Le ministre français des Anciens Combattants et la stèle à la gloire de l’OAS

Le ministre français des Anciens Combattants et la stèle à la gloire de l’OAS

«Un risque important pour la cohésion nationale»

Le Quotidien d’Oran, 23 juin 2005

La France officielle a enfin brisé le silence par la voix de son ministre chargé des Anciens Combattants, en condamnant sans ambiguïté aucune l’édification prévue de la fameuse stèle «à la gloire de l’OAS».

Hamlaoui Mekachera, ministre français chargé des Anciens Combattants, a en effet «déploré» et «condamné» hier le projet d’inauguration, le 6 juillet prochain, d’une stèle à la gloire de l’OAS (Organisation armée secrète) dans le cimetière de Marignane, près de Marseille. «Ce projet choque légitimement tous ceux qui sont attachés à l’oeuvre historique du général De Gaulle et au respect des institutions de la République, contre lesquelles les membres de l’OAS ont recouru aux moyens les plus violents et les plus condamnables», ajoute le ministre. «La volonté du gouvernement», poursuit-il, «est que toutes les victimes de la Guerre d’Algérie puissent trouver la sérénité plus de quarante ans après la fin de ce conflit». M.Mekachera estime que «cette initiative crée un risque important pour la cohésion nationale».

La stèle en question devait être dévoilée le 6 juillet sur une parcelle du nouveau cimetière de Marignane attribuée par le maire d’extrême droite, Daniel Simonpieri, à une association pro-OAS.

Ceci dit, M.Mekachera n’est pas le premier à s’être opposé ouvertement à ce projet. Le préfet des Bouches-du-Rhône, dans le sud de la France, Christian Frémont, avait déjà exprimé son intention d’interdire l’inauguration de cette stèle. «L’annonce récente d’une cérémonie d’inauguration solennelle de cette stèle, avec des discours, suscite des réactions d’indignation aussi bien de la part des victimes de l’OAS et de leurs descendants que des défenseurs de la mémoire du général De Gaulle», a déclaré le préfet, représentant de l’Etat français dans cette région.

Dans un communiqué, il a indiqué même avoir fait savoir «au maire de Marignane, début juin, que cette manifestation (lui) paraissait inopportune». «Je lui ai redit aujourd’hui en lui demandant d’y renoncer», a souligné avant-hier le préfet qui s’est dit prêt à «interdire la manifestation».

Pour rappel, ce projet, dédié à la mémoire d’une organisation raciste et fasciste qui compte parmi ses victimes des Algériens mais aussi des Français, avait suscité de nombreuses indignations au sein de la société civile française, dont la Fondation Charles de Gaulle, estimant qu’un «tel geste, s’il était accompli, serait non seulement une offense au général De Gaulle, président de la République, lui-même cible des assassins de l’OAS, mais aussi une atteinte à la République». Plusieurs association et syndicats français, dont la Ligue des droits de l’Homme, le Mouvement contre le racisme et pour l’amitié des peuples), la Fédération des syndicats unitaires (FSU), l’association des amis de Max Marchand et de ses compagnons, ainsi que le président de la région Province-Alpes-Côte d’Azur, Michel Vauzelle, ont condamné cette initiative vue comme «l’inspiration raciste, xénophobe et anti-républicaine» qui «ne vise à rien d’autre qu’à semer des germes de haine et de division dans une région où le Front national reste une menace». «Il serait choquant que l’Etat tolère une telle inauguration», a souligné M.Vauzelle, relayé par la Ligue française des droits de l’Homme, le collectif des historiens contre la loi du 23 février 2005 et plusieurs organisations syndicales.

Il importe de souligner que le projet de Marignane a donné un nouvel élan au mouvement suscité par la loi de février en faveur des Français rapatriés à la fin de la Guerre d’Algérie en 1962. Plusieurs associations ont dénoncé une réhabilitation insidieuse de l’OAS par le biais de cette stèle mais aussi de la loi du 23 février «portant reconnaissance de la Nation et contribution nationale en faveur des Français rapatriés». C’est ce même texte qui a suscité l’indignation en Algérie. Il prévoit, pour rappel, que les programmes scolaires reconnaissent le rôle positif de la présence française outre-mer, notamment en Afrique du Nord, et accordent à l’histoire et aux sacrifices des combattants de l’armée française issus de ces territoires la place éminente à laquelle ils ont droit». Pour les associations françaises, il s’agit d’une démarche «révisionniste», d’une «réhabilitation du fait colonial», d’une tentative d’imposer une vision «partielle et partiale» de l’histoire.

H. Barti