L’association des oulémas ne s’oppose pas au changement prévu dans le code de la famille

L’association des oulémas ne s’oppose pas au changement prévu dans le code de la famille

«Le mariage sans la présence du tuteur est toléré par le rite hanéfite»

par Zineb M. , Le Jeune Indépendant, 15 juillet 2004

L’Association des ouléma musulmans algériens s’est prononcée hier sur les principaux amendements devant être introduits dans le code de la famille avant la fin de l’année en cours. Il s’agit de la question de la tutelle et de celle de la polygamie qui sont au cœur des débats depuis que la commission nationale chargée de la révision du code de la famille a révélé les nouvelles propositions.

De prime abord, le président de l’association, M. Abderrahmane Chibane, a affirmé que «la tutelle est l’une des conditions et principes du mariage en islam et qu’aucune femme ne peut se marier sans la présence du père, du frère, d’un homme de la famille ou à défaut du juge».

Il a ajouté que «les trois rites, le malékite, le hanbalite et chafiîte exigent la présence du tuteur pour que le contrat de mariage soit légal». L’ancien ministre des Affaires religieuses au temps de la première mouture du code de la famille a affirmé que le rite hanéfite tolère que la femme majeure se marie sans la présence de son tuteur.

«Celle-ci peut contracter, elle-même, son mariage à condition de choisir l’homme qui lui convient», a-t-il soutenu. Cependant, a-t-il ajouté, «cette liberté de décision accordée à la femme n’est pas absolue, car ce même rite octroie au tuteur le droit d’annuler le mariage s’il s’avère que l’époux ne correspond pas à la femme».

M. Chibane a souligné, dans ce sens, que «le tuteur peut demander au juge l’annulation pure et simple du mariage s’il s’aperçoit, par la suite, que la mariée n’a pas fait le bon choix. Mais il doit intervenir avant la naissance des enfants, sinon d’autres considérations entreront en ligne de compte», a-t-il prévenu.

Aussi paradoxal que cela puisse paraître, les deux thèses sont basées sur les paroles du Prophète Mohamed (QSSL). «La première [malékite] s’appuie sur un hadith selon lequel il n’y a pas de mariage sans tuteur en assimilant une telle union au péché charnel» alors que, poursuit-il, la deuxième thèse «s’appuie sur un autre hadith du Prophète où il a dit, en substance, que la femme, qui a déjà été mariée (veuve ou divorcée), est bien placée pour connaître l’homme qui lui convient».

Notre interlocuteur déduit enfin que les trois imams [Malek Ibn Anès, Ahmed Ibn Hanbal et Echafiî] préconisent dans leur interprétation des hadiths la protection, à l’avance, de la femme, les comparant au médecin qui pratique les soins préventifs, alors que, pour lui, Abou Hanifa lui accorde la liberté de choix tout en pouvant intervenir a posteriori si nécessaire.

M. Chibane a affirmé que si la commission nationale chargée de la révision du code de la famille devait opter pour l’avis d’Abou Hanifa, «qu’elle l’applique dans sa globalité», c’est-à-dire qu’elle doit permettre au tuteur d’annuler le mariage s’il constate que c’est nécessaire.

Au sujet de la polygamie et de sa soumission à l’autorisation préalable du juge et au consentement de l’épouse, comme le propose la commission, M. Chibane estime que cette pratique est peu répandue dans notre société. «Même si la loi leur reconnaît ce droit, les hommes ne se marient en général qu’avec une seule femme», a-t-il assuré.

Il a estimé, à ce propos, que les hommes ne se remarient que dans des cas exceptionnels, quant leur femme, par exemple, est malade ou stérile. «La loi ne peut pas leur interdire le droit de procréer», a-t-il encore ajouté. Il a prévenu que contraindre l’époux à ne prendre qu’une seule femme – quelles que soient les circonstances – favorise le divorce et encourage l’adultère.

«On aura beaucoup d’enfants adultérins et on en fera une société de Mitterrand», a-t-il prévenu. «Je ne dis pas que la polygamie est un beau cadeau. Aucune femme n’accepterait de partager son mari avec une autre, mais parfois c’est un mal nécessaire», a-t-il admis.

Il a affirmé, d’autre part, que la femme peut conditionner juridiquement son mariage à l’engagement du mari de ne pas prendre de seconde épouse. Mais s’il doit le faire, il doit d’abord la libérer. Le président des oulémas algériens s’est également exprimé sur la question du domicile conjugal que le code actuel attribue automatiquement à l’homme après le divorce.

La commission propose que la loi accorde à la femme le droit de garder le domicile conjugal, puisqu’elle aura la garde des enfants après le divorce. M. Chibane a répondu que cela est tout à fait conforme à la loi islamique qui protège les enfants contre la délinquance.

«L’homme doit garantir un toit pour ses enfants et la femme qui aura leur garde, et ce, selon ses moyens financiers.» Les propos du président de la commission sont rassurants. Pour avoir été l’un des artisans du code de la famille de 1984, Abderrahmane Chibane dit aujourd’hui qu’il n’est nullement gêné par le changement qui devrait toucher ce même code.

«Nous sommes en faveur de tout changement qui pourrait servir la famille algérienne, à condition de ne pas toucher aux principes de la religion», a-t-il tenu à préciser. Il a affirmé, en outre, que les propos du président de la commission nationale chargée de la révision du code de la famille, M. Mohamed Zeghloul Boutaran, sont rassurants, car, selon lui, il avait déclaré qu’»il n’est pas question de proposer des amendements qui vont à l’encontre de la charia».

Z. M.