Le recours ou la face cachée d’un relogement

Il est synonyme de contestation et d’injustice

Le recours ou la face cachée d’un relogement

Par : Ali Farès, Liberté, 21 juillet 2010

Chaque relogement génère entre 10 à 15% de recours exprimés par des protestataires qui se sentent injustement écartés ou des mécontents non satisfaits de la typologie du logement, de l’étage ou du site d’accueil. Moins du 1/5 est jugé acceptable. Et si cette procédure reste la voie la plus légale pour espérer recouvrer ses droits, beaucoup ignorent son cheminement. Pour en savoir plus, nous avons profité en marge de la dernière opération de relogement pour poser la question à Mohamed Smaïl, directeur du logement à la wilaya d’Alger.

Maîtrisant parfaitement son sujet, le responsable est très serein, dans son QG installé au niveau des 1 680-Logements de Birtouta d’où il supervise huit sites d’accueil, alors qu’on vient de lui annoncer deux mouvements de protestation sur les sites de départ d’El-Djazira (Bab Ezzouar) et La Baucheray (Oued Koriche). C’est un non-évènement à ses yeux, lui le jaugeur des situations similaires. On apprendra en effet un peu plus tard que tout était rentré dans l’ordre. On dégoupille justement le sujet des contestations qui nous mène tout droit au volet des recours. Et ce qui s’apparentait à une simple formalité s’est avéré un rouage à plusieurs étapes. Il faut tout d’abord distinguer trois phases dans l’opération relogement : avant, durant et après. Avant de démarrer la première opération, 2007 a été fixée comme base de référence par le wali d’Alger, conformément aux orientations du président de la République relatives à l’éradication de l’habitat précaire. Pourquoi cette année ? “Entre 1999 et 2007, beaucoup de familles avaient trouvé solution à leur problème de logement, notamment après les deux catastrophes naturelles (inondations de 2001 et séisme de 2003). D’autres programmes de logements sont venus soulager des milliers de familles à l’exemple des logements sociaux, LSP, AADL. C’est suite à cela que le filtre instauré a pu permettre de découvrir que des demandeurs avaient déjà bénéficié de logements dans des programmes antérieurs. L’étude de ces paramètres a amené la wilaya d’Alger à rejeter les demandes non fondées des citoyens. Il est utile de rappeler, dans ce cadre, que cette démarche n’est pas pour arranger une infime partie d’opportunistes ayant dans le passé bénéficié de logements et dont la manière de faire n’est autre que de priver des familles méritantes, dont je salue l’attitude calme en faisant confiance à la politique de l’État en la matière. En somme, le filtre mis en place par le ministère de l’Habitat et de l’Urbanisme, et actualisé hebdomadairement est en train de faire ses preuves sur le terrain même si en dépit des preuves palpables, certaines familles s’obstinent à ne pas reconnaître les faits. Pour nous, il y a des preuves irréfutables”, explique le DL. Revenant à la charge, ce dernier précise que dès qu’un programme de relogement est arrêté, la commission de daïra effectue un recensement auprès des familles concernées, exigeant de ces dernières les documents nécessaires, à savoir la fiche familiale, les quittances de Sonelgaz, Seeal, sur la base de quoi ladite commission examine chaque dossier et vérifie sur le terrain les cas dits tangents afin de valider leur occupation réelle ou leur présence selon le matériel trouvé sur les lieux. Cependant, confie encore Mohamed Smaïl, les commissions sont parfois confrontées à de nombreuses contraintes à l’exemple de certains pères de famille qui ramènent le ménage de leur fils ou de leur fille, habitant un autre site, pour prétendre à un logement ou une pièce supplémentaire. “Généralement, ce genre d’individus agit ainsi pour cacher la faiblesse des documents exigés. Mais l’expérience et la vigilance finissent par payer et faire débusquer les petits malins. Bien sûr, il y a aussi des ficelles confidentielles qui nous permettent de renifler les cas louches”, dira-t-il.

