FFS: Lettre d’urgence aux parlementaires européens

Front des Forces Socialistes

Lettre d’urgence aux parlementaires européens

Une mission technique de la Commission européenne devant se rendre en Algérie pour rencontrer les représentants de la société civile, s’est vu refusée l’obtention de visas par les autorités algériennes.

Cette décision politique grave intervient quelques semaines après que le pouvoir algérien ait paraphé « un accord d’association avec l’UE » qui, dans son article 2, stipule clairement : « le respect des principes démocratiques et des droits fondamentaux de l’homme, tels qu’énoncés dans la déclaration universelle des droits de l’homme, inspire les politiques internes et internationales des parties et constitue un élément essentiel du présent accord »

En refusant la venue de cette mission, prévue de longue date et inscrite dans le programme EIDHR (European Initiative for Democracy and Human Rights) visant la promotion des droits de l’homme, le pouvoir viole ainsi une disposition importante de l’accord d’association.

Il vient ainsi confirmer son hostilité à toute mission indépendante susceptible d’une part de lever le voile sur les violations des droits de l’homme et, d’autre part, d’identifier et de rendre visible les acteurs autonomes de la société civile en vue de leur apporter soutien et aide nécessaire, quitte à provoquer un véritable incident diplomatique.

Par cet acte de chantage et de diktat le pouvoir algérien défie la communauté internationale en lui imposant l’« exception algérienne » contre l’universalité de la défense et de la promotion des droits de l’homme et des libertés fondamentales.

Il laisse ainsi transparaître des signes évidents de panique à la seule idée que s’établisse un diagnostic authentique de la situation des droits de l’homme et des libertés politiques, syndicales et associatives en Algérie.

Cette crainte de voir émerger la vérité et se briser les leurres et les fictions entretenues durant des années a amené le pouvoir à ne tolérer que les missions qu’il a préalablement agréées, à l’instar de celle effectuée il y a quatre ans par une délégation de parlementaires européens conduite par A.Soulier et qui, à l’exception d’un ou deux parlementaires, a fait preuve d’une complaisance insoutenable à l’égard du pouvoir algérien, ce qui a constitué un geste de mépris à l’encontre du peuple algérien. Les traces dans l’opinion algérienne en sont encore vivaces. Et cela n’a fait que ternir l’image de l’union européenne d’autant que l’émotion profonde suscitée par les massacres de l’été 97 n’était pas encore éteinte.

Comment ne pas voir alors dans cette nouvelle atteinte à une clause de l’accord d’association une conséquence des démissions dont l’UE a fait preuve tout au long du processus de discussion ?

Cette attitude a fait totalement le jeu du pouvoir algérien qui a réussi à ne pas inscrire d’une manière explicite et ferme les conditionnalités politiques notamment sur la bonne gouvernance, l’Etat de droit et le respect des droits de l’homme.

Ne pas exiger que cette délégation puisse accomplir d’urgence sa mission signifierait une autre démission de l’Union Européenne.

Aussi, le FFS demande à l’Union européenne de dessaisir les technocrates et les personnalités qui ont engagé ce dossier dans le labyrinthe de l’obscurité et d’engager une large consultation en son sein pour envisager toutes les formes de conditionnalités politiques avant la signature définitive de l’accord d’association U.E-Algérie.

Le FFS considère qu’il est temps d’en finir avec ce traitement spécifique et ségrégationniste du « cas algérien », qui a encouragé, des années durant, les autorités à agir dans l’impunité, à imposer de fausses solutions et de fausses échéances et à refuser aux Algériennes et aux Algériens le droit d’ingérence dans leurs propres affaires. Le Droit d’avoir des Droits

L’absence de tout recours interne conjuguée à une complaisance de la part des principaux partenaires de l’Algérie a permis aux autorités d’imposer des institutions factices par le recours massif à la fraude, et à organiser progressivement une extinction de toute vie politique dans le pays.

C’est ainsi qu’un véritable dispositif d’encadrement et de contrôle coercitifs de la société, s’articulant entre autres autour de mesures attentatoires à la presse, a été minutieusement mis en place pour éradiquer toute expression politique autonome et masquer ainsi l’échec de la « concorde civile ».

Le FFS appelle l’Union européenne à ne pas avaliser de faux dialogues et de fausses sorties de crise alors que s’aggrave le climat de violence, de terreur et de provocations.

En effet, le renforcement et l’extension non habituelle du dispositif de sécurité appuyés par de nouveaux mouvements de l’armée, notamment en Kabylie, nous amène à nous interroger s’il s’agit simplement d’intimider la population ou, pire, d’anéantir l’espoir d’une solidarité internationale effective avec les Algériennes et les Algériens au moment où les apprentis sorciers s’apprêteraient à fomenter d’autres aventures sanglantes.

Les avertissements que nous avons lancé avant les événements du « printemps noir » en avril 2001 à toutes les institutions internationales s’étaient malheureusement avérées justes.

Dès lors, tout se passe comme si le refus de visas avait pour principale raison d’empêcher que la mission de l’UE ne vienne déranger la mise en place de ce qui nous apparaît comme une nouvelle tentation de répression ouverte et féroce.

Alger, le 5 février 2002
Le Premier Secrétaire National
Ahmed DJEDDAI