Code de la famille: La polémique enfle

CODE DE LA FAMILLE

La polémique enfle

Le Quotidien d’Oran, 10 octobre 2004

La polémique a resurgi autour du projet de révision du code de la famille. Cette fois-ci, la rencontre se voulait un lieu d’expression du débat contradictoire qui met face à face les tenants de la thèse de la révision et de son antithèse. Cela s’est passé hier au siège de la fondation Friedrich Ebert, organisatrice de l’initiative, en collaboration avec le journal El-Khabar.

Le représentant résidant de cette fondation, Peter Skalouet, s’est dit certes déçu par la défection de Abdellah Djaballah et de Louisa Hanoune, qui auraient donné leur accord de principe pour prendre part à la rencontre, avant de se rétracter, arguant du niveau de représentation du reste des participants, mais s’est félicité qu’un tel débat puisse avoir lieu «sur une question d’importance». Djaballah et Hanoune ont dû s’apercevoir que le RND, le RCD et l’UGTA, également invités, ne déléguaient pas leurs premiers responsables. Mais leurs représentants respectifs ont restitué au débat toute la mesure des antagonismes suscités par cette question de révision du code de la famille et des amendements proposés par le gouvernement. Il n’y a pas eu de prise de becs ostensible mais les avis exprimés, selon le bord politique d’appartenance, sont aux antipodes les uns des autres.

Les divergences ont été donc largement nourries par des représentants de partis et d’organisations aux projets de société parfois diamétralement opposés. La tribune était composé, en effet, de représentants des partis du RND, du RCD, du mouvement El-Islah, du PT, de l’UGTA et de l’avocate Aït Zai. Cette dernière a regretté que la classe politique soit absente du débat, prise au piège du soupçon d’apporter son soutien au président Bouteflika et du silence passif qui fait les affaires du courant islamiste. Dans la salle, des représentantes d’associations féminines ont répondu à l’invitation des organisateurs. Elles sont venues donner la réplique aux islamistes qui mènent campagne pour le rejet des amendements. La conférencière, Mme Lachhab, a focalisé le courroux de l’essentiel de l’assistance. Et ce pour avoir qualifié le texte du code de la famille de Coran. Dans un réquisitoire intégral, comme il fallait s’y attendre, elle a qualifié d’hérétiques les amendements introduits dans le projet de révision. Fidèle au discours de son parti, elle a estimé que le projet de révision tel qu’il est formulé n’est rien moins qu’une déclaration de guerre aux valeurs religieuses de la société et à la chariâ. Elle a notamment rejeté avec véhémence l’idée de suppression de l’obligation de la tutelle matrimoniale et la réduction des possibilités de la pratique polygame. La représentante d’El-Islah s’est dit convaincue que le projet de révision est en porte-à-faux avec les intérêts de la femme et de la famille algériennes. Les députés de son parti acquiescent en guise d’encouragement. Elle est la seule à développer un tel discours et, à l’apparence, elle en était fière, surtout contente de soulever la colère des «laïcs», présents en nombre dans la salle.

La conférencière mandatée par le RCD, Mme Koreich, a défendu un avis qui prône, sans surprise, l’abrogation du code de a famille, comme le revendique depuis des lustres son parti. Le député Arfoutni, au nom de son parti, le PT, n’en pense pas moins en faisant remarquer que l’histoire a déjà posé les jalons de l’égalité en comptant les deux sexes dans le feu de la guerre d’indépendance. Mme Salhi de l’UGTA a défendu, de son côté, le même point de vue en mettant en valeur l’alternative du code civil. Tandis que Mme Hafsi, sénatrice du RND, s’est appliquée à réfuter les anathèmes qui fondent le discours islamiste, selon lesquels les amendements s’écartent de la chariâ. Rien n’est moins vrai. «Le projet ne fait qu’adapter la législation à l’évolution de la société et du monde», selon elle. Le débat qui s’en est suivi a donné la mesure des divergences qui séparent la classe politique déchirée par deux visions du monde antagoniques.

L’une se veut démocratique et moderniste, l’autre ancrée dans les schémas conservateurs. Face à un tel embrouillement qui enfle, le sort du projet de révision est hypothétique, car les deux logiques, diamétralement opposées, ne laissent pas de chance à l’érection d’un compromis, aussi infime soit-il.

Omar S.