Journée de colère au Sud

Manifestations Contre L’exploitation Du Gaz De Schiste

Journée de colère au Sud

El Watan, 1er février 2015

Pari tenu pour le mouvement anti-gaz de schiste qui a mobilisé plusieurs manifestants à Metlili, Ouargla, Tamanrasset, Bordj Omar Driss alors qu’une marche aussi grandiose qu’émouvante a eu lieu à In Salah.

Alors que de nouveaux pourparlers sont prévus au courant de la semaine prochaine entre une délégation d’habitants d’In Salah et un représentant du président de la République à Alger, la commémoration du déclenchement des protestations anti-gaz de schiste d’In Salah, le 31 décembre 2014, a fait tache d’huile à travers plusieurs villes du pays et en France, où des rassemblements ont été organisés hier par des activistes convaincus, dont le message commun est l’appel à un moratoire sur le gaz de schiste.

Des centaines d’hommes et de femmes se sont joints à la grande marche d’In Salah où des citoyens d’Adrar, Laghouat, El Bayadh, Djelfa et Tamanrasset sont venus exprimer leur soutien à la population lors d’une journée de colère. Les organisateurs donnent plus de 8000 participants à «Youm el ghadab». «Arrêtez de nous donner des leçons, ce peuple est conscient, il sait que le danger le guette et il n’a rien fait de répressible.

C’est une contestation citoyenne pacifique et déterminée», a réitéré Mohad Kasmi, membre du comité de défense des droits des chômeurs et activistes anti-gaz de schiste de la wilaya d’Adrar, venu manifester hier à In Salah. Interpellé par des membres du comité central du FLN en tournée dans le Sud, ce dernier a souligné que «la sécurité est aussi l’affaire des habitants qui sont les vrais garants de l’intégrité territoriale du pays, l’armée et la police sont là et savent que ce que nous demandons n’a rien à avoir avec l’aspect sécuritaire». In Salah a fait de l’invocation du Tout-Puissant son refrain, son slogan, son refuge pour prier contre l’accomplissement des projets expérimentaux de gaz de schiste de Sonatrach, qui se déroulent sous leur nez.

D’ailleurs, les manifestants sont retournés en début d’après-midi à Sahat Somoud pour effectuer une étonnante prière collective appelée «Salât al hâja», littéralement prière du besoin, celle qui aide à accomplir ses affaires où des centaines de manifestants se sont prosternés et ont expressément formulé le besoin «d’un arrêt du mal du gaz de schiste». Pour les manifestants, «rien ne nous fera reculer, la seule réponse que nous voulons est celle de stopper ces forages».

Thank you In Salah

A Ghardaïa, Metlili, Ouargla, des rassemblements se sont déroulés au centre-ville où la foule a salué la résistance d’In Salah en exprimant une implication plus chaude et plus concernée. A Ouargla en particulier, la place de la Rose des sables n’a pas reçu le même engouement que jeudi dernier, où le discours était plus tranché, plus critique vis-à-vis de Sonatrach et des autorités. «L’essentiel est de marquer notre soutien indéfectible et continu au combat d’In Salah et d’interpeller le reste des Algériens qui ne se sentent pas encore concernés par cette affaire», a souligné un orateur.

Le rassemblement de Ouargla s’est voulu plus technique, plus réglementaire, insistant sur les déclarations contradictoires des autorités «qui viennent de reconnaître que des puits de gaz de schiste sont forés depuis 2012, que la fracturation hydraulique est d’usage depuis plus de dix ans et que des forages de Tight Gas, un gaz résiduel emprisonné dans des poches de roches non poreuses ou de sables agglomérés nécessitant des technologies similaires au gaz de schiste sont effectués par Total dans l’Ahnet et le Touat».

Le collectif populaire anti-gaz de schiste n’en revient toujours pas de «la quantité d’informations secrètes ou cachées subitement divulguées depuis le déclenchement des protestations d’In Salah il y a un mois». Rien que pour cela, merci In Salah, souligne Nadir Bouhetta intervenant sur «le mensonge d’Etat et les tergiversations des membres du gouvernement qui, toute honte bue, ne démissionnent pas et se permettent de nous qualifier de traîtres et antinationalistes». Les différents collectifs en appellent à la vigilance populaire et à la mobilisation non-stop afin d’organiser une protestation de longue haleine.

Houria Alioua