Algérie-Economie: Le nouveau crédo « néo-libéral » d’Ahmed Ouyahia

Algérie-Economie: Le nouveau crédo « néo-libéral » d’Ahmed Ouyahia

Oussama Nadjib, Maghreb Emergent, 12 juin 2017

Ahmed Ouyahia s’est drapé dimanche de l’habit du « réformateur libéral » appelant aux privatisations et la fin de la « démagogie sociale ». Question : était-ce un candidat à la présidentielle de 2019 qui parlait ou juste un ministre d’Etat qui donne le «là» sur la nouvelle politique en temps de vaches maigres ?

« L’Algérie est confrontée à de grands défis, si on ne se remet pas débout économiquement, sans le biberon du pétrole, nous risquons de nous retrouver chez le FMI en 2025. Et si on se retrouve chez le FMI, ça va être la tronçonneuse ».

Ahmed Ouyahia, secrétaire général du secrétaire général du Rassemblement national démocratique (RND) a endossé, dimanche, l’habit du « réformateur libéral » appelant à la privatisation, à la « réhabilitation du travail », à ne plus dépendre des « fluctuations du pétrole » et de la réunion de l’OPEP à Vienne.

Tout ce que les « libéraux » aiment entendre

L’homme qui a fait le « sale boulot » de l’ajustement structurel au milieu des années 90 parle-t-il en candidat présidentiel potentiel ou bien exprime-t-il une volonté du pouvoir d’aller vers une mise en œuvre plus ferme d’un ajustement économique.

Tout ce que les « libéraux » (au sens purement économique du terme) aiment entendre Algérie était dimanche dans la bouche d’Ahmed Ouyahia : fin des subventions généralisées, privatisations, « décentralisation » de l’investissement, fin de la « démagogie sociale ». « Les hôtels, les moulins, on leur trouvera des acheteurs nationaux, il vaut mieux les vendre tant qu’ils sont en bon état, pour ne pas revivre ce que nous avons vécu durant les années 1990 » dit-il.

L’Ahmed Ouyahia « nouveau » est donc arrivé. Pourtant – et il le rappelle lui-même, cela fait au moins 20 ans qu’il est dans les arcanes du pouvoir et à des positions exécutives. Et durant ces deux décennies il a fait aussi bien du « social » que de « l’ajustement », autant dans l’excès dépensier que dans la ponction salariale.

Cela donne un chef du RND parlant avec un certain aplomb de la chose économique comme s’il découvrait tardivement à la faveur de la chute des prix du pétrole, des constats établis depuis des années.

Le monde a changé de siècle…

« La situation va se compliquer, les réserves de change vont en s’amenuisant, à cause de la chute du prix du baril, le monde a changé de siècle, il y a le gaz de schiste, l’OPEP et même les pays non OPEP ne peuvent plus agir sur les prix, le baril fonctionne avec le marché, l’époque des prix régulés est révolue ».

La solution ? La privatisation, élémentaire mon cher Watson. Et Ahmed Ouyahia pose de manière ingénue la question : « cela fait combien d’années que l’on n’a pas parlé de privatisation ? ». Comme si le chef du RND n’était pas dans « l’organigramme » et n’avait pas suivi et défendu tous les changements de cap décidés par le président Abdelaziz Bouteflika.

La réponse à la « question » d’Ahmed Ouyahia est documentée : on ne parle plus en Algérie de privatisation depuis le 24 novembre 2007, jour où à la dernière minute, le gouvernement a décidé de « surseoir » à la privatisation du CPA (Crédit populaire d’Algérie), officiellement à la suite de « l’impact non encore évalué » de la crise des subprimes.

Dans sa culture

Ahmed Ouyahia qui a fait passer la loi controversée de Chakib Khelil sur les hydrocarbures – elle sera retoquée après avoir été promulguée par Bouteflika – a également accompagné le « tournant » de 2009 avec une loi de finances complémentaires qui a changé totalement les règles pour l’investissement étranger – avec un impact négatif en matière de flux des IDE – et imposé un droit de préemption.

Mais il faut bien le constater, le libéralisme « nouveau » d’Ahmed Ouyahia ne concerne pas la sphère politique qui, comme le pensent beaucoup d’analystes, est au cœur du blocage économique. Pour lui, le « défi fondamental » de l’Algérie est d’ordre économique. Exclusivement. Et la variable d’ajustement dans l’esprit d’Ahmed Ouyahia parait évidente même s’il continue d’évoquer « l’Etat social ».

Pourtant, dans un système assis fondamentalement sur la redistribution, inégalitaire, de la rente pétrolière, la chute des recettes pétrolières – et bien avant comme le relevait aux temps de « l’aisance » le groupe Nabni – implique un véritable aggiornamento politique.

Ahmed Ouyahia le constate lui-même, le « monde du pétrole » – qui est celui du système algérien – n’est plus le même et les « prix du pétrole « ne remonteront pas à plus de 100 dollars avant 15 ou 20 ans ».

Tout un monde qui « change » mais le secrétaire général du RND ne semble guère vouloir étendre son crédo libéral au domaine de la politique. Le monde change mais pas Ouyahia : de bureaucrate autoritaire à libéral autoritaire, Ahmed Ouyahia reste dans sa « culture ».