En Algérie Le chômage ne dépend pas de la croissance !

Les statistiques officielles contredisent les doctrines économiques :

En Algérie Le chômage ne dépend pas de la croissance !

par Safia Berkouk, Le Jeune Indépendant, 23 mai 2007

Si les politiques maintiennent une certaine confusion autour des chiffres communiqués, pour les économistes, en revanche, l’équation ne souffre d’aucune ambiguïté. «Quand la croissance est en hausse et à des taux importants, c’est-à-dire à un niveau de 5 ou 6 % et non de 1 ou 2 %, le taux de chômage est orienté vers le bas», nous a confirmé hier le professeur Abdelhak Lamiri.

Il serait donc autorisé de croire que, dans le cas contraire, c’est-à-dire si la croissance économique est en recul, le chômage suivra la direction inverse. Force est de constater que selon les chiffres de l’Office national des statistiques, le taux de chômage a gagné 3 points en 2006 par rapport à 2005, passant de 15,3 % à 12,3 %, au moment où la croissance économique perdait près de deux points, passant de 5,1 en 2005 à 3 % en 2006, si l’on prenait en considération les chiffres du FMI.

Le résultat serait également le même, mais à un degré moindre si ce sont les chiffres du gouvernement algérien qui sont pris en compte, du fait qu’ils font état d’un recul à 4,8 % de la croissance hors hydrocarbures en 2006. Partant de ce constat, les économistes comme M. Lamiri considèrent que «les chiffres sur le chômage sont exagérés, car ils sont livrés par un organisme qui n’est pas indépendant et ne peuvent dans ce cas être corrects».

Certes, il y a une baisse du taux de chômage, estime notre interlocuteur, impulsée par «la création de quelque 500 000 emplois temporaires et saisonniers et par l’argent qu’injecte l’Etat dans les grands chantiers actuellement». Toutefois, ces chantiers sont appelés à se terminer et la question qui mérite d’être posée dans ce cas est, selon M. Lamiri : «Que vont devenir ces emplois temporaires, une fois les projets achevés.» Etant donné que 80 % des emplois temporaires ne deviennent jamais permanents, de l’avis même du ministre de l’Emploi et de la Solidarité nationale, M. Ould Abbas, et vu qu’une grande partie des emplois qui ont fait reculer le chômage sont provisoires, leur disparition d’ici 4 à 5 ans va inéluctablement conduire à une nouvelle «hausse du chômage qui atteindrait 17 à 18 %», selon l’économiste.

Le professeur Lamiri estime qu’avec les emplois temporaires, les pouvoirs publics «n’ont pas réglé la question du chômage, parce que ce ne sont pas des emplois à long terme». Pour résoudre cette question définitivement, l’Etat doit miser sur la création de petites et moyennes entreprises.

«L’Algérie doit créer beaucoup plus d’entreprises qu’elle ne le fait actuellement. A peine 20 000 PME sont créées chaque année, alors qu’il en faudrait au moins 60 000 à 80 000 pour avoir des emplois durables», a soutenu notre interlocuteur.

Le taux de chômage en Algérie a baissé de près de 60 % en l’espace de 7 ans entre 2000 et 2006, soit une réduction moyenne de plus de 8 % par an. Or, selon certains économistes, avec une croissance économique moyenne de l’ordre de 5 %, la baisse du taux de chômage ne devrait pas aller au-delà de 2 à 2,5 % annuellement au maximum».

Pour M. Lamiri, il serait difficile de déterminer à quel niveau se situe le taux de chômage actuellement. «Il faudrait plusieurs sondages pour le savoir», estime-t-il. S. B.