Un nouveau livre accuse l’armée

Un nouveau livre accuse l’armée

Baudoin Loos, Le Soir, 12 février 2001

Quelques mois après la parution de « Qui a tué à Bentalha », les éditions parisiennes la Découverte créent à nouveau l’événement avec la publication d’un autre témoignage mettant en cause l’armée algérienne. Dans « La Sale Guerre » (1), Habib Souaïdia, lieutenant dans les forces spéciales entre 1993 et 1995, raconte avec force détails la vie quotidienne de son unité, qui figurait parmi les troupes de choc chargées de mater l’insurrection islamiste. Une expérience qui en fait le témoin direct de pratiques qui suscitent l’écœurement : exécutions sommaires, tortures, rackets, dont sont victimes les populations civiles prises en étau entre les groupes armés et cette armée nationale aux méthodes plus qu’expéditives.
Pour l’ex-officier algérien, l’armée sait très bien ce qu’elle fait : « Depuis 1992, écrit-il en introduction, c’est une « guerre secrète » qui est menée par les généraux : faux maquis, intoxications en tout genre, manipulations et infiltrations des groupes armés islamistes. Ce rideau de fumée leur permet de mener impunément une guerre d’une incroyable sauvagerie. Ce qu’on ignore, c’est qu’ils s’appuient pour cela sur seulement quelques milliers d’hommes en armes : ceux des unités spéciales de la police et de la gendarmerie, et, surtout, sur ceux de la Sécurité militaire et des « forces spéciales » de l’armée, celles dont j’ai fait partie. »
Son récit, hallucinant de précision, fourmillant de noms de gradés impliqués, selon lui, dans les pires exactions, se clôt par une accusation lancée à la France de complicité avec ces généraux qui « ont déclaré la guerre au peuple algérien et non aux islamistes, une sale guerre d’intérêts pour défendre leur pouvoir et leur argent, celui du pétrole (…). »
Accusé de vol en 1995, l’officier se retrouvera en prison pour quatre ans et, peine accomplie, choisit l’exil en France, où il devient réfugié politique.
A Alger, la réaction ne s’est pas fait attendre après la publication de « La Sale Guerre ». La presse s’est ruée sur le témoignage d’un journaliste exilé que la Découverte avait engagé pour mettre le récit de Souaïda en musique, journaliste qui s’est disputé avec l’éditeur qui aurait, d’après lui, « fait fi ou presque des passages relatant les exactions des islamistes », bien que la lecture du livre donne de ces islamistes armés une image fort barbare. Ce dimanche, l’anti-islamiste «Liberté» publiait les propos d’un « compagnon de prison » anonyme qui décrit Souaïdia comme un militaire racketteur spécialisé dans le vol de voitures. Et ce n’est sans doute qu’un début.

 

© Rossel et Cie SA, Le Soir en ligne, Bruxelles, 2001

 

 

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