Bouteflika rend publique une lettre incendiaire de Hadjar

Bouteflika rend publique
une lettre incendiaire de Hadjar

La Tribune,17 Octobre 1999

Une lettre est parvenue de la Présidence adressée par M. Abdelkader Hadjar, président de la commission des relations extérieures à l’Assemblée populaire nationale (APN), au président de la République. Dès lors que la lettre a trait à des questions sur lesquelles le peuple algérien s’est prononcé en toute transparence et franchise et a exprimé son soutien à la politique du président de la République, il est un devoir de la publier pour enrichir le dialogue et élargir la liberté d’expression. La source de la présidence de la République a ajouté que partant de son respect de la liberté d’opinion et tenant compte de la dernière remarque jointe à la lettre, le président de la République, et prenant Dieu à témoin, se fait un devoir de ne prendre connaissance de cette lettre qu’après sa publication et ce, comme tous les citoyens. Le président de la République ne renie pas ceux avec qui il a partagé, sincèrement et fidèlement, une fraternité et une amitié mais ne se soumet point à la pression ou au marchandage quels qu’ils soient dans la défense des intérêts suprêmes du peuple. Et dès lors que l’amour de la patrie prend source dans l’amour de Dieu, il n’est nullement prêt, ni aujourd’hui ni demain, à se plier à une pression ou marchandage qui pourraient susciter la colère de Dieu et de son prophète outre l’engagement pris vis-à-vis du peuple sachant que l’engagement est une responsabilité à assumer devant Dieu et les hommes conformément à ce qui est stipulé dans la Constitution de la République. Voici la traduction APS du message:

«Au cher frère et honorable ami, Abdelaziz Bouteflika, président de la République, j’ai longtemps hésité avant de vous adresser cet écrit. J’ai hésité aussi quant au style qui conviendrait le plus. Je suis resté déchiré entre l’espoir que je fonde sur vous et le désarroi mêlé à la peur. L’impatience et la nervosité me rongeaient en attendant le discours que vous deviez prononcer aux Nations unies. Mon cour battait de plus en plus fort au fur et à mesure que se rapprochait l’heure du journal télévisé, ce cour souffrant pris d’un malaise à Dubaï depuis quelques mois en route vers Téhéran. Votre marque d’attention et de sympathie furent d’un grand réconfort et, avec l’aide de Dieu, le rétablissement fut prompt. Je craignais une autre crise si jamais vous veniez à lire votre discours en français sous prétexte de faire passer le message africain et conformément à l’adage «parle aux gens dans le langage qu’ils comprennent» tant répété par certains «prodigues de conseil». Voilà que vous prononcez le message de l’Afrique en langue arabe, oui bel et bien en langue arabe, symbole de fierté et de dignité, de puissance et de force, alors que vous représentez notre continent et notre chère Algérie et vous voilà critiquant les artisans de la polarité dominative, la mondialisation injuste, la globalisation arrogante au nom de l’africanisation naissante et de l’arabité prometteuse. Ce cour malade fut vite envahi d’assurance et de quiétude alors que vous vous adressiez à notre communauté établie en Amérique dans un arabe éloquent, débarrassé de tout terme étranger et de toute distorsion. Notre communauté émigrée et américanisée comprenait et applaudissait, quand il le fallait, contrairement à ce qui a été dit sur la société civile en Algérie dont la majorité appartient à l’école algérienne arabisée au lendemain de l’indépendance hormis une minorité étrangère laïque dont les hurlements et les sifflements à la salle Harcha dénotent leur mécontentement et vous en êtes témoin. J’ai remercié Dieu pour ce discours venu me sauver d’une dizaine de positions et de décisions qui me tourmentaient l’esprit jour et nuit. Je réfléchissais à la position à prendre à l’égard d’un frère et ami et ce sentiment de fraternité et d’amitié m’imposait silence et patience. Je demeurais, toutefois, fortement embarrassé par un Président dont le français et les prétextes de son utilisation m’irritaient. Alors je fus amené à lui répondre en toute franchise et sans confusion aucune. Je garde grave dans ma mémoire le discours que vous avez prononcé en français, en 1974, alors président de l’assemblée générale des Nations unies, année où la langue arabe fut proclamée langue officielle parmi les cinq autres langues. Je me souviens que vous faisiez l’objet de critiques acerbes et me souviens des conséquences qui en ont dessoûlé attisant un ressentiment pendant des années. Les jours s’écoulèrent, le rapprochement se substitua à l’éloignement, la fraternité sincère et la solidarité s’installèrent et devinrent un bouclier face à l’ennemi. Je me rappelle aussi que nous avions débattu longuement et pendant des mois, voire des années, toutes les questions principales et secondaires. Il est vrai qu’un autre indice me procura assurance et quiétude. La confiance que je porte en vous fit pencher la balance et dissipa toute appréhension. Il s’agit de votre position courageuse à Tizi Ouzou quand vous avez annoncé haut et fort aux partisans de l’amazighité, cette couverture suspecte de la pérennité du français en Algérie et de la marginalisation de notre langue nationale et officielle comme stipulé dans la Constitution et les lois. Vous aviez répété, à moult occasions, dans vos déclarations et conférences et lors de meetings, que la Constitution et les lois de la République sont le seul juge entre vous et les citoyens. Et la loi relative à la généralisation de l’utilisation de la langue arabe est un de ces textes. Il est donc strictement interdit, à tout responsable et à tous les niveaux, de s’adresser à son peuple notamment à la télévision dans une autre langue que la langue officielle. Mon émotion fut grande face au non-respect de la loi adoptée par l’Assemblée populaire nationale et bloquée par Redha Malek à travers le conseil des janissaires et ce, le jour de l’assassinat de Boudiaf. Elle fut ensuite débloquée par le Kabyle Ahmed Ouyahia et Zeroual le chaoui et son application devint alors un fait accompli. Mon émotion fut aussi grande en voyant que cette violation émane de M. Abdelaziz Bouteflika, l’arabe authentique, fortement imprégné de la langue et de la littérature arabes. La vérité est que l’Algérie a surmonté son problème linguistique et s’est débarrassée de ses complexes avec le temps à travers l’arabisation de l’esprit et de la langue des générations montantes estimées aux