Procès de l’affaire du thon à Annaba : Prison ferme pour les neuf mis en cause

Procès de l’affaire du thon à Annaba : Prison ferme pour les neuf mis en cause

El Watan, 6 avril 2010

Le juge Farès Sebti, du tribunal de Annaba, a infligé hier une peine identique aux neuf inculpés dans l’affaire du thon : le secrétaire général et le directeur de la pêche (DPMO) du ministère de la Pêche et des Ressources halieutiques (MPRH), deux armateurs algériens et cinq armateurs turcs.

Trois ans de prison ferme pour chacun d’eux, assortie d’une amende collective de 800 milliards de centimes comme dédommagement pour le Trésor public et une autre, commune également, de 7,2 milliards de centimes. Le 24 mars dernier, lors du procès, le procureur, Boussalem Brahim, avait requis des peines de 8 et 6 ans de prison à l’encontre du SG et du DPMO et de 5 ans pour chacun des armateurs algériens et turcs, assorties d’amendes équivalentes à dix fois la valeur du thon (déclaré capturé mais qui se serait échappé) en plus de celle des bateaux saisis et de leur armement.

Le 13 juin 2009, les gardes-côtes de Annaba arraisonnent des thoniers turcs et des bateaux algériens en situation irrégulière dans les eaux territoriales. Ils effectuaient un échange virtuel de plusieurs centaines de tonnes de thon rouge. Une pratique en cours depuis plusieurs années, dénoncée dans ces mêmes colonnes mais jamais prises en considération par le MPRH, qui l’a démentie en différentes occasions. Le préjudice subi depuis 1996 pourrait atteindre les 2 milliards de dollars, mais la justice n’est pas remontée jusqu’à cette époque. Lors du procès, le procureur a demandé pourquoi l’armateur algérien, qui présentait toutes les garanties pour pêcher en 2008, s’est vu supprimé de la liste des bateaux déclarés en 2009. Les armateurs algériens et turcs, pris en défaut, ont déclaré à ce sujet qu’ils avaient obtenu une autorisation du SG, ce qu’ignorait le DPMO.

Au procès, il a été également clairement établi que c’est le DPMO qui a donné l’alerte. A ses supérieurs d’abord, puis directement à la Marine nationale lorsque ceux-ci n’ont pas réagi. Le procès nous apprendra encore qu’à son insu, il était depuis plusieurs mois sous le coup d’une suspension mais qui n’a été rendue effective qu’après la découverte du pot aux roses. La justice vient de le punir une seconde fois pour cet acte. Mais, s’interroge-t-on encore, où sont passés trois des Turcs impliqués dans l’affaire ? On ne les a pas vus au procès. Ils étaient pourtant sous contrôle judiciaire et ils n’ont pas été cités. Auraient-ils quittés le pays en catimini ? « Si c’est par la harga, on n’a rien à dire, sinon il y a un problème. grave », a-t-on commenté à l’issue du procès.

En fait, pour ceux qui ont suivi les péripéties de cette affaire, beaucoup de zones d’ombre n’ont pas été explorées par les magistrats. Pour maître Nasreddine Lezzar, avocat de la défense, le verdict est surprenant : « Il est difficilement compréhensible qu’on ait pu condamner à une même peine des inculpés dans des situations juridiques différentes, avec des statuts différents, pour des chefs d’inculpation différents avec des qualificatifs juridiques différents et avec un réquisitoire différent du ministère public. Cette uniformisation des peines est un mélange des genres inacceptable et incompréhensible ! » Pour les parties et les observateurs que nous avons contactés, c’est un jugement à l’emporte-pièce, en bloc, en gros. Une simplification au détriment de la complexité technique et juridique de ce dossier. S. S.

Par Slim Sadki