La rapporteuse de l’ONU à Alger: Les violences contre la femme en question

La rapporteuse de l’ONU à Alger: Les violences contre la femme en question

par Houari Barti, Le Quotidien d’Oran, 6 novembre 2010

La rapporteuse spéciale de l’ONU sur la violence contre la femme, Mme Rashida Manjoo, qui effectue une visite de travail en Algérie depuis le premier novembre suite à une invitation du gouvernement algérien, a entendu un exposé sur les programmes de protection des droits de la femme mis en place par l’Etat algérien, lors d’une rencontre avec les membres de la commission nationale consultative pour la promotion et la protection des droits de l’Homme.

Les représentantes au sein de la commission ont précisé que la commission nationale suivait la mise en oeuvre de ces programmes estimant que la violence «était un comportement destructeur de l’humanisme de la femme». Les intervenantes ont souligné que l’Etat algérien «a mis en place des mécanismes à même de mettre un terme à ce phénomène négatif», affirmant que le meilleur moyen de lutter contre ce dernier était d’»accorder à la femme l’autonomie financière et lui permettre d’acquérir une meilleure connaissance de ses droits». Mme Mandjou a souhaité obtenir les rapports annuels de la commission qui lui ont été remis à la fin de la rencontre.

Dans son dernier rapport à la suite d’une visite officielle en Algérie du 21 au 31 janvier 2007, à l’invitation du gouvernement algérien, la rapporteuse spéciale aux Nation Unies sur «la violence contre les femmes, ses causes et ses conséquences» en Algérie, Mme Yakin Ertürk, avait appelé le gouvernement algérien à «faire en sorte que les familles des personnes disparues (principalement des femmes) et toutes les victimes d’actes de violence sexuelle commis au cours de la décennie noire soient dûment et rapidement indemnisées», tout en assurant leur protection «contre toute mesure de harcèlement ou menace.» Le rapport des Nation Unies mettait également l’accent sur l’urgence de procéder à «une enquête indépendante» sur les actes de violence sexuelle commis lors de la «décennie noire» et la nécessité de communiquer aux familles des personnes disparues toutes les informations disponibles quant au sort des intéressés et à l’endroit où ils pourraient se trouver. Au cours de sa visite la rapporteuse spéciale des Nations Unies s’est rendue à Alger, Oran, Constantine, Bou Ismail, Blida. Elle avait eu des entretiens avec plusieurs personnalités de l’Etat, dont des membres du gouvernement, du Sénat et de l’APN, de hauts magistrats, des universitaires, des avocats et des représentants de la société civile et militants des droits de l’homme en Algérie, entre autres. Dans ses recommandations au gouvernement algérien, le rapport en question met également l’accent sur la nécessité de renforcer les institutions chargées de promouvoir les droits de la femme en améliorant le dispositif national de protection des femmes en consultation avec les organisations de la société civile. Le gouvernement est également appelé à adopter et mettre pleinement en œuvre la stratégie nationale de lutte contre la violence à l’égard des femmes, de prendre des mesures en vue de promouvoir l’émancipation des femmes sur le plan social, économique et politique, notamment grâce à l’établissement d’un système de quotas visant à augmenter leur représentation aux postes de décideurs dans les secteurs public et privé. L’Etat algérien est également invité, selon le même rapport, à investir dans les foyers d’accueil et les structures d’assistance destinées aux femmes ainsi que dans l’éducation aux droits des femmes (…) en adoptant une stratégie de tolérance zéro pour les enquêtes et les procédures judiciaires applicables à tous les cas de violence dirigée contre les femmes.

Dans ses constatations, la Rapporteuse spéciale note toutefois, que depuis l’indépendance, les femmes algériennes ont accompli des progrès remarquables en ce qui concerne l’accès à l’éducation, même si, souligne-t-elle, des inégalités persistent à différents niveaux et à diverses professions comme celles de juge, d’enseignant et de médecin. «Les femmes mises au ban de la société, et en particulier les femmes divorcées, séparées ou abandonnées, les mères célibataires et les femmes qui vivent dans la rue, sont particulièrement vulnérables et ont besoin de toute urgence d’un soutien plus énergique de la part de l’État», explique le document. Et d’ajouter : «si les femmes ont officiellement des droits égaux dans la sphère publique, elles n’ont pas accès dans des conditions d’égalité au marché du travail et aux postes à responsabilités, comme en témoigne leur infériorité numérique par rapport aux hommes dans ce domaine. De plus, bon nombre de femmes sont encore en butte à l’oppression et traitées de façon discriminatoire dans la collectivité et dans la famille.»

«Si le Code de la famille a été considérablement amélioré, il subsiste encore des institutions qui désavantagent les femmes, principalement en matière d’héritage et pour ce qui touche aux conséquences matérielles du divorce», note encore le texte de la rapporteuse des Nations Unies.

Le rapport appelait par ailleurs au retrait des réserves, qualifiées d’ «inadmissibles» formulées par l’Algérie à propos de la Convention sur l’élimination de toutes les formes de discrimination à l’égard des femmes. Une convention que l’Algérie avait ratifiée en 1996, et a présenté deux rapports au Comité chargé de son application. L’Algérie a formulé des réserves aux articles 2 et 16 de cet instrument, défendant le principe de la primauté du Code algérien de la famille sur les dispositions de la Convention.