quatre cinquièmes du peuple. Le travail, le traitement et l’enseignement en langue arabe sont devenus chose courante, les partisans de la francophonie se sont tus et leurs rêves se sont dissipés jusqu’à notre grande surprise en voyant le président de la République reposer la question à l’opinion publique sous une nouvelle forme encourageant les francophiles. Pire encore, il brisa les tabous du «sous-développement» et se lança dans la provocation, l’accusation et l’offense de ceux qui ont brandi haut le slogan de la défense de la langue arabe. Ces derniers furent accusés de faire des constantes un fonds de commerce. Les francophiles revinrent sur scène et les médias français qui, hier seulement, s’attaquaient au Président l’encouragèrent avec ferveur à s’adresser à ses citoyens dans une langue autre que la langue officielle. Les prétextes furent nombreux dont l’ouverture sur les langues et les cultures comme si l’école algérienne était réellement fermée sur elle-même. C’est cette école qui dispense le français à tous les élèves en quatrième année primaire, et l’anglais à partir de la huitième année fondamentale en leur consacrant près de trois mille heures d’anglais durant tout le cycle scolaire. Mais, la régression s’installe, toutes les correspondances, les réunions et les déclarations se font alors en langue française, y compris au sein de l’institution présidentielle symbole de souveraineté et d’indépendance. Certains convoiteurs de «portefeuilles ministériels» s’affichent à la télévision dans une tentative de se faire remarquer par le Président et attirer son attention sur leur français gaulliste et se faire distinguer des défenseurs «batistes» qui sont loin de la modernisation et du civisme. Cher frère, monsieur le Président, ces derniers mois, j’ai été, sur le plan psychologique, déchiré entre l’espoir que je fonde sur vous en tant que président de la République et ce que vous vous apprêtiez à entreprendre pour faire face aux grands maux dont a souffert notre cher pays, Puisse Dieu guider vos pas vers la sortie du tunnel ténébreux, les problèmes s’y sont enchevêtrés, les ennemis se sont multipliés, les piliers se sont effondrés, les sources se sont taries, les sentiments de haine se sont envenimés, les principes et les valeurs ont été piétinés, les croyants et les impies se sont alliés, les flatteurs et les entremetteurs ont crié victoire, l’élite s’est pervertie, les politiciens et les dirigeants ont été frappés par le malheur du pays, la production n’avait pas de place sur les marchés du monde durant ces années difficiles où tant de sang a coulé, et entre cette perplexité teintée par le doute à propos de la relation qui me lie à vous, loin de toute convoitise ou ambition de pouvoir. Ma perplexité s’est alors exprimée comme suit: est-ce que si Abdelaziz est encore un ami sincère, un frère affectueux et loyal, un camarade chaleureux, une oreille attentive ou bien a-t-il changé? Ce qui nous liait était un amour basé sur une pureté au-dessus de toute convoitise ou cupidité. Nous avons parlé ouvertement et franchement de situations et de gens et nous nous sommes révélés des secrets tout en s’en gardant de les divulguer afin de les préserver des réprobateurs et des délateurs ainsi que des ennemis et des rivaux. En ce temps-là, alors que notre relation se consolidait, nous ne pouvions pas prévoir que vous accéderiez à la Présidence et que notre relation souffrirait d’hypocrisie ou de flatterie ou de toute autre chose susceptible d’altérer notre relation. Cher frère, monsieur le Président, quelle fut votre joie ce jour de voir cette relation se conforter après les malentendus et l’incompréhension qui l’ont altérée pendant les années 70 au sujet d’une question essentielle dans notre pays, à savoir la langue arabe. Il aura fallu des années de dialogue pour que nos avis convergent.Nous étions d’accord la plupart du temps. J’étais convaincu que vous aviez rallié mes positions, mes principes et mes convictions parce que vous étiez animé par une conviction profonde, vous vous êtes assuré de ma personnalité avec ses «défauts, ses aspects négatifs et son appartenance bédouine» qui peut être bienveillante si elle perçoit de la sincérité et de la loyauté. Mais elle peut aussi devenir agressive et même impulsive si elle est victime d’une injustice, d’une offense ou d’une humiliation ou si ses principes sont bafoués. Elle ne craint ni menace ni représailles et rien ne peut la détourner de ce qu’elle croit être la vérité afin de servir les principes dont elle s’est imprégné et pour lesquels elle a payé un lourd tribut pendant plus de 40 ans, une personnalité qui est restée telle quelle, et qui ne s’est pas vendue sur le marché de l’asservissement politique guidée par un instinct porté naturellement vers le bien, la sincérité et la loyauté, et qui se refuse à troquer les consciences contre des futilités et à bafouer l’honneur de la mission qui lui incombe par la convoitise des postes.Cher frère et Excellence, permettez-moi de revenir brièvement au jour où vous m’avez reçu en votre domicile et m’avez informé de votre lecture intelligente de ma déclaration de presse sur les attaques de Khaled Nezzar à votre encontre.Vous m’avez ce jour informé de votre intention de vous porter candidat aux élections présidentielles anticipées. Vous vous rappelez alors des questions successives que je vous ai posées: quelle est votre position à l’égard de la crise sanglante? Vous m’avez alors répondu que vous étiez pour la réconciliation et non pour l’éradication tout en expliquant cette position. Quelle est votre position vis-à-vis du FLN? Vous m’avez répondu que vous étiez son fils et seriez très heureux s’il cautionnait et soutenait votre candidature.Quelle est votre position à l’égard de la langue arabe? Votre réponse était: c’est la langue nationale et officielle et rien d’autre. C’est alors que nous nous sommes serrés la main et avons convenu de commencer le travail. Nous avons été à vos côtés lors de cette difficile et féroce campagne. Dieu est témoin et vous êtes témoin que je n’ai ménagé aucun effort et que j’ai été aux premiers rangs pour faire face à toutes les situations et déjouer les différentes manouvres. Vous avez alors qualifié cette modeste contribution «d’artillerie lourde». Quel fut mon bonheur quand vous m’avez fait l’honneur, lors d’un dîner avec les paysans, de me dire devant les témoins la reconnaissance d’El hadja votre mère et de M. Mohamed Masmoudi pour l’affrontement que j’oppose à vos adversaires à