La privatisation des banques publiques algériennes revient en catimini

La privatisation des banques publiques algériennes revient en catimini

Abed Charef, Maghreb Emergent, 27 septembre 2016

Des démarches antérieures pour la privatisation du Crédit Populaire d’Algérie ont échoué après des années de vraies fausses tractations

Sans l’assumer publiquement, le gouvernement revient sur la privatisation des banques publiques, à travers la bourse.

Un dossier aussi épineux que la privatisation, partielle ou totale, des banques algériennes, peut-il être engagé de manière clandestine? Un haut responsable algérien parlant sous le couvert de l’anonymat a ouvert cette piste, en évoquant, dans une déclaration à l’agence Reuters, une possible privatisation des banques à travers une introduction en bourse. C’était suffisant pour faire réagir d’influents milieux d’affaires qui commencent à parler d’une ère nouvelle pour l’économie algérienne.

Cette méthode, qui consiste à avancer en reculant, cadre bien avec la démarche du gouvernement actuel, qui tente de trouver des expédients pour gérer une situation économique délicate. Ni le président Abdelaziz Bouteflika, ni le gouvernement, n’ont une idée tranchée sur la question. Pour l’exécutif, ce n’est donc pas une mesure qui ferait partie d’un programme élaboré. Il s’agirait plutôt d’une tentative de trouver des financements pour combler le trou budgétaire. Même si ce que pourrait rapporter la vente des banques publiques ne représenterait qu’une partie infime du déficit budgétaire.

En période de préparation de la loi de finances 2017, beaucoup de propositions, parfois totalement farfelues, sont avancées. Certaines font partie de véritables projets, mais d’autres sont de simples ballons sondes destinées à jauger l’opinion et les milieux politiques et syndicaux.

Opération délicate

Le haut responsable qui a fait cette révélation a indiqué que la vente de banques algériennes serait ouverte aux capitaux étrangers, alors que la loi algérienne interdit aux étrangers de détenir plus de 49% des actions d’une entreprise. Le gouvernement envisage de « permettre aux principales banques publiques du pays de s’introduire en Bourse afin de développer leurs activités de marchés et de diversifier leurs sources de financement pour compenser l’impact de la chute des recettes pétrolières ».

Le gouvernement aurait donc opté pour une privatisation indirecte, par étapes. Il s’agirait de privatiser à travers la bourse, une vente directe étant trop délicate à gérer : si la vente se fait au profit d’acheteurs algériens, elle serait perçue comme un simple transfert d’argent public aux amis du pouvoir. Quant aux acheteurs étrangers, il serait trop compliqué de les intéresser, des démarches antérieures, notamment avec le CPA (Crédit Populaire d’Algérie), ayant échoué après des années de vraies fausses tractations.

Bureaucratie bancaire

Beaucoup d’arguments plaident en faveur d’une privatisation. Gain immédiat pour le gouvernement : il trouverait de l’argent frais, alors que les finances publiques, au rouge, devraient subir de fortes pressions sur les deux prochaines années. De plus, les banques algériennes, malgré leur envergure, ressemblent plus à des guichets qu’à de vraies banques. Elles sont peu performantes, alors qu’elles disposaient d’un important excès de liquidités. La privatisation pourrait les dynamiser et en faire un acteur plus dynamique de la croissance.

De leurs côté, les milieux d’affaires, dans la proximité immédiate du pouvoir, font pression pour l’ouverture du capital des banques. Dans un pays où les Algériens sont interdits de banque depuis le scandale Khalifa, le chemin le plus court pour les investisseurs serait de prendre le contrôle d’une banque, avec ses structures, ses biens immobiliers et ses réseaux, plutôt que de se lancer dans un investissement coûteux et risqué.

Un système trop rigide

Ceci dit, la partie n’est pas jouée. Le gouvernement sait qu’une telle idée risque de rencontrer de fortes oppositions, y compris au sein du pouvoir. La manière dont l’annonce a été faite montre d’ailleurs que l’idée n’est pas encore mûre, et n’est pas encore assumée par le gouvernement.

Les meilleurs d’affaires algériens ne seraient, de leur côté, pas chauds pour que des étrangers entrent dans la compétition. Cela risque de donner lieu à une compétition ruineuse, qu’ils souhaiteraient éviter.

Par ailleurs, passer par la bourse risque d’être très long. La bourse d’Alger ne brille pas par ses performances : récemment, une expérience pour acheter pour 100.000 dinars d’actions d’un grand groupe privé a mis deux mois pour aboutir, alors qu’il devrait suffire d’un simple clic. La rigidité des circuits économiques, et le manque de transparence risquent ainsi de constituer des handicaps qui empêcheraient l’opération ‘aboutir dans des délais rapides.