Projet de loi de finances

Projet de loi de finances

La croissance attend toujours le budget du déclic

Malek Sohbi, Libre Algérie n° 56,23 octobre au 5 novembre 2000

Dans son projet de loi de finances pour l’année 2001, le gouvernement vient à reculons à une politique de relance budgétaire. Il préfère plutôt approvisionner le fonds de régulation des recettes publiques. Mais qui a donc décidé d’un tel choix ?

Le projet de loi de finances qui va être débattu par les parlementaires dans les semaines qui viennent est sans aucun doute le plus important de la décennie. Pour une raison au moins : c’est celui qui aura à affecter les ressources budgétaires les plus grandes de la période. Mais aussi parce qu’il aura à entériner ou à refuser une nouvelle pratique dans la gestion des finances publiques en Algérie. Celle qui voit les gouvernements, grâce à des prévisions de recettes très basses, laisser par-devers eux des recettes réelles afin d’en faire un usage discrétionnaire, loin des délibérations des législateurs. Rien que pour ces deux enjeux, le débat vaut l’attention. Il pourrait être en plus intéressant comme indicateur de la conjoncture politique particulièrement confuse ces derniers mois. Quelle sera cette fois l’attitude des députés de la coalition qui s’étaient déjà violemment attaqués au projet de loi de finances complémentaire pour 2000 de Abdelatif Benachenhou au mois de juin dernier, avant de l’adopter à quelques articles près ? Le plus important de la décennie, surtout parce que le budget adopté peut correspondre, en fonction de son impact sur l’activité économique, au véritable point de départ de l’après-ajustement, c’est-à-dire au cycle de croissance forte que le pays attend depuis 1983 et les premiers fléchissements des recettes énergétiques.

Dans un contexte normal, la seule augmentation prévisionnelle du budget de l’équipement de 111 milliards de dinars pour 2001 suffirait à parler comme le fait le ministre des Finances de «budget de croissance». Mais le contexte n’est justement pas normal et cette augmentation du budget de l’équipement – qui est supposée amadouer les partisans d’une relance par les dépenses publiques – est au moins de 50 % inférieure à ce que le budget de l’Etat est en mesure d’injecter dans le financement de l’économie l’année prochaine, sans pour cela mettre en péril les sacro-saints équilibres macrofinanciers.

Pis, le gouvernement non content de compter chichement les allocations aux secteurs entraînants de l’économie, prévoit de mettre à contribution les usagers de la route pour financer les efforts de réalisation des routes et autoroutes. Une taxe spécifique sur le carburant devrait être instituée aux termes du projet pour lever quelque 20 milliards de dinars à cette fin. L’histoire ne dit pas encore clairement si elle aura comme conséquence d’augmenter le prix du carburant car dans le même temps, celui-ci verrait sa TVA descendre de 21 à 17 % dans le cas où les députés approuveraient la suppression des deux taux de 21 % et de 14 % au profit du taux de 17 % de TVA.

Dépenses productives additionnelles très contrôlées, nouvelles taxes, que dire alors des 10 milliards de dinars prévus en plus dans le poste des dépenses de rémunération ? Un «geste» de l’Etat employeur à peine équivalent à celui qui avait été fortement demandé en novembre 1999 par les plus «modérés» des députés, lorsque le solde budgétaire pour l’année s’annonçait à peine équilibré.

Sous couvert de plus fortes allocations aux dépenses productives de l’Etat et de quelques augmentations de salaires aux fonctionnaires dont la portée s’annonce inférieure aux 600 dinars nets en moyenne, le projet de loi de finances pense pouvoir se consacrer «à l’aise» à la poursuite du remboursement de la dette publique interne, une de ses priorités plus ou moins déclarées.

Ce choix du ministre des Finances a peu de chances de contenter ses contradicteurs du printemps dernier répartis sur tous les groupes parlementaires. Certes, seuls les élus du FFS, du PT, ceux du parti de Djaballah et quelques indépendants avaient alors été au bout de leurs critiques en votant contre le projet de loi de finances complémentaire. Mais il n’est pas exclu cette fois que le détournement de ressources importantes vers le fonds de régulation des recettes budgétaires rende un peu plus sérieuses les démarches d’opposition des députés les moins disciplinés de la coalition au gouvernement. Ce détournement programmé par l’option «prix moyen du baril à 19 dollars pour l’année 2001» interpelle directement les législateurs sur leur rôle tel que défini par la Constitution. Tous les calculs convergent vers un solde positif d’environ 300 milliards de dinars pour l’exercice en cours. Le ministre des Finances acceptera-t-il d’en parler avec les députés ? De l’intégrer dans les véritables ressources à distribuer pour l’année prochaine ? Les recettes au Trésor public induites par la vente de la licence du second réseau GSM aurait été incluses dans les calculs du budget. Mais cela ressemble fort à un donné pour un repris. Car les recettes, elles, sont déjà rentrées, et celles qui vont déborder les très suspects 19 dollars prévisionnels, elles, ne sont pas encore comptées.

En théorie, les parlementaires ne manquent pas d’arguments pour retourner la situation et pousser le gouvernement, ou celui qui décide pour lui, à un effort plus net de dépenses publiques. Il faut juste se souvenir qu’en réalité la croissance n’est pas encore là. Hors hydrocarbures, elle équivaudra à peine plus que zéro cette année. En fait, elle attend toujours d’être propulsée. Par qui ?