Démolition des bidonvilles : Quel devenir pour les terrains récupérés ?

Démolition des bidonvilles : Quel devenir pour les terrains récupérés ?

El Watan, 22 juillet 2010

Le communiqué de la wilaya d’Alger, accompagnant chaque annonce d’opération de relogement, souligne que les assiettes seront destinées à la réalisation des projets d’équipements selon les besoins exprimés.

Alger espère mieux respirer avec le programme d’éradication des bidonvilles. Les communes touchées par les opérations de relogement, qui se poursuivent toujours, peuvent maintenant récupérer les assiettes sur lesquelles étaient érigés ces sites de bidonvilles pendant des décennies. Des communes ont longtemps connu des blocages de plusieurs projets, faute d’assiettes foncières. Avec la démolition des baraques et l’éradication des habitations de fortune, les projets connaîtront-ils une meilleure issue ? Le communiqué de la wilaya d’Alger, accompagnant chaque annonce d’opération de relogement, souligne que les assiettes seront destinées à la réalisation des projets d’équipements selon les besoins exprimés.

C’est ainsi que la commune de Hydra a opté pour la réalisation d’espaces verts et d’aires de jeux, histoire de compléter le décor pour cette commune qui venait de se débarrasser de l’unique point noir qui faussait sa bonne image : le bidonville Doudou Mokhtar. Pour la commune de Oued Koreiche, soulagée de deux bidonvilles en une semaine (Diar El Kef et Fontaine Fraîche), plusieurs projets attendent concrétisation : la population guette avec impatience l’annonce de nouveaux projets de type parkings à étages ou locaux commerciaux. Les autorités ne se sont pas encore prononcées sur la destination choisie pour ces terrains récupérés. La commune de Sidi M’hamed qui a également enregistré, au début de l’année en cours, une opération de relogement des habitants de Zaâtcha, a décidé de lancer un concours d’idées pour le choix d’un bureau d’études afin de réaliser des espaces de détente pour les riverains de ce site longtemps squatté, selon les déclarations du wali délégué de Sidi M’hamed.

Si les riverains ont applaudi cette option, d’autres se demandent pourquoi avoir délaissé les projets bloqués dans cette commune. C’est le cas par exemple, des demandeurs de logements qui pensent que la réalisation d’un projet de logements de n’importe quelle formule aurait été plus salutaire pour la population. Pour rappel, la commune a été contrainte de solliciter d’autres municipalités pour la réalisation de projets de logements, faute d’assiettes foncières. Qu’en est-il du terrain récupéré à Bab Ezzouar ? Etant initialement un terrain dédié à la construction de logements au profit de l’Imprimerie officielle, il a été squatté dès le début des années 1990. Aujourd’hui que les baraques sont démolies, le chantier sera-t-il relancé ? L’Imprimerie officielle, propriétaire de l’assiette, préférera-t-elle le dédier à une autre fin ? La démolition est en tout cas un pas concret vers l’éradication des bidonvilles, pour peu que les autorités restent vigilantes pour empêcher de nouveaux squats.

Par Fatima Arab


Mécontentement des citoyens suite aux opérations de relogement : Seulement une centaine de recours acceptés

Les opérations se poursuivent et se ressemblent. Souvent des mouvements de protestation de familles qui affirment avoir été injustement exclues leur succèdent.

Depuis le début de l’opération, en mars dernier, quelque 4500 familles sur les 12 000 annoncées ont été relogées, et à peine une centaine de recours ont été acceptés. Une neuvième opération est prévue pour aujourd’hui, à Chéraga, où les services de la wilaya ont jeté leur dévolu sur deux sites de bidonvilles : ferme Nezali et ex-Flamand, occupés par une quarantaine de familles. Ces opérations de relogement ne se sont pas déroulées sans incident : en plus des familles exclues, les bénéficiaires protestent contre la typologie du logement, souvent des F2.