la télévision, contrairement à ce que vous affirment certaines parties tendancieuses. Dieu merci, j’ai fait ce que j’ai fait sans demander un poste ou une fonction dans votre permanence tout comme je n’ai émis, après votre succès, aucun souhait ni demande et je n’ai jusqu’à présent aucune visée sur un poste ou autre. Je considère ce que j’ai fait comme un devoir que j’ai consciencieusement accompli envers un frère et ami et envers mon pays. Je me rappelle vous avoir rétorqué plus d’une fois, alors que nous abordions des thèmes divers, est-ce une révélation divine ou une opinion? Je vous exprimais alors mes opinions, qui étaient parfois convergentes et d’autres non.Vous les acceptiez de bon cour et preniez en considération ce que vous jugiez bon en m’expliquant, avec preuves et arguments, vos points de vue que j’acceptais et dont je suis convaincu.Cher frère, monsieur le Président, permettez-moi de vous formuler les raisons de ma déception face à vos déclarations et positions et qui expliquent mon hésitation tout le long de ces mois à en parler au grand jour, d’autant qu’il s’agit de questions où il faut prendre position et acquitter sa conscience devant Dieu et l’histoire. Je suis un homme influent sur la scène politique et médiatique et appartiens, depuis ma jeunesse, à un parti dont la devise est un honneur et une fierté. Un parti des principes duquel je me suis abreuvé en pleine révolution et dans les geôles. Un parti dont j’ai vécu l’évolution depuis l’indépendance, sans que je change en aucune circonstance. Bien plus, j’ai toujours exprimé mes opinions avec courage et témérité. Des positions qui m’ont coûté cher plus d’une fois et auxquelles je n’ai jamais dérogé. Je citerai ces raisons à commencer par la moindre:Je vous ai soutenu dans votre campagne électorale dès le début, alors que mon nom et ma réputation avaient un poids sur la scène politique et médiatique après la campagne que j’ai menée contre Mehri et ses partisans. Je vous ai soutenu également dans la campagne farouche contre le programme d’Ouyahia et ses opérations de fraude qui ont entaché les élections législatives et locales. Sans parler du combat décisif que j’ai mené contre Bensalah lorsqu’il a voulu avoir mainmise sur mes prérogatives et attributions de président de la commission des Affaires étrangères. Je lui ai porté le coup de grâce avec l’amendement du règlement interne et ce, grâce à l’adhésion de tous les groupes parlementaires, y compris les députés du RND contre leur président de l’époque. Ce jour-là, j’étais une vedette sur les chaînes de télévision nationale et internationales. Et voilà que vous me surprenez un jour en me demandant, alors que nous sommes chez vous, «de rester à l’écart durant cette période». Chose qui m’avait étonné d’autant que je menais des combats ouvertement. Le plus étrange, c’est que M. Boualem Benhammouda m’avait dit la même phrase après que nous l’ayons nommé au poste de secrétaire général du parti. J’ai failli vous répondre méchamment mais je me suis rétracté tenant compte de la difficulté du combat que nous menions ensemble et votre réplique a laissé une profonde blessure dans mon cour, mais je ne l’ai révélé à personne. Et j’aimerai tant obtenir un jour une explication si Dieu veut qu’on se rencontre à nouveau. Après votre élection et la cérémonie offerte en hommage à ceux qui ont aidé ou participé à la campagne électorale, j’ai été surpris de ne pas avoir été invité à la célébration de votre succès qui a vu la participation de presque tout le monde. J’ai tu alors ma peine et ma déception tout en essayant de trouver une explication, mais combien inacceptable.Vous avez accédé au pouvoir au moment de la préparation du sommet de l’OUA et vous avez décidé d’envoyer des émissaires aux chefs d’Etat africains et arabes. Et voilà que je constate que Abdesselem Belaïd qui déclarait avec une grande audace à la télévision que Bouteflika ferait mieux de se retirer, sans parler des attaques dont vous avez fait l’objet dans son livre, est chargé de mission de votre part. Redha Malek qui vous a attaqué dans une émission télévisée a été également votre émissaire et vous avez salué en lui l’homme moderne, lors de meetings (grâce à Dieu, la salle Harcha en est témoin), sans oublier Ahmed Ouyahia qui était le candidat de Zeroual et d’une partie de la direction militaire, à l’élection présidentielle. Vous vous souvenez des discussions qui ont eu lieu entre moi et deux généraux influents sur son éventuelle candidature et dont je vous ai fait part. Vous vous souvenez également comment je les ai menacés de présenter, devant l’Assemblée populaire nationale, le rapport sur la fraude aux élections locales dont Ouyahia était l’artisan du scandale électoral et qui a quitté le gouvernement par la petite porte. Voilà qu’il devient votre envoyé spécial aux présidents africains et qu’il négocie, en votre nom, la crise dans la Corne africaine. Je n’ai aucune objection que mon frère et ami Boualem Bessaih, président de la commission des Affaires extérieures dans une institution parlementaire, soit votre envoyé dans certains pays africains alors que j’occupe un poste similaire et ma relation avec vous est plus forte et plus solide et mon rôle lors de votre campagne plus efficace et plus évident. Je m’attendais à ce que vous m’honoriez en me chargeant de transmettre une lettre ou deux au moins aux pays arabes et africains, mais j’étais le grand absent. Le journal Liberté, bien que n’étant pas d’accord avec moi, s’est interrogé dans son radar: et Hadjar dans toutes ces mission?4- Vous vous souvenez certainement du jour où vous m’avez demandé de préparer le projet de communiqué d’ouverture de votre campagne électorale et je vous avais prié, maintes fois, que l’on travaille ensemble, que vous me faites part des axes et sujets que vous voulez y introduire. Mais vous m’avez permis de le rédiger sans discuter. Je m’y suis exécuté et j’ai rédigé ce qui me semblais être une déclaration électorale qui s’adresse à tous les électeurs, toutes catégories confondues, posé leurs problèmes, analysé leurs situations et proposé les solutions efficaces. Au cours de la rencontre que nous avons eue, chez vous, vous m’avez informé de l’existence de plus d’une dizaine de projets de discours en langue française. Nous les avons passés en revue et lus et vous avez retenu le projet que j’ai préparé pour sa globalité, sa force de proposition et sa structure solide. La discussion s’était limitée sur la longueur du texte et la durée qu’il requiert