Grève des boulangers aujourd’hui et demain

Grève des boulangers aujourd’hui et demain

Le gouvernement dit regretter mais refuse l’augmentation

par Sihem H., Le Jeune Indépendant, 26 février 2005

Les boulangers sont en grève aujourd’hui et demain pour revendiquer l’augmentation de leur marge et, par ricochet, du prix du pain ordinaire toujours administré. La décision a été prise durant la mi-février par le bureau exécutif du Comité national des boulangers pâtissiers (CNBP) qui s’est trouvé contraint de recourir à cette mesure extrême.

Un mot d’ordre présenté par ce syndicat comme un ultime recours pour faire valoir ses droits auprès du gouvernement qui avait notamment pris l’engagement de réviser à la hausse le prix de la baguette de pain. Ce qui permettra aux boulangers de ne plus subir seuls les répercussions de l’augmentation décidée pour d’autres produits, à l’exemple du gasoil.

Le CNBP s’était d’ailleurs élevé par la voix de son secrétaire général M. Abdessalem Medjdoub contre «le manque de volonté affiché par le gouvernement pour le règlement des revendications» en réclamant le respect de l’accord passé l’année dernière avec le ministre du Commerce, M. Boukrouh, portant augmentation graduelle du prix du pain.

Le gouvernement dit vouloir dialoguer mais rejette la hausse La position du gouvernement qui s’est fait attendre a été exprimée jeudi à travers un communiqué des services du chef du gouvernement. La doléance des boulangers a carrément été rejetée avant même le début de la grève ! En effet, tout en disant regretter la position du CNBP, le gouvernement affirme par avance qu’aucune «grève ne fera changer sa position de refus d’augmentation du prix du pain».

Une position justifiée par la place qu’occupe ce produit, «un élément important dans la consommation des citoyens», ajoute le communiqué. Brandissant par la suite le bâton, les services du chef du gouvernement avertissent que les pouvoirs publics n’hésiteront pas à «user de tous les mécanismes de contrôle que confère la loi […] pour préserver les intérêts du consommateur», sans pour autant préciser ces mécanismes.

«La liberté d’entreprise ne saurait aboutir à une liberté sauvage au détriment des consommateurs», souligne la correspondance. Comme gage de bonne volonté, le gouvernement garantit la fourniture de la seule farine aux boulangers sans variation du prix.

Toutefois, faut-il le souligner, l’Etat ne détient plus le monopole de production et de commercialisation de la farine ou de la semoule. Les boulangers, animés par le souci de recherche d’une farine de meilleure qualité par rapport à celle produite par ERIAD, une entreprise déjà en difficulté financière, ont souvent recours au privé.

Ils payent de ce fait plus cher la farine vendue par l’Etat à 2 000 DA le quintal. Aussi, même si le prix de la farine demeure stable, la fronde des boulangers est justifiée par l’augmentation des autres intrants. Il s’agit, entre autres, de la hausse de 16,6 % du gasoil appliquée depuis le 1er janvier dernier, sachant que cette énergie est utilisée par 90 % des boulangers équipés de fours traditionnels.

La facture du gasoil a flambé sans que cette augmentation ait pu être répercutée sur le prix de vente du pain. L’augmentation du prix de l’eau et de l’électricité enregistrée ces dernières années a alourdi les coûts alors que le prix de la baguette de pain n’a pas bougé depuis 1996.

Solides, les arguments des boulangers n’ont pas pour autant fait fléchir la position du gouvernement, et c’est sans surprise qu’un langage de sourds s’installe entre les deux parties. Les boulangers, pour leur part, ont réussi à se débrouiller en marginalisant la production du pain ordinaire au profit de l’amélioré de toutes sortes, échappant par là au contrôle des services concernés.

Même si elle n’est pas officielle, pour le consommateur la hausse est déjà pratiquée puisqu’il est pratiquement impossible de trouver du pain à 8,5 DA. Peur d’une fronde populaire ? Pour sa part, le gouvernement qui fait semblant de contrôler laisse faire et tout le monde y trouve son compte : les boulangers vendent le pain plus cher, le gouvernement encaisse les taxes et le consommateur est prié de… consommer sans rechigner.

Mais après la cascade de hausses des produits de large consommation : carburants, eau, électricité, gaz butane…, le gouvernement a du mal à «officialiser» la hausse du pain, pourtant légitime, de peur de déclencher de nouvelles émeutes, d’autant que les plaies ne sont pas encore refermées… S. H.