Révélations fracassantes du général Attailia

Sur Nezzar, chadli et l’amnistie

Révélations fracassantes du général Attaïlia

K.Selim, Le Quotidien d’Oran, 26 mars 2000

Les langues se délient-elles? Après la polémique Kafi-Nezzar, c’est au tour du général Mohamed Attaïlia de lancer des pavés dans une longue interview

au journal londonien Al Hayat.

Et ceux que la presse a appelés les «janviéristes»- notamment le général Khaled Nezzar- sont sur la sellette, sans oublier le FLN et sa direction issue du complot scientifique qu’il qualifie «d’illégitime».

Sur le fond du problème algérien, le général Attaïlia considère que l’arrêt du processus électoral en janvier 1992 a été la cause majeure de la catastrophe nationale et qu’on aurait pu éviter si on avait laissé les mécanismes institutionnels fonctionner.

Certes, le général Attaïlia considère que l’agrément de partis islamistes a été une grave erreur, mais il a réagi vigoureusement, offusqué même, à la remarque du journaliste selon laquelle il avait le même point de vue que le général Khaled Nezzar. «Je vous prie de ne pas me mettre dans le même sac que le général Nezzar, chacun a sa position. Personnellement, j’ai dit ce que je pensais à Chadli Bendjedid. Je lui avais dit: si tu renonces à l’armée, tu ne resteras pas longtemps après moi. C’est ce qui est arrivé, puisque huit mois après, il est parti». Le général Attaïlia estime que la descente aux enfers de la guerre était évitable. «Ceux qui ont oeuvré à l’arrêt du processus électoral assument la responsabilité. Car cette opération a été à la base de la crise algérienne. S’ils m’avaient écouté à l’époque, on aurait évité la catastrophe. Je leur ai dit qu’il fallait laisser le FIS gouverner dès lors que le président dispose de toutes les prérogatives constitutionnelles pour rétablir les choses en cas de déviation, car il est difficile de porter un jugement sur un parti qui n’a pas gouverné. Un proverbe de chez nous dit: celui qui est loin de la bataille sait comment la diriger. Si on avait donné l’occasion à ce parti, le peuple l’aurait abandonné rapidement car il était porteur de beaucoup de pratiques erronées».

L’ancien inspecteur général aux armées s’est longuement étalé, et pour la première fois dit-il, sur les raisons qui l’ont conduit à démissionner de l’armée et à ses relations conflictuelles avec le général Khaled Nezzar qu’il accuse d’avoir commis un «coup d’Etat blanc» avant sa nomination au ministère de la Défense. Désigné inspecteur général aux armées par Chadli Bendjedid, qui l’a assuré de pouvoir exercer pleinement ses prérogatives et de traiter directement avec lui, il va rapidement rencontrer des problèmes avec le général Khaled Nezzar, alors chef d’état-major. La cause de ce premier différend est qu’à la suite d’une première inspection, il avait transmis son rapport au président de la République avec copie pour le chef d’état-major, lequel n’aurait guère apprécié son contenu. Depuis, les inspecteurs désignés par décision présidentielle ont été empêchés d’accomplir leur travail sans la présence du général Attaïlia, sur la base d’une note émise par le général Khaled Nezzar.

Cette note que Attaïlia qualifie «d’attitude non professionnelle». «J’ai considéré que l’interdiction faite aux inspecteurs désignés par le président de la République comme un coup d’Etat blanc (…). La surprise est que Chadli, malgré cela, l’a désigné ministre de la Défense». Cette désignation est la cause directe de sa démission, car, en tant qu’inspecteur général aux armées, il n’allait plus avoir à traiter avec le président de la République mais avec le ministre de la Défense. Un retrait qui ne découle pas d’une «peur à l’égard de quiconque» mais uniquement du souci de «préserver les intérêts de l’armée».

Après sa prise de fonction, le général Nezzar l’a appelé pour lui demander son avis sur la situation militaire. La réponse de Attaïlia a été de dire qu’en ce qui le concernait «les questions militaires c’était fini. Du moment que tu as été désigné ministre de la Défense, je me suis retiré». Le général Attaïlia a, cependant, consenti à la demande du général Nezzar que son départ se fasse à la suite d’une cérémonie officielle pour que cela ne donne pas lieu à des interprétations nocives pour l’institution militaire. Depuis, ses seuls contacts avec le général Nezzar se limitent aux rencontres lors des cérémonies officielles. Invité à donner son avis sur le livre du général Nezzar, il répond de manière laconique : «Les gens sont connus par leurs racines et non par leurs peaux. Le livre de Nezzar est fait pour le faire connaître. Moi, je n’ai pas besoin de me faire connaître, mes positions sont connues, mes réalisations sont concrètes et cela me suffit».

Sur l’actualité immédiate, le général Attaïlia estime que le président de la République doit prendre une mesure d’amnistie générale car «il n’y pas d’autres voies. Si on le fait, nous réglerons les problèmes à 90 % pour ne pas dire à 100%». Pour lui, ceux qui sont encore au maquis «que ce soit ceux du groupe Hattab ou des autres, ont besoin de garanties que seul le président de la République est en mesure de donner. Je ne pense pas qu’un élément armé puisse prendre des risques s’il n’a pas de garanties concrètes et réalistes qui lui permettent de se réinsérer dans la société». Interrogé sur la réaction éventuelle des familles de victimes du terrorisme, il affirme que lui même en fait partie puisqu’un de ses neveux a été tué et qu’il ne «pouvait être contre» sa soeur. Mais qu’il fallait aller à cette amnistie si l’on veut éviter que le bilan de cent mille morts ne s’aggrave. «Le danger est toujours là, il est quotidien. La trêve a été gelée car elle n’a touché que l’AIS seulement. Et tant qu’elle n’a pas touché les GIA, il est difficile de s’attendre à ce qu’ils se rendent. La trêve doit être générale et l’amnistie doit être générale et juste». Enfin, sur le FLN dont il a fait partie, il estime qu’il n’est plus capable d’assumer un rôle dans l’étape actuelle. «J’ai assisté au dernier congrès du FLN et ce que j’y ai vu m’a convaincu de la nécessité de m’en éloigner. Et je n’avais pas à l’époque l’idée de créer un mouvement». Selon lui, le «complot scientifique» contre Abdelhamid Mehri «était une opération illégale et la direction actuelle est illégitime car elle n’a pas été élue par le congrès».

 

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