La Kabylie à la croisée des chemins

La Kabylie à la croisée des chemins

 

Par Amar Rafa, La tribune, 23 décembre 2001

Le mouvement de contestation en Kabylie est plus que jamais à la croisée des chemins. La stratégie adoptée par les différents protagonistes, qui a semblé jusque-là aboutir à l’impasse, est sur le point de subir des chamboulements pour déboucher sur des actions plus en adéquation avec la nouvelle donne induite par l’intervention énergique des pouvoirs publics qui ont procédé à des interpellations, la poursuite du dialogue arouch-gouvernement, mais aussi par le retour aux marches et protestations citoyennes. Quarante-huit heures après la marche noire promise par la CADC, la situation semble plus encline au calme dans la wilaya de Tizi Ouzou.Cette mobilisation citoyenne, qui était destinée à n’être qu’une énième marche pacifique, a très vite tourné à l’affrontement citoyens-forces de l’ordre, sous l’emprise des antagonismes du terrain, d’un mouvement voulant démontrer que sa force de mobilisation demeure intacte et d’un pouvoir plus que jamais décidé à remettre de l’ordre et à sévir contre les récalcitrants au dialogue. Les interpellations et mises sous mandats de dépôt des émeutiers, une stratégie adoptée depuis un temps déjà, paraissent n’avoir que peu d’effets sur le terrain, en ce sens qu’un calme relatif règne en Kabylie. A défaut d’avoir raison de la détermination des citoyens de cette région, les méthodes policières adoptées comme adjuvants à l’ouverture des portes du dialogue n’ont eu pour conséquence que l’exacerbation d’un mouvement qui, faute de réponses claires à ses revendications, fera échouer par la force de la mobilisation toutes solutions factuelles ou demi-mesures. Ce message est on ne peut mieux exprimé par la rue kabyle, qui prévoit, pour les jours à venir, une montée en cadence de ces actions et ce, sous une autre approche. Des sit-in et marches pour exiger la libération des détenus, aux conférences devant adopter un caractère national des animateurs du mouvement, les actions envisageables durant les prochains jours se feront certainement sous le sceau d’un resserrement des rangs des différents acteurs des arouch dits radicaux. Les informations qui parviennent de Béjaïa font état d’un rapprochement entre le Comité populaire de la ville et la Coordination intercommunale (CICB), dans le sens d’actions communes, notamment l’organisation de grèves et marches comme celle qui sera organisée à l’initiative du CICB, et verra se joindre le comité populaire de l’interwilayas. Après l’exclusion des cadres universitaires et syndicaux du mouvement qui se recrutaient au départ parmi les gauchisants, il est vrai que le mouvement a sombré dans l’impasse, mais c’est conscient de cela qu’il tente d’y remédier, pour sa démarche future. Les partis politiques qui ont brillé par leur absence envisagent, eux, de se remettre en selle pour les courses électorales à venir, en investissant, tard, le terrain vacant des idées politiques. Aussi, la démobilisation constatée actuellement sur le terrain dans cette wilaya et dans toute la Kabylie saurait-elle s’interpréter autrement que par une résignation du mouvement, devant l’affermissement de la réaction des pouvoirs publics, sinon par un changement de stratégie à même de garantir davantage de souffle pour faire face aux futures exigences du terrain ?

A. R.

 

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