Conférence internationale sur l’extrémisme violent

Conférence internationale sur l’extrémisme violent

Tergiversations idéologiques et guerre de concepts

El Watan, 23 juillet 2015

Les travaux de la Conférence internationale sur l’extrémisme violent se sont ouverts hier à Alger. Le ministre des Affaires maghrébines,
Abdelkader Messahel, estime que la lutte contre le terrorisme exige un Etat fort qui s’appuie sur la force de la loi qu’il fait respecter quelles que soient les circonstances. Il évoque la préservation du référent religieux algérien des idées néfastes à travers l’amélioration de la gestion des mosquées, la réorganisation de l’institution de la fatwa, la création prochaine d’un observatoire national de lutte contre l’extrémisme religieux et d’une académie des sciences du fiqh.

Une cinquantaine de pays et d’organisations internationales onusiennes ont pris part, hier à Alger, aux travaux de la Conférence internationale sur «La lutte contre l’extrémisme violent et la déradicalisation», malheureusement en absence de la presse, en raison du huis clos imposé par les organisateurs. Pourtant, l’ensemble des intervenants ayant pris la parole à l’ouverture des travaux, ont mis l’accent sur l’importance de la communication et de l’implication des médias dans cette lutte contre ce qu’ils appellent «l’extrémisme violent», un nouveau qualificatif, pour ne pas dire le terrorisme islamiste et irriter la sensibilité des Etats, à l’origine de cette idéologie destructrice répandue aussi bien en Afrique qu’en Asie.

Lors de son discours inaugural, le ministre des Affaires maghrébines, africaines et de la Coopération internationale, Abdelkader Messahel, n’a pas manqué d’exprimer la préoccupation de l’Algérie quant à «la montée des extrémistes», précisant qu’elle «entend associer ses efforts à ceux de la communauté internationale pour lutter contre cette matrice du terrorisme». M. Messahel dévoile les 16 commandements prônés par l’Algérie dans sa lutte contre ce fléau. Il commence par exprimer «la préoccupation» de l’Algérie, face à «la montée de l’extrémisme» qui, selon lui, «est en constante évolution, prend différentes formes, touche un nombre croissant de pays et alimente de plus en plus les réseaux de la violence, notamment du terrorisme».

Le ministre juge nécessaire de distinguer entre l’islam de la paix et de la tolérance, et l’extrémisme sous toutes ses formes, dont le terrorisme est une forme d’expression car, dit-il, «la clarté des positions et des comportements ainsi qu’un engagement actif sur cette question fondamentale participent à la lutte contre le terrorisme et les idéologies qui l’animent». Le ministre estime par ailleurs que cette lutte «exige la présence d’un Etat fort s’appuyant sur la force de la loi et capable de la faire respecter quelles que soient les circonstances». Il explique que cette lutte «est une œuvre de longue haleine qui implique le renforcement de la démocratie et de la bonne gouvernance.

Nous avons une profonde conviction que la démocratie participative, l’Etat de droit ainsi que des politiques socioéconomiques, basées sur la justice sociale et l’égalité des chances, constituent les instruments prioritaires de la lutte contre le terrorisme et les meilleurs remparts contre la propagande de l’extrémisme violent et ses campagnes de recrutement». Il insiste sur le respect des droits de l’homme et des valeurs humaines universelles dans la lutte contre le terrorisme. «Enfreindre cette règle fondamentale, c’est courir le risque de se mettre au même niveau que les groupes terroristes», dit-il.

Pour M. Messahel, «la lutte contre l’extrémisme doit s’étendre à tous les secteurs de la société, impliquer le gouvernement et les citoyens et exiger également l’adoption de politiques résolues à long terme. L’absence de gouvernement capable et la faiblesse de la mobilisation citoyenne sont des facteurs qui favorisent le développement du terrorisme. Les flux actuels grandissants de combattants terroristes étrangers autant que le nombre de pays croissant aussi dont ils sont originaires sont des indicateurs clairs quant à l’urgence à agir en amont pour tarir ces nouvelles sources de recrutement et de financement des groupes terroristes».

«Internet, la meilleure agence de recrutement de terroristes»

M. Messahel évoque l’«épineuse» question de la prise en charge des combattants terroristes étrangers, en disant que la réponse à ce problème doit «s’écarter des pistes favorisant le transfert de cette menace vers d’autres espaces de conflits, encore instables ou encore plus vers des espaces moins nantis en capacités de maintien de l’ordre et de sécurité (…) il est nécessaire de rechercher ensemble des approches qui répondent et prennent en charge les préoccupations de tous les pays face aux menaces dont resteront porteurs ces terroristes».