Les moyens à fond la caisse
Après un premier tamisage des dossiers, la liste est ainsi définitivement arrêtée et affichée. Quelques jours avant l’opération, une commission présidée par le wali d’Alger arrête définitivement les sites de départ et d’accueil ainsi que toutes les mesures nécessaires. Plusieurs modules sont alors mis en place. Il s’agit du site départ présidé par le wali délégué assisté par les élus locaux, le module démolition supervisé par un directeur exécutif de la wilaya en coordination avec le wali délégué, le module transport supervisé par le directeur des transports qui doit veiller au transfert des familles vers leur site d’accueil et le transport des gravats, le module relogement des familles sur le site d’accueil dont la charge revient au DL, les trois DG des OPGI, le wali délégué concerné et les services de sécurité de la daïra, les moyens généraux assurés par la direction des Epic, le module sécurité assuré par la gendarmerie, la police et la Protection civile du départ jusqu’à l’arrivée sur le site d’accueil. Il faut savoir que la plus petite opération de relogement de 500 familles nécessite plus de 1 000 camions qui doivent être jalonnés par tranches de 50 à 100 véhicules. Enfin, le module éducation, présidé par trois directeurs de l’éducation. Ils doivent examiner le recensement des enfants scolarisés dès le site de départ, enregistrer leur inscription le jour de l’opération de relogement. Il est à rappeler qu’une trêve a été observée pour 2010 afin de permettre aux élèves de préparer leurs examens de fin d’année. La veille du jour J, à partir de minuit, les camions sont, pour des raisons sécuritaires, mis à proximité du site de départ où les familles commencent à charger leurs effets. Les camions une fois chargés sont alors transférés vers un autre site dit de parking où ils sont identifiés par des coupe-files (laissez-passer) qui permet au camionneur d’être identifié et de parer à tout intrus dans le convoi. Sur les lieux, il est accueilli par le comité d’accueil à qui il doit présenter sa feuille de route. Celle-ci doit être vérifiée sur l’état d’affectation et des documents typologiques par bâtiment. Après identification du bâtiment, une décharge de remise des clés est signée. Elle contient le dossier à fournir par le bénéficiaire pour l’élaboration de son contrat de location en tant que nouveau locataire. “Ces mesures de facilitation ont été mises en place pour permettre au bénéficiaire de ne pas être retardé dans l’occupation de son logement. Une fois la prise de connaissance du bâtiment et du logement, l’intéressé peut, s’il le désire, formuler un recours dans un bureau ouvert à cet effet”, fera savoir le DL.

7 opérations, 127 recours acceptés
Les recours sont recensés par site d’accueil et site de départ. Les requérants qui n’ont, pour une raison donnée, pas fait l’objet de validation peuvent introduire un recours sur le site de départ. Par contre, aucun recours n’est accepté sur le site d’accueil si le bénéficiaire n’a pas rejoint son logement. C’est ainsi que la commission de recours réunit les deux dossiers et siège auprès des commissions de recensement et celles de validation en présence des autorités et élus concernés. Cette commission étudie, analyse et arrête définitivement la liste des recours acceptés et les recours infondés et/ou rejetés. En général, l’objet des recours étant le changement de typologie (F2 en F3), l’étage et le site, le taux de recours par opération varie entre 10 et 15%. Lors des dernières opérations, 10 à 12% des recours ont été acceptés mais non sans grande difficulté, avoue M. Smaïl. “L’offre du F3 par rapport à la demande exigée par le site de départ contraint les commissions de validation à des composantes supérieures au taux d’occupation par logement(TOL) et implicitement dans le relogement mais qu’on finit par prendre en charge, ce qui permet aux familles de retrouver leur sérénité et leur bien-être au même titre que leurs voisins qui viennent de bénéficier du LSL dans le cadre du programme du président de la République.”