Crise politique et faillite économique : Le temps des grandes inquiétudes

Crise politique et faillite économique : Le temps des grandes inquiétudes

El Watan, 22 avril 2015

L’Algérie s’apprête-t-elle à vivre une période d’incertitudes sur tous les plans ? Le gouvernement a-t-il vraiment un cap, une feuille de route et une stratégie politique et économique pour négocier au mieux ces mois de vaches maigres qui se profilent à l’horizon ? Ces questions coulent de source dans la conjecture actuelle, marquée par l’effondrement soudain des cours du pétrole, cette vache nourricière qui a maintenu le pays sous perfusion.

Les Algériens ont toutes les raisons de s’inquiéter quand ils observent ces voyants rouges qui s’allument un peu partout. Il ne s’agit pas, ici, d’alarmer le peuple, mais la situation est réellement préoccupante. Il y a d’abord ce flou épais qui enveloppe l’avenir politique du pays, avec un Président visible mais aphone. Et ce ne sont pas ces images récurrentes d’audiences accordées aux diplomates étrangers qui vont convaincre qu’il y a véritablement un pilote dans l’avion Algérie.

Pas plus que les déclarations contradictoires, et parfois risibles, de ceux qui prétendent être dans les secrets de la République. La maladie du président Bouteflika a contaminé tout l’univers institutionnel algérien. Pour avoir concentré tous les pouvoirs entre ses mains, il a fini par figer le pays tant rien ne bouge sans lui. Le projet de révision de la Constitution, devenu une arlésienne, est, à cet égard, symptomatique de l’état de la République. Annoncé imminent, puis remisé au placard puis relancé à grand renfort médiatique et enfin renvoyé sine die…

Les voyants sont au rouge

Ce tâtonnement politique provoque un sentiment de malaise chez les Algériens qui s’inquiètent légitimement de l’avenir de leur pays. De quoi sera fait demain ? Voilà une question qui taraude l’esprit devant cette enfilade d’actes manqués d’un gouvernement qui semble naviguer à vue. Il n’est certes pas recommandé de verser dans le pessimisme.

Mais il n’est pas non plus question d’afficher un optimisme béat, comme le conseillent les thuriféraires du régime et ceux qui en tirent profit. La situation actuelle de l’Algérie est assurément délicate au moins au double plan politique et économique. Quand on entend un ancien haut responsable comme Mouloud Hamrouche la qualifier de «gravissime», il est difficile de garder le moral et prendre pour argent comptant les fausses assurances de Amar Saadani.

Parce qu’en plus de l’impasse politique admise à demi-mot par le secrétaire général du FLN, l’Algérie fait face, hélas, à un tarissement soutenu de ses recettes en devises. N’ayant pas été capable de mettre en place un modèle de croissance autre que celui qui consiste à vendre le pétrole et redistribuer la rente, le régime est pris en flagrant délit d’incompétence. Le baril qui flambait à plus de 120 dollars lui a explosé à la figure alors qu’il n’a pas prévu de se couvrir. Résultat des courses : le pays est redevenu subitement très vulnérable économiquement et donc socialement aussi, et devra prier pour que le prix de l’or noir amorce une remontée providentielle.

Double impact

Rien n’est moins sûr cependant, surtout quand on entend les prévisions inquiétantes des institutions financières et autres organismes internationaux qui prédisent un assèchement inéluctable des réserves de changes au maximum dans deux ans. Et pour cause, l’Algérie a gaspillé en 15 ans plus de 800 milliards de dollars engloutis dans des projets géants d’infrastructures, qui plus est ont fait grossir les comptes des corrompus de tout acabit. C’est un désastre de constater que tout cet argent n’a pas servi à jeter les bases d’une économie compétitive et créatrice de richesses.

Que notre pays en arrive à importer l’oignon des Emirats ou à réceptionner des containeurs remplis de sable est signe qu’on a touché le fond… Et dire que ce gouvernement fait de l’adhésion à l’OMC une priorité, comme si c’est le seul chaînon manquant à l’excellence économique ! Une coquetterie politique qui n’est pas sans rappeler l’Accord d’association signé, par un effet de mode, avec des dommages collatéraux terribles pour l’Algérie.

Là aussi, les impératifs politiques ont lourdement pesé dans ce mauvais choix de démanteler les barrières tarifaires et non tarifaires aux produits européens qui ont envahi le marché national. C’est dire que l’Algérie subit aujourd’hui un double impact politique et économique d’une gouvernance autiste et populiste. Il n’y a pas de visibilité sur l’avenir à moyen terme tant il dépend à la fois des facteurs endogènes et exogènes.

Les Algériens sont donc naturellement préoccupés, au-delà de leurs différences, face à ce tableau de bord pas très rassurant que tentent de farder ceux qui en sont responsables. C’est dire à quel point le président Bouteflika est interpellé pour faire en sorte de sauver l’Algérie au lieu de sauver le régime. Pour cela, le pays a besoin de toutes les bonnes volontés, pas seulement celles qui se recrutent parmi la clientèle. La diabolisation de l’autre a fait des ravages en Algérie.
Hassan Moali