Hier encore, des affrontements ont opposé des familles « recalées » de Oued Koriche aux forces de l’ordre, qui ont violemment chargé les manifestants. Deux jours auparavant, au sud-est d’Alger, des familles ont protesté contre la manière « indécente » de les déplacer de leurs sites de bidonvilles dans des camions et de les « parquer » aux Eucalyptus, Baraki. Acculés, les services de la wilaya ont insisté, mardi après-midi, dans un communiqué laconique, sur la régularité de l’opération, tout en rappelant les critères (ne pas avoir bénéficié et avoir été recensé par les services communaux avant 2007). Il est à rappelé que les requérants ont « la possibilité de formuler des demandes de logement dans le cadre des différentes opérations ».
La boîte de Pandore ouverte par Zerhouni et le wali d’Alger…

Le point de départ des opérations a été les émeutes de Diar Echems, à El Madania, en octobre 2009, qui ont fait réagir en son temps l’ex-ministre de l’Intérieur, Noureddine Yazid Zerhouni, qui avait annoncé le relogement des habitants. Les affrontements de Zaâtcha, un site de bidonvilles de la commune de Sidi M’hamed, quelques mois après, avaient fait réagir, cette fois, le wali d’Alger, Mohamed Kebir Addou, qui avait profité de l’ouverture de la session de l’Assemblée de wilaya (APW), en mars dernier, pour annoncer « un vaste programme de relogement ». « Plus de 10 000 logements seront distribués de mars à octobre. Ces opérations, qui s’étaleront dans le temps, feront suite à celles lancées depuis 2004. 13 800 familles ont été relogées dans le cadre du social et du LSP depuis cette date. 5000 logements sociaux ont été distribués dans le cadre des commissions de daïra », avait déclaré M. Addou devant des élus qui voyaient leur ordre du jour bousculé.

Population concernée : les occupants de baraquements, des chalets, les résidants des vieux bâtiments, en plus de quelque habitants de La Casbah. « L’opération a concerné en premier le quartier de Diar El Kef où nous avons relogé en janvier 300 familles à Souidania. 50 000 logements sont en construction, dont 20 000 LSP », a-t-il expliqué. Ces opérations ont fait quelques heureux mais ont fait surtout grincer des dents « en haut lieu ». Des administrateurs et quelques élus locaux, approchés, déclarent ne pas comprendre la célérité de l’opération et le choix des bénéficiaires qui ne sont, pour la plupart, que des occupants de logements et rarement des demandeurs « désintéressés » ou des sinistrés des chalets. Le wali a affirmé que la violence ne résout pas tout et ne fait pas bénéficier de logement. La population d’Alger, où 200 000 demandes de logement sont enregistrés au niveau des communes, n’y croit pas trop : pour avoir un toit sur la tête, désespèrent-ils, mieux vaut construire, au mépris des lois de la République, une baraque !

Par Nadir Iddir


Émeutes dans le quartier de Triolet à Bab El Oued : La colère des « favelas » d’Alger

Des dizaines de jeunes des bidonvilles, armés de barres de fer, ont brûlé des pneus sur la voie publique et saccagé le point de vente du concessionnaire automobile Renault. Les autorités locales ont procédé au déplacement d’environ 350 familles ers l’esplanade du stade du 5 Juillet, où elles ont passé la nuit de mardi à mercredi.

De violents affrontements ont opposé, durant toute la matinée d’hier, les habitants de Diar El Kef, dans la commune de Oued Koreich d’Alger (ex-Climat de France), aux forces de l’ordre. Tout a commencé dès les premières heures de la matinée. Les habitants des bidonvilles de la Carrière Jaubert et de Fontaine-Fraîche ont occupé, très tôt, le rond-point Triolet, bloquant l’axe routier menant vers Bab El Oued. Ils étaient très en colère contre les autorités locales qui, selon eux, les ont lésés dans l’opération de relogement. Des dizaines de jeunes desdits bidonvilles armés de barres de fer ont brûlé des pneus sur la voie publique et saccagé le point de vente du concessionnaire automobile Renault. L’intervention des forces antiémeute pour les disperser a attisé leur colère. La situation a tourné alors à l’émeute. La place de Triolet a été le théâtre, trois heures durant et sous un soleil de plomb, de violentes échauffourées. Résultat : plusieurs blessés de part et d’autre et arrestation de quatre manifestants.

