenantes, de la marche au ralenti vers la 3G participent de cette «anormalité» nationale. Les arguments avancés par les responsables tenant difficilement la route et sans faire dans la suspicion de principe, il est difficile de ne pas y voir des «ralentisseurs» mis en place pour éviter une trop grande connectivité mobile des Algériens avant «l’échéance». Mais ce n’est qu’un signe de plus de l’état de coma politique artificiel dans lequel est mise l’Algérie depuis des années et qu’on fait perdurer au-delà de tout bon sens.

On le sait, depuis le début des années 2000 et dans un contexte sécuritaire moins stressant, le régime a entrepris de neutraliser la vie politique. La fameuse «alliance présidentielle» regroupant formellement le FLN, le RND et le MSP n’était fondée sur aucun programme politique, ni des objectifs économiques et sociaux. Celui qui «tenait» le MSP, parti «intrus» dans le système, expliquait doctement qu’il avait préféré la «stabilité» du pays aux intérêts politiques. Discours absurde, la stabilité d’un pays n’étant pas le produit d’un renoncement des femmes et des hommes à faire ce qu’ils sont présumés faire. Mais ce discours n’était que l’expression de la caporalisation «physique» des partis politiques et l’attribution de rôles aux états-majors pour vider le pays de la politique, présentée de manière pernicieuse comme étant le «mal» absolu qui a plongé le pays dans les violences.

On «gèle» pour mettre de «l’ordre». Mais comment mettre de «l’ordre» avec une gouvernance approximative avec des institutions réduites à faire du décorum. Mais la lecture de la politique comme incarnation du «mal» était facile à faire passer en lui imputant le désastre sanglant des années 90. Lecture fausse que des médias par facilité ou par «orientation» traduisaient systématiquement par des dénonciations de la «faillite des partis politiques». Même aujourd’hui, ces discours dénonciateurs des partis politiques continuent de servir avec un message subliminal qu’au fond ils ne sont d’aucune utilité. Il est difficile de vaincre la mauvaise foi et encore moins des discours programmés pour vendre avec constance l’idée que la politique est inutile et qu’il vaut mieux préserver le «statuquo» plutôt que d’aller vers «l’inconnu».

Certes, les recettes pétrolières permettent encore, pour un temps, d’entretenir cette phobie de la politique et d’entretenir une situation de non-reddition de comptes. Mais c’est bien ce coma politique entretenu pour maintenir le statuquo, synonyme d’absence d’anticipation, de perpétuation d’un système qui dépense énormément sans créer de la valeur – au sens symbolique et matériel – qui plonge le pays dans l’inconnu. Les médecins le savent : un coma artificiel qui se prolonge n’est jamais un bon signe.