pour sa lecture. J’y ai introduit les amendements que vous désiriez, avec vous, par quatre fois. Mais quelle ne fut ma surprise, le jour de l’annonce de votre candidature, à l’hôtel Aurassi, en constatant que vous lisiez un discours autre que celui que nous avons passé des heures à mettre au point et à peaufiner.Ma venue à Tiaret pour vous accueillir se voulait, monsieur, un hommage rendu à un honorable frère, un gage d’amitié et le témoignage du respect dû à un chef d’Etat par un député. Mais hélas, vous n’avez pas tenu compte du verset coranique «Si vous êtes salué […]» alors que les tributs de «kraiche» se pressaient et à leur tête les notables de Ouled-Meddah, pour vous souhaiter la bienvenue. En fait, votre attitude à mon égard dans ma wilaya et parmi les miens auprès desquels je jouis de tous les honneurs, car issu d’un honorable lignage, a été un coup assené à ma personne. En fait, nul doute que c’est le fait du sceptre du pouvoir qui ne tient pas compte de certaines valeurs et coutumes même lorsqu’il s’agit de frères ou d’amis intimes. Moi l’homme arabe qui ne peut accepter l’injustice, que puis-je dire et que puis-je faire en cette étape sinon que : «Dieu est mon soutien, y a-t-il meilleur soutien que lui», ou encore ce qu’a dit le poète: le tort que nous causent nos proches est plus dur que le plus tranchant des sabres. Cependant, les raisons citées plus haut en partant du moindre, s’avèrent secondaires par rapport à votre position à l’égard de la langue arabe et de ses partisans. Je me considère, en toute humilité, comme l’un des plus fins connaisseurs du problème de l’arabisation et de sa complexité aussi bien en Algérie que dans d’autres pays arabes. J’estime aussi avoir posé ce problème de manière scientifique, progressivement, en tenant compte de la situation du pays. J’ai présidé une commission nationale composée des meilleurs et des plus compétents hommes de pensée et de culture dans tous les domaines. Nous avons mené des études traitant de tous les aspects scientifique, psychologique, et sociologique de la question. Je vous en ai fait part avec force détail et précision. Croyant que votre position a changé et suivi le développement qui a eu lieu au fil du temps dans notre pays, et le développement des idées, des positions et des thèses, nous nous sommes dis: Dieu a fait don à l’Algérie d’un Président maîtrisant à merveille la langue arabe et qui en est épris, a la faveur de son contact avec les arabes et l’arabité au cours de sa traversée du désert. Loin du pays, il observait et suivait la situation de son peuple et sondait l’ampleur des mutations intellectuelles et linguistiques qui s’y sont opérées durant les vingt dernières années. Des millions de jeunes ont été formés en arabe. De la génération des anciens francophones qu’il connaît et qui, en majorité, ne lui étaient pas fidèles et reniaient son intégrité, il n’en reste qu’une infime minorité prise d’indolence, ou refusant d’emboîter le pas à l’arabisation. Les hommes qui en sont issus ont, dans leur majorité, atteint l’âge de la retraite. Le plus étrange alors que nous sommes encore envahis par la joie de voir notre frère et ami Abdelaziz accéder au pouvoir après cette campagne acharnée qui l’a pris pour cible en tant que personne, tendance et partie, les ténors de la francophilie, ses écrivains, ses plumes, ses journaux, étaient les instruments de dénigrement et des mensonges à son encontre. Nous étions heureux de cette grande victoire, mais quelle fut grande ma surprise lorsque j’ai entendu le Président dire, alors qu’il recevait les étudiants à l’occasion de la journée de l’étudiant, le 19 mai, avec l’assurance de celui qui détient la vérité absolue: il n’y a ni problème linguistique, ni culturel, ni civilisation en Algérie, il y a une lutte pour les postes et il y a que certains veulent faire de la question de l’arabisation un fonds de commerce. Quelle déception. La position du frère Bouteflika, non le Président, n’a pas changé d’un iota depuis les années soixante-dix lorsqu’il prononça devant des étudiants à l’époque le même discours avec, cependant, une petite différence: il s’était adressé à ces étudiants en langue française alors qu’il s’est adressé le 19 mai dernier à ses partisans en langue arabe. Mais ce fut le même contenu avec la même dureté de ton, la même discordance et les mêmes conceptions à propos du progrès scientifique et sa relation avec les langues étrangères. Il n’est pas sans savoir que la langue anglaise est la langue officielle et la langue d’enseignement du primaire à l’université au Nigeria, que la langue française est la langue officielle et la langue d’enseignement au Sénégal. Et c’est le cas pour d’autres pays africains et asiatiques. Hélas, cela n’a pas fait d’eux des pays développés. Au contraire, ces pays n’ont pas avancé d’un pas. Alors que des pays comme la Chine et le Japon ont enregistré des avancées remarquables avec leurs langues qui ne sont pourtant pas des langues vivantes. Prenons l’exemple de l’Algérie. L’Algérie a choisi, depuis l’indépendance, la langue française comme outil de travail. Des secteurs sensibles, tels la santé, l’industrie, l’économie et les finances n’ont encore pas à l’heure actuelle été concernés par l’arabisation. Et nous voyons l’état de détérioration dans lequel ils se trouvent. Permettez-moi monsieur de vous inviter à vous ouvrir sur les langues. Prenez la décision d’introduire, à partir de la prochaine rentrée scolaire, l’enseignement de laangue anglaise à partir de la première ou de la deuxième année élémentaire et vous nous verrez les premiers à défendre cette décision. Mais ne nous parlez pas des langues au pluriel alors que certains veulent seulement la langue française, avant la langue arabe et à son détriment. Si c’est ce qu’ils veulent alors nous les combattrons avec toutes nos forces. Dès lors vous serez contraint de substituer au slogan de votre campagne électorale «pour une Algérie forte et digne» n’importe quel autre slogan qui traduirait la dépendance d’un peuple qui importe sa nourriture, sa langue, sa culture, son mode de pensée et de gouvernement ainsi que ses lois, de son ancien colonisateur alors qu’à la tête du pays se trouve l’un des premiers moudjahidine qui ont été les artisans de la lutte qui a chassé, par les armes et grâce au martyre d’un million et demi de chouhada et les sacrifices de tout un peuple, ce même colonisateur. Nous sommes prêts à vous soutenir dans toutes vos entreprises, pas seulement en ce qui concerne la