Le code pénal algérien n’évoque pas les crimes contre l’humanité

Le code pénal algérien n’évoque pas les crimes contre l’humanité

Les Accords d’Évian ont tout effacé, selon Bentoumi

El Watan, 19 mars 2009

L’Algérie est-elle en mesure de traîner la France devant la Cour pénale internationale avec pour chef d’inculpation crime contre l’humanité ? Cette question posée hier au Forum d’El Moudjahid à l’occasion d’une rencontre de célébration de la fête du 19 mars marquant le cessez-le-feu a laissé l’avocat Bentoumi dubitatif.

« Vous savez, les Accords d’Evian ont consacré l’amnistie totale pour les Français.Ils excluaient toute poursuite judiciaire contre la France », a révélé l’avocat et néanmoins ancien moudjahid de la première heure, Mustapha Bentoumi. La France a donc, d’après lui, soigneusement balisé les accords pour éviter un éventuel solde de tout compte plus tard. L’avocat précise également que même l’Etat algérien a évacué les poursuites contre l’armée française dans ses lois. « L’État algérien a intégré l’amnistie dans son code pénal qui n’évoque aucunement les crimes contre l’humanité. L’amnistie y a été même élargie à d’autres crimes », a souligné encore M. Bentoumi, suggérant ainsi qu’il n’est plus possible d’entreprendre une action en justice contre l’ancienne puissance coloniale.

Cette déclaration est certainement de nature à refroidir les ardeurs de ceux qui tentent d’obtenir réparation contre les crimes de la France, notamment l’association 8 Mai 1945. On sait désormais qu’il n’existe aucun substrat juridique dans le droit algérien sur lequel pouvait s’appuyer un éventuel dossier contre les méfaits de l’armée française durant la guerre de Libération nationale. Il a donc fallu une modeste rencontre commémorative qui a regroupé à peine une cinquantaine de personnes, pour savoir que la France est officiellement quitte avec l’Algérie…

L’indépendance, c’est le 19 mars…

Pourtant, les tristes bastonnades contre les Algériens, narrées avec émotion par Ali Haroun en pleines discussions à Evian, ont rouvert ces plaies encore sanguinolentes des massacres commis. Ali Haroun se rappelle ainsi ces rafles qui ciblaient toute personne au teint basanée croisée à Paris en ce douloureux octobre 1961. « Au moins 250 Algériens furent jetés à la Seine alors que 11 600 autres furent arrêtés dans le sillage de la manifestation », raconte Ali Haroun. Et d’ajouter que l’OAS a tellement voulu faire capoter les négociations d’Evian qu’elle avait assassiné le maire de la ville, M. Blanc. Dans sa furie contre tous ceux qui étaient bruns, la police parisienne avait même embarqué et tabassé un certain Gabriel Garcia Marquez ! « Non seulement, je connais l’Algérie, mais j’ai été tabassé pour elle », se souvient 20 ans plus tard le célèbre prix Nobel de littérature. Ali Haroun a insisté sur le fait que la date de l’indépendance de l’Algérie est le 19 mars et non le 5 juillet.

« Le 19 mars marque la fin des souffrances, c’est le vrai jour de l’indépendance et non le 5 juillet », a-t-il martelé. Pour lui, cette date « devrait être célébrée avec plus de panache qu’elle ne l’a été depuis 1962 ». Zahir Ihaddadène, ancien maquisard et historien universitaire, a abondé dans le même sens. « L’indépendance ce fut le 19 mars et non le 5 juillet… les Algériens savaient que le référendum allait être une simple formalité. » L’avocat Bentoumi est par la suite revenu sur les péripéties des Accords d’Evian en évoquant la fameuse commission des affaires juridiques constituées par Boussouf, à Rabat, pour préparer les négociations. Il s’est appesanti également sur la grande « complicité » entre Krim Belkacem, chef de la délégation algérienne à Evian, et Saâd Dahleb, son porte-parole. Mustapha Bentoumi a clos son intervention par cette note d’humour du grand bout en train que fut Saâd Dahleb. Au négociateur français Pierre Joxe qui lui demandait où est-ce qu’il avait appris les négociations, Dahleb lui répondit : « Au souk Chellalla ! » Ce fut une vraie trêve de plaisanterie !

Par Hassan Moali