Revenant sur la conférence, M. Messahel note qu’elle intervient «en réponse à l’intérêt international manifesté pour l’expérience de l’Algérie en matière de déradicalisation et aux nombreuses sollicitations qui lui ont été adressées pour partager cette expérience», souhaitant que les travaux soient sanctionnés par des recommandations opérationnelles, des stratégies et des programmes à même de contribuer au renforcement des capacités respectives de lutte.

Le ministre met l’accent sur internet, présenté comme «le support préféré de la propagande terroriste et la meilleure agence de recrutement de terroristes». «Il y a nécessité et même urgence à réunir un consensus international pour faire d’internet un instrument au service du progrès et non de la destruction au service de l’extrémisme et de la violence ou encore des rivalités géopolitiques.»

Pour sa part, Smaïl Chergui, commissaire de l’Union africaine à la paix et à la sécurité, estime que la lutte nécessite une coopération «avec les organisations de la société civile et de la société locale, les autorités religieuses, les établissements d’enseignement et les médias. Elle exige, dit-il, «la résolution des problèmes sociaux et économiques pour réduire la propagation des idées extrémistes et la réforme des législations ainsi que le lancement de programmes de réhabilitation des prisons et le renforcement des capacités nationales».

M. Chergui note par ailleurs que l’aggravation de la situation sécuritaire, avec l’apparition de l’organisation terroriste autoproclamée Etat islamique (EI, Daech) a provoqué la restructuration et la propagation de groupes terroristes en Afrique, citant la multiplication de leurs attaques de en Afrique et le recrutement de terroristes dans les territoires nouvellement contrôlés par Daech. «Un nouveau défi, dit-il, auquel l’Afrique doit faire face.»

Représentante de la délégation américaine à la Conférence, Mme Paige Alexander estime que pour atteindre l’objectif commun de lutte contre le terrorisme, il faut passer par un partenariat parce que «seulement ensemble, nous pouvons atteindre cet agenda global de lutte contre le terrorisme». Et d’insister sur le rôle de l’Algérie qui «jouit d’une expérience particulièrement longue et dure dans la déradicalisation et de réinsertion». Il faut signaler que cette conférence s’articule autour de plusieurs communications, axées sur l’importance du rôle de la lutte contre l’extrémisme violent et la déradicalisation dans le combat contre le terrorisme.
Franscisco Madeira. Directeur du Caert : «L’Algérie est incontournable»

Directeur du Centre africain d’étude et de recherche sur le terrorisme (Caert), Francisco José Madeira estime que «l’Algérie, de par son expérience, est devenue incontournable en matière de lutte antiterroriste.

Les chefs des Etats africains, notamment ceux touchés par le terrorisme comme le Kenya, le Nigeria, la Tunisie et le Mali, consultent les dirigeants algériens et se déplacent à Alger pour s’imprégner de l’expérience algérienne dans ce domaine.

Il y a toujours quelque chose à apprendre de l’Algérie». Abordant la question de l’aide apportée par l’Algérie, M. Madeira rappelle «l’appui de manière forte dont bénéficie le Caert, ce centre mis à la disposition des Etats africains pour mieux lutter contre le terrorisme». S. T.

Messahel loue l’expérience algérienne

Abordant l’expérience algérienne en matière de déradicalisation, Abdelkader Messahel évoque une stratégie multisectorielle inscrite à long terme qui vise, au volet religieux, la préservation du référent de la société algérienne des idées néfastes à travers l’amélioration de la gestion des mosquées, la réappropriation par celles-ci de leur véritable rôle cultuel, éducateur et social, et la prévention contre ce fléau dans les sermons des imams et les enseignements coraniques.

L’Algérie a procédé aussi à la réorganisation de l’institution de la fatwa et prévoit de créer prochainement un observatoire national de lutte contre l’extrémisme religieux et une académie des sciences du fiqh.

Dans le domaine judiciaire et pénitentiaire, souligne le ministre, l’Algérie privilégie des approches en faveur de la réhabilitation et de la réinsertion, tout en soustrayant le milieu carcéral à la propagande extrémiste et à ses recruteurs. S. T.

Salima Tlemçani