question de l’arabisation, en tant que citoyens à part entière et ce, en vous prêtant main forte si votre démarche est juste, en redressant les choses si votre démarche ne l’est pas et en contrôlant votre application des lois et de la Constitution dont vous êtes le garant. Admettons un instant que nous ne sommes pas des citoyens qui rêvent de droits mais des concitoyens qui vous sollicitent simplement pour vous adresser à eux, si c’est à eux que vous vous adressez, dans leur langue nationale officielle, une langue simplifiée, loin de la rhétorique sans puiser dans les dictionnaires la langue de «Chanfara» puis l’on vient vous dire que votre belle langue est incomprise et que votre société civile vous comprend parfaitement quand vous lui parlez en langue française. Vos citoyens et non vos sujets dans les zones rurales et les villes intérieures vous comprennent parfaitement quand vous vous adressez à eux dans leur langue et vous avez constaté cela lors des meetings. L’adhésion dénotait la compréhension et l’assimilation de ce que vous disiez en arabe authentique et rarement vous faisiez recours à un proverbe populaire ou une anecdote en dialecte. Et avec un peu de courage, je dirai monsieur, soyez le Président de tous les Algériens et non le Président d’une catégorie francisante de la capitale. Oui cher frère et Président auguste, le jour où vous aviez reçu les étudiants lors de la célébration de la journée de l’étudiant et vous nous aviez lancé une étincelle, ce fut le jour où a été publié un entretien que j’ai accordé à l’hebdomadaire El Ahdath et sur quatre pages entières défendant Bouteflika, le bien-fondé de son succès, le caractère global de son programme et critiquant sévèrement ses adversaires et ceux qui semaient le doute autour des résultats de son élection. Cela signifie que je vous remercie et fais votre éloge le matin et vous m’insultez, et mes camarades, le soir et m’accusez de faire de la question sacrée de l’arabisation un fonds de commerce. Puis vous poussiez le bouchon plus loin en critiquant toute personne qui a osé attirer votre attention ou prodiguer un conseil même fraternellement en martelant que vous n’acceptez conseil de personne. Cher frère, monsieur le Président, ne soyez pas, monsieur, outré si je vous disais que le conflit culturel, linguistique et civilisationnel existe, il est complexe, suscite moult appréhensions et traduit ce que vous avez déclaré et que les causes de la crise actuelle sont nées d’un conflit civilisationnel entre partisans d’une Algérie arabe musulmane et partisans d’une Algérie laïque occidentalisée et dont les racines remontent au mouvement national et dont les marques se sont manifestées lors du congrès de la Soummam. Et voilà les déclarations de Ali Kafi et Ahmed Mehsas, meilleur témoin, c’est un conflit d’identité, de la nature de l’Etat algérien et du projet de société. Les dangers de ce conflit se sont concrétisés dans la mouvance islamiste qui a eu recours aux armes durant plus de huit ans pour la revendication d’un Etat islamique. C’est une approche civilisationnelle et de foi pour faire face aux partisans de l’Etat laïque. Elle considère que l’Etat fondé par le Front de libération nationale est un Etat laïque, voire communiste. Et celui qui porte les armes, tue, combat et se fait tuer vous le considérez comme quelqu’un qui fait des constantes nationales un fonds de commerce.Il est une autre preuve: les partisans de la langue berbère ont plus d’une fois brûlé totalement des villes et des villages au nom de leur revendication à officialiser le tamazight, comme ils ont boycotté l’école durant une année entière, ont-ils besoin de postes? Les militants du mouvement d’arabisation ont porté leur cause dans la rue dans une immense manifestation en 1970 paralysant le système éducatif et les universités des mois durant au début de l’ère Chadli. La commission nationale était alors le fer de lance du combat contre les partisans de la francisation et de l’occidentalisation, cette rude bataille fut-elle pour des postes de responsabilité? Nullement, il s’agissait d’un conflit âpre, sensible et complexe, une lutte pour la survie, non pour des intérêts. Je vous rappelle, monsieur le Président que j’étais ambassadeur à Damas avec un salaire important en devises, mais quand le débat sur la loi de l’arabisation fut lancé à l’Assemblée populaire nationale (APN) en 1991, j’ai sollicité l’autorisation du président Chadli, payé le billet d’avion avec mes propres moyens et regagné l’Algérie pour participer à tous les débats sur la loi de l’arabisation, je n’ai quitté les lieux qu’une fois le texte adopté. Nous sommes les partisans d’une cause et non des amateurs de postes. Aujourd’hui et grâce à Dieu, je suis heureux d’être député à l’APN et président de la plus importante commission qui m’a permis de hisser très haut l’emblème national, de le protéger des attaques féroces lancées par l’Amérique et l’Europe, de faire face aux organisations non gouvernementales (ONG), de négocier avec le Parlement européen, d’apporter la victoire à l’Algérie, de lui éviter le danger de la commission d’enquête internationale et des rapporteurs spéciaux et de me battre contre les Européens au sujet du partenariat pour préserver les intérêts de l’Algérie. En plus de ces activités sur le plan international, je n’ai cessé de réagir avec vigueur dès qu’une question interne était entravée ou que l’on y portait atteinte. Pour cela il ne s’agit nullement de marchandage avec les principes ou de course pour les postes, c’est en fait une conviction profonde, d’une lutte véritable et d’un attachement désintéressé à un principe qui ne peut faire l’objet de marchandage.Je vous apporte, Excellence, comme vous le voyez des preuves et des arguments et je ne veux nullement, à travers cela, réfuter vos points de vue mais il ne s’agit là que d’un exposé succinct qui aiderait quiconque en quête de plus amples informations et précisions. Si je me mettais à étaler ce que je possède comme informations et comme preuves à ce sujet, cela prendrait des centaines de pages. Mais laissez-moi pour clore ma plaidoirie en faveur de l’arabisation vous emprunter une de vos phrases que vous répétez souvent et qui est «de grâce ne faites pas ceci ou cela». Je dirais à votre Excellence et fraternellement de grâce n’ouvrez pas ce dossier, celui de l’arabisation dans lequel le temps, la loi et la constitution ont déjà tranché et dont les problèmes ont été résolus par les générations des écoles arabisées. N’allez donc