La protestation avait commencé la veille. Dans la nuit de mardi à mercredi, les habitants des quartiers en question ont coupé la route menant vers Bouzaréah (hauteurs d’Alger). A l’origine de cette contestation, apprend-on sur place, l’exclusion d’une cinquantaine de familles de l’opération de relogement entreprise par les autorités locales, dans le cadre de l’éradication de l’habitat précaire à Alger. Les familles ayant élu domicile dans le bidonville de Diar El Kef, dans la commune de Oued Koreich, font partie des bénéficiaires de l’opération de relogement qui a débuté samedi dernier. Les autorités locales ont procédé au déplacement d’environ 350 familles vers l’esplanade du stade du 5 Juillet, où elles ont passé la nuit.

Le lendemain, elles ont été transportées vers Baraki et le quartier des Eucalyptus, où elles devaient être relogées. Pendant ce temps, les services de la commune ont procédé à la démolition du bidonville en question. Ce qui a irrité les familles exclues, qui ne sont pas sur la liste des bénéficiaires, ballottées entre Baraki et les Eucalyptus dans des camions chargés de baluchons et autres bagages de fortune, dans l’espoir d’être logées dignement. Mais leur espoir s’est vite dissipé. « Pas de logement pour vous, vous n’êtes pas sur la liste », leur a-t-on déclaré. Les autorités locales ont estimé que les familles qui n’ont pas bénéficié de logement sont celles qui « sont arrivées dans le bidonville après le recensement de 2007 ». « Après le recensement de 2007, beaucoup de famille sont venues de l’intérieur du pays. Elles ont acheté des baraques appartenant aux anciens occupants, croyant qu’elles pourraient bénéficier naturellement d’un logement sans avoir été recensées », explique un élu de Oued Koreich. Cet argument n’est pas convaincant pour les protestataires. Abandonnées aux abords de la route, les malheureuses familles ont été contraintes de revenir dans leurs anciennes habitations. Là, elles sont choquées en trouvant leurs baraquements complètement rasés. « Non seulement on nous a lésés dans l’attribution des logements mais, plus grave, ils ont détruit nos baraques. C’est injuste. On passe la nuit à la belle étoile et le jour nous sommes exposés à une chaleur suffocante. Nos enfants risquent de mourir », s’indigne un père de famille. Un jeune en colère pose la question : « Un logement, est-ce un droit de chaque Algérien ou non ? » « Si les autorités pensent que ne nous sommes pas des Algériens, qu’ils nous le disent et on ira chercher un pays de rechange », lance-t-il. Ce n’est que vers 13h que le calme est revenu dans le quartier. Mais la situation reste précaire…

Par Hacen Ouali


Les sites de chalets se « bidonvillisent »

Au fil des années, les sites de chalets se transforment en véritables bidonvilles dans la wilaya de Boumerdès. Eparpillés sur le territoire des 9 daïras que compte la wilaya (28 communes sur 32 sont concernées), ces sites où sont implantés 15 287 chalets offrent tous les ingrédients de leur bidonvilisation : exiguïté, insalubrité, absence de toutes les commodités, squat des espaces alentours, constructions annexes en dur en en tôle et autres.

Pour faire face à l’exiguïté de ces habitations précaires, les occupants procèdent trop souvent à leur extension en érigeant tout autour des abris de fortune et des constructions sommaires. Certains réalisent ces nouvelles pièces à l’aide de matériaux de construction (briques ou parpaings) tandis que d’autres utilisent des matériaux de fortune et de récupération (tôles, planches en bois, plastique, bâches, etc.). Dans les deux cas, le décor est le même et ne diffère pas trop des grands bidonvilles de la banlieue algéroise. La défiguration de ces sites est aggravée par les clôtures cernant les chalets, faites dans la majorité des cas d’objets disparates (morceaux de nylon et de tissu, de zinc et de bois). Les habitants de ces sites s’en défendent et estiment qu’« il est impossible de vivre dans une habitation en préfabriqué d’une superficie de 36 m2 ». « Nous sommes une famille de 7 personnes, vous pouvez deviner facilement comment nous vivons à l’intérieur de ce chalet. Il ne faut pas s’étonner de voir les gens procéder à l’extension de leurs habitations. Que l’on nous donne des logements décents et que l’on rase ces sites. Mais tant que nous sommes abandonnés par l’Etat, plus de sept ans après le séisme, alors que ces habitations ont une durée de vie limitée, c’est notre droit légitime de faire de ces chalets qui nous appartiennent ce que nous voulons », déplore un père de famille au niveau d’un site de chalets à Boudouaou, qui en a bénéficié dans le cadre du logement social.

