«L’exploitation du gaz de schiste est prématurée»

Selon des spécialistes

«L’exploitation du gaz de schiste est prématurée»

L’exploitation du gaz de schiste est «prématurée» et ne sera pas rentable. C’est ce dont est convaincu le Dr Mohamed Saïd Beghoul, consultant en exploration de huile et gaz et développement.

Rym Nasri – Alger (Le Soir), Le Soir d’Algérie, 26 novembre 2014

Certes, le gouvernement a décidé de l’exploration et l’exploitation des gaz non conventionnels en Algérie mais à quel prix ?, s’est interrogé hier le Dr Mohamed Saïd Beghoul, en marge du séminaire international sur les réservoirs non conventionnels (huile et gaz de schiste), tenu à Alger. Selon lui, non seulement les technologies font défaut mais aussi les réserves en gaz de schiste sont limitées. «Les Américains avancent 20 000 milliards de mètres cubes de réserves en gaz non conventionnel en Algérie mais cette évaluation est complètement erronée», dit-il. Ces estimations «gonflées» ne sont pour lui qu’un prétexte américain pour conquérir le marché algérien en matière de technologies d’exploitation du gaz de schiste. Une ambition qu’il qualifie de «légitime» mais poursuit-il, «l’Algérie n’est ni une décharge publique, ni un autre Reggane pour de nouvelles expériences». Sur le plan économique, le spécialiste assure que la rentabilité de l’exploitation est «incertaine». Et de préciser que le coût du forage du gaz conventionnel en Algérie est de 10 millions de dollars alors que celui du non conventionnel peut atteindre 25 millions de dollars. «Dans le conventionnel, un puits peut s’étaler sur un rayon de deux kilomètres pendant 30 années. Pour le même volume en non conventionnel, il faut 10 fois plus de puits pour une exploitation d’uniquement une année. Après cette durée, le puits doit être fermé et il faut commencer à exploiter un autre puits», explique-t-il encore. Il cite l’exemple du site de Hassi R’mel qui compte approximativement 1 400 à 1 500 puits en conventionnel. «Pour produire ce que produit Hassi R’mel aujourd’hui, il faut 13 000 puits en non conventionnel, soit dix fois plus», dit-il. Le Dr Mohamed Saïd Beghoul estime ainsi que l’exploitation du gaz de schiste en Algérie est «prématurée» et qu’elle n’est pas rentable. Il affirme, en outre, que les réserves de notre pays en hydrocarbures conventionnelles demeurent toujours «très intéressantes».
Partisan du gaz de schiste, le président de l’Association des anciens élèves de l’INH (Institut national des hydrocarbures), Mabrouk Benmammeri, insiste sur l’évaluation des réserves de l’Algérie. «En explorant le schiste, nous pouvons découvrir des gisements conventionnels dans la roche mère. Seulement, ce type d’exploration demande une densité de puits élevée qui, elle aussi, exige une industrie puissante», souligne-t-il. Il plaide ainsi pour le développement et l’exploitation des gaz non conventionnels en impliquant l’industrie locale privée et publique. «Il faut faire confiance aux constructeurs privés et publics algériens pour accompagner cette exploration et évaluation», a-t-il ajouté.
Ry. N.