pas ouvrir un dossier dont vous pouvez vous passer, et ne créez pas de différends avec les gens en général et avec les amis en particulier, des différends dont vous vous passerez volontiers en cette conjoncture délicate que traverse le pays. Vous êtes engagé et êtes contraint de réaliser la concorde entre les Algériens et non d’attiser les feux de la discorde sur des questions sensibles, épineuses et dangereuses. Cependant, le sujet qui me rend de plus en plus sceptique c’est celui des juifs. Nous pourrions vous trouver des explications ou encore des justificatifs par des positions algériennes dans la question de la francisation et de l’arabisation et pourrions mettre cela sur le compte de l’habitude et de l’accoutumance. Mais nous sommes surpris d’entendre notre Président nous réciter le livre des juifs à Constantine et saluer leur rôle dans la culture algérienne à travers les époques comme s’il voulait nous préparer à quelque chose comme par exemple au retour des juifs d’Algérie alors qu’ils se sont enracinés, naturalisés et sont devenus des colons et des colonisateurs depuis 1871 et ont accompli avant cette date des rôles abjects pour la colonisation de l’Algérie et scellé eux-mêmes leur sort en emboîtant le pas aux Français quittant l’Algérie au lendemain de l’indépendance. Quelle est donc la raison? Et à quelle occasion? Et quel est donc l’objectif de poser la question des juifs en ce moment précis? En quoi cette question nous profiterait-elle pour résoudre la crise en Algérie? Cette crise pour laquelle vous usez de votre poids, de votre poste et de votre expérience avec à vos côtés les institutions de l’Etat et la classe politique afin de mettre fin à la violence entre les Algériens. Bien mieux, vous faites face à un mouvement islamique armé qui tue ses frères arguant du fait qu’ils sont laïcs ou apostats, vous leur tendez la main du pardon en dépit des crimes qu’ils ont commis afin qu’ils acceptent de vivre aux côtés des laïcs et de ceux qui vivent à l’occidentale parmi leur peuple et avant même qu’ils ne se rendent et que la guerre cesse, vous les surprenez et nous également en évoquant les juifs et la possibilité de leur retour. Nous étions incrédules, alors que nous entendions pour la première fois un responsable algérien d’une telle trempe et d’un tel pouvoir nous parler des juifs et des chrétiens dans notre pays -comme s’il ignorait la parole de Dieu le Tout Puissant, à ce sujet «ni les juifs, ni les chrétiens ne seront jamais satisfaits de toi, jusqu’à ce que tu suives leur religion»- jusqu’au jour où nous vîmes notre Président au Maroc briser le plus grand des tabous et braver le plus grand des interdits en serrant la main au sanguinaire de Sabra et Chatila, Ehud Barak et à ceux qui l’accompagnaient parmi les spoliateurs de la terre martyre de Palestine, les exterminateurs de son peuple frère et des colonisateurs de territoires arabes.Quelle nouvelle catastrophique, quel malheur l’on a dit, ô terre, absorbe ton eau, toi, ciel, cesse de pleuvoir, vous, étoiles, disparaissez et toi Hadjar et compagnons de Hadjar immolez-vous dans la rue à la manière bouddhiste en signe de protestation contre cette maudite poignée de main et cette désastreuse rencontre. Mais nous n’avons pas invoqué Dieu pour que coule l’eau et se déploient les étoiles. Nous avons recouru à beaucoup plus simple, à savoir l’annonce d’une position en réponse à une question de la chaîne El Djazira ne dépassant pas trois minutes avec toute la galanterie et la réserve voulues loin de toute dénonciation ou recrudescence. j’ai dit, en substance, que la rencontre était une surprise et elle l’était. J’ai souhaité qu’elle fut le fait du hasard et non le fruit d’un accord ou d’une préparation. J’ai rappelé la position du Président en Suisse quant à la paix au Moyen- Orient. Et j’ai dit que nous appartenons à la génération qui a été élevée dans l’idée qu’Israël est une entité implantée dans le corps de la nation arabe et j’ai espéré que le Président nous en informe dûment à son retour du Maroc. En effet, il a affirmé, à plusieurs reprises, que la rencontre avec les tribus d’Israël était un hasard, qu’il était dans une position pas enviable et qu’il a rendu le salut lors d’un cortège funèbre. Il a réitéré sa position qui est conforme aux positions fermes de l’Algérie sur le conflit au Moyen-Orient. Sa réponse était réconfortante et satisfaisante. Je n’ai plus jamais évoqué la question de la poignée de main avec Barak dans aucun entretien à l’intérieur du pays ou avec la presse étrangère. Le plus étrange est que cheikh Nahnah a exprimé sa position à partir de Rabat à la chaîne El Djazira alors qu’il était membre de la délégation qui a accompagné le Président aux obsèques du Roi tout comme Abdelaziz Belkhadem qui a exprimé sa position la même soirée à la chaîne MBC. Mais j’étais le seul à subir les foudres de la critique. Le lendemain du retour du Président du Maroc j’ai rendu visite à mon ami Rachid Aïssat à qui j’ai résumé ma déclaration à la chaîne El Djazira. Le climat était amical et dénotait de l’absence de réaction négative de la part du Président, ce qui m’a encouragé à rencontrer Saïd Bouteflika en tant que canal approprié et sincère pour transmettre mes préoccupations et mes idées à monsieur le Président. Il semble que j’ai labouré dans la mer et que j’ai récolté la tempête. Ce qui m’a consolidé dans ma conviction au sujet de cette poignée de main est le fait que les médias officiels algériens n’ont ni mentionné ni montré l’image ou le contenu de cette rencontre avec Barak, ce qui signifiait qu’elle n’était pas objet de réjouissance. Mais les médias francophiles «indépendants» ont salué cette poignée de main. Les micropartis laïcs ont rendu hommage, cautionné et encouragé les relations avec Israël alors que les partis des courants national et islamique ont émis des réserves de différentes manières.Les délateurs tendancieux et nourrissant des convoitises que le Président a maudit en public lors des meetings télévisés vous ont, sans doute, donné une idée déformée du petit et maigre entretien que j’ai accordé à la chaîne El-Djazira. Ils vous ont certainement rappelé l’attitude de son émission Bila Houdoud quand vous étiez candidat à la Présidence. Mais ils ne vous ont certainement pas rapporté le contenu de l’entretien que j’ai accordé à la chaîne BBC, suite à celui d’El Djazira, dans lequel j’ai défendu la politique intérieure et extérieure du Président et répondu avec force aux critiques adressées sous forme de questions