Des familles de victimes britanniques de Tiguentourine veulent ester BP en justice
Sunniva Rose, Maghreb Emergent, 29 septembre 2013
Les survivants et les familles des victimes de l’attaque du site gazier de Tiguentourine souhaitent que l’entreprise pétrolière britannique BP (British Petroleum) conduise une enquête sur les failles de sécurité qui ont permis l’attaque sanglante de janvier à In Amenas. Quelques mois avant le raid terroriste, certains employés confiaient déjà leurs craintes sur la sécurité du site à leur famille.
Des deux entreprises étrangères partenaires de Sonatrach sur le site pétro-gazier d’In Amenas, seule Statoil (Norvège) a publié une enquête interne sur les conditions de l’attaque terroriste, qui a fait une quarantaine de morts en janvier dernier. L’attaque avait été revendiquée par le groupe « les signataires par le sang », dirigé par Mokhtar Belmokhtar.
BP s’était contentée d’annoncer sa collaboration avec la police britannique, au grand dam des familles des victimes et des survivants qui exigeaient un geste plus fort de la part du géant britannique. Après avoir attendu plusieurs mois des réponses à leurs interrogations de la part de BP, sur les possibles failles de sécurité qui ont permis l’assaut meurtrier de se produire, certains proches des victimes envisagent des poursuites judiciaires pour négligence contre le géant pétrolier pour négligence, selon l’un de leurs avocats, cité par Reuters. L’investigation de la police britannique devrait débuter l’année prochaine.
Un e-mail accablant
Pour la veuve d’un des ressortissants britanniques tués, Garry Barlow, la joint-venture Statoil/Sonatrach/BP a envoyé des employés sur place alors que les conditions de sécurités étaient connues pour être mauvaises, avec des mouvements de protestations menés par des habitants de la région contre leur exclusion des recrutements sur le site. Quelques semaines avant sa mort, son mari a envoyé un e-mail accablant à sa sœur : « La situation devient très dangereuse ici. Les chauffeurs locaux sont en grève depuis 6 mois. Ils ont maintenant entamé une grève de la faim. Le site est presque paralysé », écrivait Garry Barlow dans un e-mail daté du 30 novembre 2012. Sur un ton d’humour noir, Barlwo poursuit : « Les Touaregs locaux ont dit que si l’un d’eux meurt, ils tueront 30 expatriés du site d’In Amenas. Comme la majorité des expatriés ont été évacués, il ne reste que 10 d’entre nous. Ils doivent avoir l’intention de nous tuer chacun à trois reprises, ha ha. »
Controverse sur les responsabilités
Les chauffeurs étaient retournés travailler après avoir obtenu une augmentation de salaire et une prolongation de leur contrat. Evacué en décembre, Garry Barlow a été rappelé sur le site par ses managers qui considéraient que la sécurité était assurée. « Il les a cru », confie sa veuve, Lorraine, à Reuters. Il est mort quelques semaines plus tard, le jour de son 50ème anniversaire, avec 5 autres compatriotes.
Aujourd’hui, Lorraine Barlow cherche à savoir qui porte la responsabilité de la mort de son mari, qui n’était pas directement employé par BP. Recruté à travers une agence suisse en ressources humaines, IOTA, il travaillait pour la joint-venture Sonatrach/BP/Statoil à In Amenas. Plusieurs dizaines de contractants internationaux comme lui étaient présents sur le site lors de l’attaque. BP n’a pas rencontré les contractants qui ont survécu, ni les familles de ceux qui ont péri lors de l’attaque, a expliqué Trevor Sterling, l’un de leurs avocats.
BP nie avoir été au courant des tensions locales
Le lien entre la grève mentionnée par Garry Barlow dans son e-mail et l’attaque du site n’a pas été établi par BP, a répondu l’un de ses porte-parole, Robert Wine, dans un e-mail à Reuters. Le rapport de Statoil publié le 12 septembre dernier pointait du doigt une « sécurité divisée », à moitié assurée par un contractant externe basé à Hassi Messaoud, et le service de sûreté interne de Sonatrach.
Plusieurs mois avant l’attaque, Statoil avait commandé une expertise sur la situation sécuritaire du site d’In Amenas. Celle-ci avait conclu que les services de sécurité algériens avaient des difficultés à assurer la sécurité du site. Un constat qui sonnait comme une prophétie : « Considérant des dynamiques régionales politiques et sécuritaires, la menace d’une attaque à impact élevé dans les régions pétrolières devient crédible ».