Surendettement des ménages: 80 milliards de dinars de crédit automobile en 2008

Surendettement des ménages: 80 milliards de dinars de crédit automobile en 2008

par Moncef Wafi, Le Quotidien d’Oran, 5 septembre 2009

Tout le monde le savait et les chiffres renseignaient davantage sur la dépendance des ménages algériens aux crédits à la consommation. L’octroi de crédits bancaires pour les ménages ou crédits à la consommation s’est fortement développé en Algérie, ces dernières années, surfant sur la vague des formules de crédits proposées par les banques, étrangères surtout, pour finir sous la menace de risques réels de surendettement.

Devant cet engouement des Algériens pour ces formules inédites, le gouvernement a fini par prendre des mesures drastiques emballées dans les nouvelles mesures introduites dans le cadre de la Loi de finances complémentaire 2009 et visant essentiellement, selon le ministre des Finances, Karim Djoudi, à protéger les ménages contre tout risque de surendettement et d’orienter l’économie nationale vers la production. «Sur plus de 100 milliards de dinars de crédits à la consommation (accordés par les banques en 2008) 80 % sont destinés aux crédits automobiles», a souligné le ministre, selon lequel cette situation est à l’origine de la hausse des importations de véhicules et de pièces de rechange à 3,7 milliards de dollars en 2008. Octroyés pour l’acquisition de biens d’équipement notamment électroménagers, véhicules, accès au logement et la facilitation de besoins particuliers, ces types de crédits se sont fortement développés. Une dizaine de banques, tant publiques que privées, ont développé une gamme de crédits et facilités de paiement variés et répondant à des besoins précis. Selon les chiffres disponibles, la population concernée est de près d’un million de ménages. Le surendettement pour nombre de familles est devenu d’actualité en l’absence de tout outil de contrôle qui aurait pu mettre le holà à des dépassements insoupçonnés. En effet, de plus en plus de ménages contractent plusieurs crédits à la fois, au risque de dépasser leur capacité de remboursement, pourtant ces ménages, aux revenus moyens et confrontés aux impondérables de la vie, n’arrivent plus à rembourser les traites. Des chiffres évoquent même que 38 % des jeunes ménages sont incapables de rembourser leurs dettes. Et cela même si le niveau d’impayés est encore considéré comme faible. Selon les informations données par un quotidien national, ce niveau est de l’ordre de 2 à 4 %, sous la barre critique de 6 %.

Le délégué général de l’Association des banques et des établissements financiers (ABEF), Abderrahamen Benhkalfa, avait déclaré que « dans les pays développés, il y a un taux d’endettement élevé, il n’y a pas un ménage qui n’est pas endetté. Alors qu’en Algérie, sur les 33 millions d’habitants, on compte 700.000 emprunteurs. Il avait ajouté que « pour ne pas se retrouver face au problème du surendettement, il faut d’abord protéger le client en l’informant sur la menace du surendettement. Les banques doivent obliger les emprunteurs à déclarer les crédits déjà pris ». « L’Algérien est au bord du surendettement », avait estimé Malek Serraï, un économiste tunisien, qui affirmait que concurrence oblige, « les banques ne donnent aucun délai aux clients pour décider et réfléchir avant d’emprunter, explique-t-il. Cette situation est à double tranchant pour les banques : d’un côté, les emprunteurs augmentent rapidement et de l’autre, les risques d’impayés s’accroissent». «Le ratio du crédit dans le secteur privé était de 17,6 % en 2004. Il est passé à 23,3 % en 2008».

A cette sonnette d’alarme, le gouvernement a décidé de réagir en intervenant en amont de la chaine et d’interdire aux banques d’accorder des crédits à la consommation. Des priorités choisies par les pouvoirs publics qui estiment qu’il est «plus utile pour les ménages d’avoir un logement que d’avoir une voiture». Ainsi, a-t-il poursuivi, la LFC 2009 prévoit, entre autres, des mesures en termes de consolidation de la bonification des crédits à l’immobilier, une annulation de l’Impôt sur le revenu global (IRG) sur les loyers pour stimuler la location de logement, en plus de la mise en place d’un crédit du Trésor à 1 % pour permettre aux postulants d’accéder au financement de leur logement. Le Snapap, lui-même, avait confirmé précédemment, dans une étude statistique, la forte tendance des fonctionnaires à s’endetter. Le syndicat donne une estimation de 64 % des fonctionnaires qui vivent sous hypothèque après avoir contracté un crédit. Cette décision vient encore palier l’absence d’un organisme capable d’anticipation des risques et de contrôle du niveau d’endettement des ménages. Un outil de contrôle qui aurait dû voir le jour depuis des années sous la forme d’une centrale des risques de ménages mais qui, jusqu’à aujourd’hui, est encore dans les tiroirs de la Banque d’Algérie. Pressentant venir cette menace, les banques, notamment étrangères installés en Algérie, avaient, dans un premier temps, durci les conditions d’accès aux crédits, qui étaient avantageuses et diversifiées au départ.

Certaines d’entre elles, qui avaient développé une gamme de prêts, ont revu à la hausse le seuil minimum du salaire éligible au crédit, notamment automobile. Cependant, ces mesures introduites par la LFC ne vont pas pour autant mettre fin à l’endettement des ménages puisque une ancienne formule va certainement se refaire une santé. Les facilités de paiement accordés par certains commerces est une pratique qui a su résister aux aléas du temps et aux avantages des banques.