Echange Lahouari Addi – Simon Blumental

Echange Lahouari Addi – Simon Blumental

Chers amis,

Je vous ai déjà dit tout le bien que je pense de votre Lettre (presque)
quotidienne que je consulte (presque) quotidiennement. Vous avez évolué et
vous
continuez de le faire, mais attention n’évoluez pas trop vite car vous risquez
d’aller dans l’autre extrême et soutenir les islamistes!
Je vous ai fait un courrier que vous avez publié et à mon grand étonnement
aucun éradicateur qui vous lit n’y a répondu. Bizarre!
J’ai lu plusieurs fois le nom d’un certain Simon Blumentahal que la presse
algérienne a présenté comme un ami des Algériens. Si c’est la presse
éradicatrice qui le dit c’est que c’est un ami des généraux à la tête du
Klu Klux Klan (c’est le nom que l’on donne à la Sécurité militaire à
Alger).Qui
est Mr. Simon Blumenthal? Pourquoi a-t-il donné sa caution à la propagande
mensongère contre le témoignage du survivant de Bentalha, Yous
Nasrallah? Je souhaite que vous publiez le texte que je vous envoie et lui
dire que je l’ai rédigé en pensant à des personnes naïves comme lui et que
j’aimerai qu’il y réponde. Si c’est un ami de l’Algérie, il devrait pouvoir
répondre à ce texte qui s’oppose à la position qui est la sienne.

