Large mouvement dans les rangs de la magistrature

800 magistrats concernés

Large mouvement dans les rangs de la magistrature

El Watan, 26 mai 2013

Le ministre de la Justice, Mohamed Charfi, prépare l’un des plus importants mouvements dans le corps de la magistrature, apprend-on de source judiciaire.

C’est un des plus importants mouvements que le ministre de la Justice, Mohamed Charfi, veut opérer dans les rangs de la magistrature, apprend-on de source judiciaire. Cette opération a été confiée à une commission qui siège à la Cour suprême, composée de dix magistrats, parmi lesquels Hamid Sahel, procureur général près la cour de Sidi Bel Abbès, Boudjemaâ Lotfi, procureur de la République près le pôle pénal spécialisé de Constantine, Mostefa Smati, président du tribunal de Ouargla, les quatre magistrats élus du Conseil supérieur de la magistrature (CSM) ainsi que le directeur des ressources humaines et son adjoint.

Cette commission travaille. C’est la première fois qu’un mouvement est confié à une commission élargie aux magistrats. Pendant des années, le mouvement a fait partie des prérogatives du directeur des ressources humaines, dont la liste était confectionnée au gré des humeurs des ministres ou alors sur la base des relations ou des lieux de naissance, suscitant à chaque fois de la frustration, de la colère et de la démobilisation chez de nombreux juges. Est-ce pour garantir un minimum de transparence que le ministre a élargi la prise de décision aux magistrats ? Nous n’en savons rien. La réponse sera connue une fois le mouvement rendu public. Ce qui est certain, c’est que la commission doit remettre la liste avant la fin de la semaine en cours, afin qu’elle soit examinée et entérinée par le CSM, sous la présidence du ministre de la Justice et rendue publique avant la mi-juin. D’après nos sources, il est question de la nomination de nombreux jeunes magistrats, issus de la 11e promotion jusqu’à la 14e sortie entre 1999 et 2005 de l’Ecole supérieure de la magistrature, aux grades de juges d’instruction, de procureurs de la République, de présidents de tribunaux et de conseillers auprès des cours. Pour nos sources, il s’agit de rajeunir l’effectif des juridictions et combler le vide laissé par les départs et les promotions.

Des changements et des interrogations

En réalité, nos sources qualifient ce mouvement de «plus vaste et plus large» que le secteur ait connu depuis 2001, année où Ahmed Ouyahia, alors ministre de la Justice, avait effectué un changement qui a concerné autant de magistrats. Il en est de même pour les postes de chefs de cour qui connaîtront aussi des permutations, des changements, des mises à la retraite et des promotions. «La liste est prête depuis des jours. Elle n’attend que le retour du président de la République pour être signée et annoncée. Les chefs de cour sont nommés par décret présidentiel, sur proposition du ministre de la Justice», notent nos interlocuteurs. Même si certains voient ces changements comme «un coup de pied dans la fourmilière et une occasion assez importante pour le rajeunissement des rangs des magistrats», d’autres par contre appréhendent ces mesures vu qu’elles sont prises à quelques mois seulement de l’élection présidentielle. «Depuis sa venue en tant que ministre de la Justice, Mohamed Charfi n’a jusqu’à présent pas réussi à faire face aux pratiques de favoritisme, de régionalisme et de lutte de clans et d’intérêts héritées de son prédécesseur.

Il a laissé la situation telle quelle, alors que pour les magistrats, il a fait appel à une commission élargie aux juges pour éviter toute mauvaise surprise de son directeur des ressources humaines. Pour quelle raison agit-il ainsi ? Est-ce parce qu’il y a l’échéance de 2014 qui nécessite la mobilisation des magistrats ? Est-ce pour s’assurer de ceux qui vont composer l’organisme de supervision des élections ? L’enjeu de ce mouvement ne doit pas être 2014. Si c’est le cas, il ne faut pas en espérer grand-chose», notent nos interlocuteurs. Entre l’optimisme des uns et le scepticisme des autres, il y a de nombreux jeunes juges qui seront propulsés juges d’instruction, à la tête des tribunaux et au niveau des cours. Pour nombre d’entre eux, l’espoir de gravir les échelons sans chercher un parrain, comme cela a toujours été de mise, est désormais permis.

Salima Tlemçani