pièges, bien sûr qu’ils ne l’ont pas fait. J’ai également fait une déclaration à la chaîne d’Abou Dhabi et accordé un entretien à la chaîne égyptienne Nile TV dans lesquels j’ai salué les résultats du référendum. Les délateurs ont, sans nul doute, passé sous silence ces deux déclarations jusqu’au jour où vous avez fait allusion à moi dans un meeting à Tiaret en évoquant les chaînes étrangères hostiles. J’ai compris alors que les délateurs maudits par le Président ont réussi à creuser le fossé entre lui et un ami proche qui ne lui jette pas des fleurs peut-être mais ne le trahit pas et ne le déçoit pas dans les moments difficiles quand il a besoin de son «artillerie lourde» comme il se plaisait de le dire pour qualifier mes positions. Un ami qui fait preuve de disponibilité et de soutien quand il fait appel à lui. Pour revenir à la chaîne hostile, vous vous souvenez, monsieur le Président, qu’après ce qui s’est passé avec l’émission d’El Djazira, vous m’avez envoyé Rachid Aïssat me demandant d’écrire un article sévère critiquant cette chaîne. J’ai donc écrit un long article contre El Djazira où j’ai accusé ses responsables d’agents du sionisme qui se sont formés dans les coulisses de la chaîne Radio Londres de la BBC, j’ai malmené le journaliste Ahmed Mansour et je vous ai envoyé l’article que vous avez lu et approuvé et demandé à le publier sous le pseudonyme que vous avez voulu. Mais l’article n’a pas été publié et, jusqu’à présent, je ne sais pas qui était derrière cela. Je me suis proposé, par la suite, à participer à l’émission El Itijah el-Mouakis de la même chaîne. Après cet incident, vous m’avez encouragé à participer à cette émission diffusée à partir de Bruxelles le 13 avril, à la veille de l’élection présidentielle, face à un des grands défenseurs du mouvement islamiste, le Dr Ahmed Ben Mohamed, un des signataires du document de Rome, qui a eu le soutien des sympathisants islamistes qui sont intervenus par téléphone à partir de plusieurs capitales occidentales et arabes et même de l’Algérie à propos d’un seul et unique sujet, celui de la candidature de M. Abdelaziz Bouteflika, et ce, sans répit durant deux heures. Les questions affluaient, les critiques aussi, contre vous, contre votre candidature et le soutien de l’armée, contre moi aussi. Mais j’ai su faire face et me défendre et je suis sorti, Dieu merci, gagnant de cette bataille en soutenant un ami et un frère cher à mon coeur.Je n’ai ni jeté l’éponge ni fui la confrontation comme l’a fait votre nouvel allié, votre hôte et votre invité honoré au premier rang de vos meetings, M. Redha Malek avec la chaîne El-Djazira lors de la même émission «contresens» et avec Abou Yahia Zakaria de Stockholm et Ayoub de Londres qui se sont opposés à moi par téléphone. Ces mêmes personnes auxquelles j’ai tenu tête pour vous défendre sont ceux-là mêmes qui ont contraint Redha Malek à fuir l’émission sans même défendre sa personne. Qu’aurait-il advenu de lui s’il avait comme moi défendu autrui? Qu’est-ce que ces mouchards ont fait dans votre combat comparé à ce que j’ai fait sans contrepartie ni gratitude. Qu’ils soient maudits. Comment ont-ils pu, en si peu de temps, transformer les relations d’amitié intime que j’entretenais, en animosité. Cher frère, monsieur le Président, j’aurais aimé ne pas me trouver encore une fois, après l’affaire des années 70, dans une position de résistance ou d’intransigeance. Cette époque avait ses raisons. Aucune relation ou contact n’existaient alors entre nous et cette amitié intime et fraternité qui nous ont liés plus tard n’étaient pas encore nées. Nous n’avons jamais été aussi près l’un de l’autre comme nous l’avions été lors des dernières élections présidentielles. Ceci fut à mes yeux la plus grande des épreuves et la meilleure preuve de la sincérité des relations, de la solidité des rapports, de la force des positions et de la noblesse des objectifs. Mais, j’ai été extrêmement consterné de vous voir adopter publiquement votre position vis-à-vis de l’arabe et des arabophones et ces jugements iniques à l’égard de ceux qui ont défendu la langue arabe à l’ère de la francisation et de l’occidentalisation. J’ai été atterré par les jugements sévères portés contre nous comme des coups successifs assénés à celui qui à milité avec dévouement et inlassablement pour son pays et sa langue pendant quatre décennies et à ce cour qui, empreint de l’arabité de l’Algérie et du respect de sa nation pour laquelle il a souffert au point de faire un malaise qui a failli lui être fatal ce ne fut la clémence de Dieu. Ce cour est à présent vulnérable. Il ne supporte plus comme avant les coups de ceux sur lesquels il a fondé ses espoirs pour que se concrétise la fierté et la dignité qui sont également dans la place dont doit bénéficier la langue arabe, l’un des symboles de ce pays et lien solide entre les ancêtres et les héritiers. Cher frère, Excellence, permettez-moi de dire à votre Excellence que les sentiments que véhicule cette lettre du 20 septembre, écrite immédiatement après votre discours en langue arabe aux Nations unies, m’ont encouragé à m’adresser à vous directement sans intermédiaire. Mais le coup que vous m’avez assené à Tiaret provoqua une profonde blessure et suscita une décision résolue. Votre hommage rendu aux juifs à New York m’a révolté. La menace brandie par une partie agissante au sein du pouvoir m’a amené à prendre position sur les ondes de la radio nationale qui n’est nullement une chaîne étrangère ennemie. Loin de moi l’idée de me justifier ou de m’excuser, je suis responsable de mes faits et dires. L’entretien à la radio nationale fut une sorte de débat intellectuel et politique au sujet de plusieurs questions parmi celles que vous avez abordées, selon les règles de la bienséance, sans démesure aucune et conformément aux libertés que confèrent le multipartisme et la liberté d’expression. Toutefois votre réaction fut, dès votre retour, de prendre deux mesures: première mesure: ne pas m’inviter au déjeuner offert en l’honneur de l’hôte qatari, un déjeuner officiel offert au nom de l’Etat et sur le compte de celui-ci. J’assume un poste officiel dans une institution de l’Etat qui me qualifie à un rang honorable lequel rend obligatoire ma présence dans le cadre du respect du concept et des fondements de l’Etat, quelle que soit votre position à mon sujet, et si forte soit votre colère à mon égard. Il me souvient que lorsque je vous ai fait part de ce qui s’est passée du temps de votre prédécesseur, lors d’un