Extension et dégradation

En procédant à l’extension de leurs habitations, les occupants de ces sites déclarent être « à la recherche d’un minimum d’intimité ». « L’intimité n’a plus de sens dans les chalets, surtout lorsqu’il s’agit de familles nombreuses. Face à la gêne que cela entraîne, si j’avais la possibilité de construire sur le toit du chalet, je le ferais », ironise avec amertume un habitant d’un chalet dans la commune de Corso, daïra de Boumerdès. A l’extension des chalets par leurs occupants, vient se greffer la dégradation effrénée de ces habitations précaires dont la durée de vie est de 10 ans. En effet, « le bois dont est fait le sol des chalets est découvert en raison de la dégradation du plastique le recouvrant. Par conséquent, il est plus exposé, notamment à l’eau de nettoyage, donc il se dégrade rapidement », nous dit Saïd, un occupant d’un chalet à Boudouaou. Plusieurs habitants se plaignent déjà de la moisissure du sol. D’autres soulèvent le problème de la dégradation des parois. La quasi-totalité des chalets présente des dégradations au niveau des murs, des ouvertures et même du toit. La peinture est usée à mesure que les étés et hivers passent. Certains habitants se plaignent même de l’infiltration de l’eau à l’intérieur des chalets.

Devant une telle dégradation, il est aisé d’imaginer ce que sera la situation de ces habitations au-delà de leur durée de vie, soit après 2013. Mais les pouvoirs publics seront-ils en mesure de reloger plus de 15 000 familles en moins de 3 ans ? Etant donné qu’il existe encore des centaines de familles sinistrées du séisme de 2003 qui attendent toujours leur relogement, on peut répondre par la négative sans prendre aucun risque de se tromper. Si des sinistrés ayant perdu leur logement dans ladite catastrophe ne sont pas encore relogés plus de sept ans après le drame, les familles ayant bénéficié de ces chalets dans le cadre social devront peut-être attendre des décennies. Entre-temps, les enfants vivant dans les chalets aujourd’hui ou ceux qui ne sont pas encore nés seront, à leur tour, en plus de leurs parents, dans le besoin d’un logement auquel les pouvoirs publics devront faire face avant de les évacuer de ces bidonvilles de demain.

Et cette bidonvilisation touchera les daïras de Boumerdès, Bordj Menaïel et de Boudouaou plus que les autres. Car ces trois daïras, à elles seules, comptent plus de 10 400 chalets, soit un tiers des chalets installés sur tout le territoire de la wilaya. Lorsqu’on sait que la réalisation de logements en général et la reconstruction de ceux effondrés lors du séisme en particulier accuse un retard de… près de 10 ans, l’on peut dire que l’éradication de ces futurs bidonvilles n’est pas pour demain. Les pouvoirs publics n’ont d’ailleurs pas encore arrêté un échéancier ferme pour raser ces habitations et faire ainsi disparaître un autre aspect du souvenir douloureux de mai 2003. Ahmed Ouyahia, lors de la campagne électorale pour la présidentielle dernière, avait promis aux citoyens venus l’écouter à la salle omnisports de Boumerdès que les chalets seront tous démantelés et leurs occupants relogés. Trois ans plus tard, aucune décision concrète n’est prise dans ce sens. Il est quasi certain que les 15 000 familles occupant ces chalets entendront des promesses similaires lors des campagnes électorales à venir.

Par Yacine Omar