Amicalement

Lahouari Addi

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Retour à Bentalha

Le 17 janvier dernier a eu lieu au Sénat, à Paris, une réunion sur invitation,
destinée à contrecarrer le témoignage de Nesroulah Yous, paru sous forme
d’ouvrage aux éditions La Découverte, sur le massacre de Bentalha en
Algérie qui
a fait 417 morts le 22 septembre 1997, femmes et enfants compris, suite à une
attaque nocturne qui a duré plus de cinq heures. Cette réunion (suivie le
lendemain d’un meeting public), à laquelle se sont prêtés certains élus du
PC et
du MDC, rappelle la stratégie de l’agit-prop des régimes communistes qui
répondaient aux accusations de violations de droits de l’homme par des
meetings
organisés par les partis frères où étaient accusés d’ennemis de la classe
ouvrière ceux qui mettaient en doute les communiqués officiels. Il était
permis
de croire, après la chute du mur de Berlin, que ces pratiques n’allaient plus
se répéter. Eh bien non. Le dogmatisme a la vie dure et beaucoup de personnes
s’autoproclamant progressistes ont la mémoire courte. Une accusation de
violations des droits de l’homme contre un régime autoritaire, en l’occurrence
l’assassinat de plusieurs centaines de personnes, ne peut être contredite par
des meetings, fussent-ils organisés au Sénat à Paris.
Nesroulah Yous raconte dans le détail ce qu’il a vécu et rapporte des faits
qui
indiquent que le massacre avait été planifié, et minutieusement exécuté par
une
bande de près de 200 hommes puissament armés et bien organisés, ce qui laisse
penser que c’était des militaires, dont certains étaient habillés comme des
terroristes islamistes. L’accusation est grave, et elle est rejetée, comme il
fallait s’y attendre, par le régime qui répond par des meetings en France pour
contrer ce que la presse « éradicatrice » appelle une campagne de dénigrement
contre « une armée qui a sauvé le pays et la région de la menace intégriste ».
Beaucoup de personnes qui ont assisté à la réunion du Sénat n’ont pas été
convaincues par les discours des organisateurs et des témoins supposés
contredire le récit de Yous, estimant qu’ils n’apportaient rien de nouveau par
rapport aux questions de fond.
Mais pourquoi des réunions en France pour contrecarrer le témoignage d’un
survivant alors qu’il aurait fallu dépêcher un juge pour recueillir ses
déclarations,alors que c’est à la justice algérienne de répondre à la question
de savoir qui a tué à Bentalha? N’est-ce pas là un indice supplémentaire à
ajouter aux autres de l’absence de crédibilité de la thèse officielle? Le
fait
de lancer une campagne médiatique en France contre un témoignage, fondé ou
non,
au lieu de diligenter une instruction judiciaire en Algérie, n’est-il pas un
aveu implicite de ceux qui cherchent à cacher quelque chose ? Autre aveu:
si le
livre est mensonger, comme cela a été dit au Sénat, pourquoi les autorités
algériennes n’ont-elle pas engagé une action en diffamation devant la justice
française? Ont-elles peur que le procès sur le massacre de Bentalha se
tienne à
Paris où elles auraient à répondre à des questions troublantes, parmi
lesquelles: comment se fait-il qu’une attaque menée par deux cents hommes,
utilisant des grenades et des kalachnikovs, dont les détonations ont été
entendues à dix kilomètres, ait pu durer plus de cinq heures sans que les
forces de l’ordre n’interviennent alors que la région est truffée de casernes?
(Bentalha se trouve au cour de la région la plus militarisée d’Algérie, et
n’est
éloigné de Blida, siège de la 1ère région militaire, que de dix kilomètres.)
Comment se fait-il qu’un groupe de 200 personnes puisse attaquer un village et
repartir en camions sans que le satellite qui surveille Alger et sa région ne
l’ait détecté? Comment se fait-il que, plus de trois ans après le massacre, il
n’y a eu ni enquête, ni instruction judiciaire, ni procès, alors que l’un des
agresseurs a été livré par la population à l’armée? Pourquoi cet assaillant
qui
a participé au massacre de 417 personnes n’a-t-il pas été présenté à la
justice? Pourquoi son identité n’a-t-elle pas été révéléeau public? Comment se
fait-il qu’à ce jour il n’y a pas eu une seule arrestation d’islamistes
appartenant au GIA officiellement responsable de la mort de plusieurs milliers
de personnes? Des questions embarrassantes pour certains responsables, que les
Algériens se posent tout bas et que les autorités cherchent à étouffer,
sachant
que si elles déposaient une plainte contre l’éditeur du livre de Nesroulah
Yous,
ces questions retentiraient dans l’enceinte du tribunal sans qu’elles puissent
y répondre, ce qui leur ferait perdre le procès. Cela remettrait aussi
définitivement en cause la version officielle et augmenterait la pression sur
les autorités pour accepter une commission d’enquête internationale comme cela
a été demandé par les organisations de défense de droits de l’homme, dont
Amnesty.
Ceux qui refusent la version officielle des événements ont des raisons de
douter de celle-ci et ont des raisons pour demander la vérité sur cet
Oradour-sur-Glane algérien, laquelle devra être établie par une commission
d’enquête composée de personnalités algériennes et étrangères
indépendantes. Les
démocrates algériens, appuyés par de nombreuses organisations internationales
de défense des droits de l’homme, intrigués par le refus obstiné des autorités
de donner des informations, leur ont demandé dès le lendemain du drame de
diligenter une enquête de police et une procédure judiciaire, et de permettre
parallèlement à la presse nationale et internationale de rendre compte de ce
qui s’est passé à Bentalha dans la nuit du 22 au 23 septembre 1997. Tant que
cette demande n’est pas satisfaite, les doutes les plus fous seront permis, et
parmi ces doutes celui que les terroristes avaient des complices au niveau le
plus élevé de la Sécurité militaire, qui cherche aujourd’hui à étouffer une
affaire devenue encombrante pour tout le régime.
Lahouari Addi
Professeur à l’Institut d’Etudes Politiques de Lyon

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Jean-Jacques,

Merci de m’avoir transmis le texte en question et de m’avoir proposé de
répondre.

Si tu n’y vois pas trop d’inconvénient, je préfère m’exprimer après , si tu
publies ces textes (la lettre et le pensum).

Après les avoir lus et relus, je les trouve particulièrement odieux et
infects.
Il ne s’agit pas d’arguments mais de provocation et d’outrages aussi bien à
ton
égard qu’au mien, mais surtout à l’égard des victimes directes des massacres
qui ont eu le courage de venir témoigner.

Je tiens, pour tous ceux qui, à juste titre et de bonne foi se posent des
questions, à exprimer mon opinion et à participer à tout débat qui pourrait
contribuer à apporter quelques clarifications. Quant aux personnages dont la
fécondité dans la régression est incommensurable, je n’en ai que du mépris.

Il est vrai qu’à ces derniers les colonnes (et les pages entières s’il vous
plaît) d’une certaine presse qui ose se prétendre démocratique sont largement
ouvertes. Pas un mot dans ces journaux sur les témoignages des victimes,
véritables celles-ci. Et cela malgré qu’elles ont été interviewées!!!

La pensée inique continue à faire des ravages. « Presse qui ment, presse qui
tue » disait Paul Vaillant Couturier. Cela est odieusement vrai dans le cas de
l’Algérie martyrisée et ensanglantée.

Bien amicalement

Simon

 

 

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