dîner offert en l’honneur du président turc, et que j’ai quitté en signe de protestation contre le non respect des principes, vous m’aviez donné raison d’avoir pris cette décision car il s’agissait du respect des fondements de l’Etat. A qui dois-je m’adresser cette fois pour avoir raison? Deuxième mesure: ma mise en garde sur un ton dur par une partie sécuritaire par le biais d’un «intermédiaire», m’enjoignant de me garder désormais d’accorder des entretiens ou de faire des déclarations sous peine de subir les mesures qui s’imposent. Ce qui m’a en vérité profondément embarrassé n’est pas la menace elle même, mais la partie qui a ordonné la mise en garde, celle du grand ami qui me menace -puisse Dieu en être témoin- et la manière qui aurait été plausible si j’avais été invité sereinement à la manière de l’auteur de la mise en garde, et nous sommes intimement liés, une manière appropriée en pareil cas, moi qui suis une personnalité connue, membre dirigeant d’un parti et député au Parlement, bénéficiant de l’immunité que me confèrent la Constitution et les lois de la République quant à mes faits et dires. L’auteur de la mise en garde n’est autre que le garant de la Constitution qui veille à l’application de ses dispositions après avoir prêté serment sur le Saint Coran -puisse Dieu en être témoin.Le plus étonnant encore est qu’un incident similaire a eu lieu en été de l’année dernière quand Boukrouh avait écrit un article critiquant sévèrement le système et focalisé son attaque sur Mohamed Betchine. Il a alors reçu la visite d’un agent de sécurité dépêché par ce dernier qui lui a proféré des menaces. Boukrouh menace alors de rendre publique la chose, ce que les médias et les partis se sont empressés de rapporter. Commence alors ce feuilleton terrible qui contraindra Betchine à démissionner, suivi de Zeroual et, avant lui, Ouyahia.N’est-ce pas là un exemple à méditer? J’aurai souhaité, grand ami, Excellence le Président, que vous n’agissiez pas de la sorte envers tout citoyen et que dire quand il s’agit de quelqu’un de ma trempe qui, au-delà des liens, de l’amitié et des positions de soutien, est protégé par la Constitution et les lois. J’aurais aimé que vous me convoquiez et me disiez, comme l’impliquent l’amitié, la fraternité mais aussi la responsabilité, pour me dire ce que vous voulez, fût-il un reproche, un mécontentement ou une réprimande. Je l’aurais, par Dieu, accepté de bon cour et j’aurais répondu comme le ferait un homme libre et intègre. Mais le procédé de menace et de pression, le recours à une partie sécuritaire, est désuet et contraire à vos promesses et à vos engagements pris en matière de la liberté d’expression et de pensée. Si, ni l’un ni l’autre n’étaient possibles, vous auriez pu m’informer par le biais du secrétaire général du parti ou de nos symboles respectables dont j’écoute et me conforme à ce qu’ils me demandent comme si Rabah Bitat, si Mohamed Cherif Messadia ou si Mohamed Ataïlia. Il s’est passé ce qui s’est passé, le vent ne souffle pas au gré des navires, c’est là le paradoxe. La même personne que vous m’avez chargé d’informer de votre candidature est celle-là même que vous avez chargée de me menacer et de me proférer des avertissements. Voilà bien un exemple de fidélité et de récompense. Mettons de côté menaces et avertissements. J’ai reçu par le passé des menaces de l’appareil de sécurité sur instructions du chef de l’Etat et votre ami Yazid Zerhouni se souvient encore qu’il m’avait convoqué dans son bureau alors qu’il était à la tête des services de sécurité sur instructions du Président pour m’adresser un avertissement virulent, me demandant de lever la grève qu’ont connue en 1979 toutes les universités algériennes à propos de l’arabisation. Si El Hadi Khediri avait fait de même avec moi quand j’avais émis des critiques virulentes contre des membres du Conseil de la Révolution et vous en êtes un à avoir prononcé votre discours en français à la tribune de l’ONU et ni la menace ni la pression n’ont pu ébranler mes principes et mes positions, ni d’ailleurs l’internement à moins que vous soyez tenté de tirer fierté en faisant du mal ou que vous soyez instruit de m’assassiner et de m’organiser des funérailles grandioses. Quelle fin je n’aurais pas souhaitée pour mettre un terme à mon parcours de militant et Dieu me prêtera la récompense promise aux martyrs sincères.Que l’on mette de côté l’avertissement et je m’y suis préparé si jamais celui-ci vient à être mis à exécution et j’ai préparé ce que requiert la circonstance. Je suis également prêt à faire écrouler tout l’édifice sur moi mais aussi sur tous les traîtres et je clamerai la vérité sans peur ni reproche. Alors grand frère, Excellence le Président, adoptez le procédé que vous avez suivi en invitant le roi du Maroc, en tant que méthode civilisationnelle dans votre dernière lettre pour traiter les choses alors que vous avancez le leitmotiv de concorde même avec les tueurs et les égorgeurs et en même temps, vous vous adonnez, sous la pression des mouchards, au procédé de l’avertissement et de l’adversité avec vos amis et principalement ceux de ces amis qui sont proches de vous.Croyez, monsieur, que ma lettre est inspirée de la fin de la lettre que vous avez adressée au roi du Maroc avec qui vous partagez des questions épineuses liées au sort des pays et aux intérêts des nations et n’est nullement une déclaration conjoncturelle d’un ami entouré de silence et oublié. Vous disiez dans votre lettre au roi du Maroc que «votre ami est celui qui est sincère avec vous et non celui qui vous approuve» et aussi «voudriez-vous accepter cette lettre comme un gage pour une coopération bilatérale et pour construire une amitié que les injures du temps n’altèrent pas, celle des hommes libres qui s’aiment mutuellement au nom de Dieu et pour l’intérêt commun du pays? Ou alors est-il nécessaire que des frères jouent les médiateurs entre des frères ou des amis entre des amis, ou encore des étrangères entre les frères et les amis?». A mon tour, permettez-moi, mon frère et mon Président, de clore ma lettre fraternelle et sereine bien que j’aie été contraint d’évoquer certaines réalités et affirmer certaines positions, par ce vers de la poésie arabe de Antara al Abssi connaissant votre ferveur pour la poésie: s’interdit la rancour celui qui est haut placé et n’atteindra jamais le sommet celui que la colère efface. Veuillez accepter, cher frère, mes voux de réussite et de succès.»

 

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