La justice entre indépendance et contraintes

Les réformes engagées ne sont pas ressenties par les citoyens

La justice entre indépendance et contraintes

Par Faouzia Ababsa, La Tribune, 22 mai 2005

Foisonnement de textes législatifs, amendements d’autres. La justice est en effervescence sur le plan structurel depuis 1999. C’est la réforme du deuxième pouvoir qui a été lancée. Elle devrait aboutir à faire recouvrer la confiance du citoyen. Pourtant, ce même citoyen ne sent pas le changement. Hormis peut-être en ce qui concerne la délivrance du casier judiciaire n°3 dans la journée à partir de n’importe quel tribunal du pays. En fait, sur le terrain, c’est tout à fait autre chose. Le justiciable n’est toujours pas confiant. Quand il franchit le seuil d’un tribunal, il a la peur au ventre. Même s’il est dans ses droits, même si la loi est de son côté, il n’est pourtant pas rassuré. Il redoute un mauvais verdict, des erreurs judiciaires. Il craint que, finalement, son dossier ne soit pas réellement pris en charge et de manière efficiente. Les vides juridiques, les passe-droits, la corruption sont autant de fléaux de cette institution qui font que le citoyen préfère encore ne pas la solliciter. Le constat est amer. Il est d’ailleurs fait non seulement par le justiciable lui-même quand il se retrouve dans une salle d’audience, mais aussi par les praticiens de la justice que nous avons interrogés. Ils s’accordent tous à dire que la justice ne se résume pas à une réforme de façade. De Me Ksentini, président de la Commission nationale de la promotion des droits de l’Homme, à Me Benbrahem en passant par un ex-procureur général et d’autres partenaires, le verdict est sans appel. Il n’y a pas de justice de qualité et le citoyen se voit privé de ses droits pourtant garantis par les textes. Ces mêmes textes justement qui ne sont pas appliqués ou très mal. Les magistrats sont bien entendu pointés du doigt. Notamment ceux de la Cour suprême qui, selon Me Ksentini, ressemble à la cour des Miracles. Les magistrats de cette institution ne travaillent pas assez, d’où l’amoncellement des dossiers et la lenteur dans les décisions de justice. En somme, l’indépendance de la justice reste encore pour les praticiens de la justice que nous avons sollicités un vœu pieux. C’est en tout cas l’avis d’Ibrahim Boulahya, ex-procureur général pour lequel l’indépendance de la justice est une question de volonté politique. En fait, à travers le dossier que nous mettons entre les mains de nos lecteurs, nous avons tenté, de manière non exhaustive mais sur la base de la réalité du terrain, de mettre le doigt sur les dysfonctionnements de Dame justice qui empoisonnent, faut-il le souligner, la vie des justiciables. Ceux-là mêmes auxquels, en violation de la loi, on refuse le droit de prétendre à des révisions de leur procès ou encore qui doivent débourser des sommes colossales pour s’offrir les services d’un avocat. Quant à l’assistance judiciaire et aux garanties que leur permet la loi, ils n’en parlent pas parce que justement la culture juridique, mission importante des pouvoirs publics, est simplement inexistante.