Des membres de la Knesset israélienne à Alger

CONTROVERSE AUTOUR DE LA NORMALISATION

Des membres de la Knesset israélienne à Alger

Le Quotidien d’Oran, 6 juin 2001

Une délégation de trois personnalités palestiniennes, dont Muhamad Kan’an, député arabe israélien, membre de la Knesset (parlement israélien), est depuis lundi soir à Alger, dans une visite officielle qui suscite une controverse sur le thème de la normalisation.

Muhamad Kan’an, 46 ans, est le secrétaire général du Parti démocratique arabe «Mada», qui siège au sein de la liste arabe unifiée au parlement israélien, qui compte 15 députés arabes israéliens. Membre de la Knesset depuis 1999, Muhamad Kan’an est à Alger à l’invitation de… personne. C’est du moins ce qu’on croit savoir de sources diplomatiques et parlementaires algériennes, qui confirment que cette délégation palestinienne n’est pas l’invitée des autorités algériennes.

On croit savoir que cette visite a été cordonnée avec l’ambassade de Palestine à Alger de Abou El-Aiz. Chose que conteste le membre de la Knesset qui a indiqué à l’agence Reuters, depuis Ramallah, que cette visite était prévue depuis une année et que ce sont les ambassadeurs algériens de Tunis et d’Amman qui ont supervisé leur venue à Alger.

Muhamad Kan’an est accompagné de deux membres du PDA, à savoir Mohamed Zidane, président de la Commission de suivi arabe des conseils des villes et des villages arabes de l’intérieur, et de Mohamed Dassoughi, membre dirigeant de ce parti.

Reste que cette visite intervient à un moment considéré comme malvenu au regard du contexte explosif au Proche-Orient, marqué par le bouclage des territoires de Ghaza et de Cisjordanie par l’armée israélienne et la multiplication des attentats suicides du Hamas et du Djihad islamique contre des Israéliens. Certaines voix se sont élevées depuis Ramallah pour dénoncer le timing de cette visite et la qualité des membres de la délégation, particulièrement celle de Kan’an, détenteur d’un passeport israélien, mais également d’un passeport palestinien.

Abdelwahab Darwish lui-même, ancien membre de la Knesset du temps du gouvernement d’Ehud Barak, a dénoncé le fait que cette visite «est une initiative de normalisation. C’est la première invitation officielle algérienne adressée à un membre arabe de la Knesset». Et d’ajouter: «Je suis attristé par la position algérienne qui exploite cette conjoncture pour inviter un membre de la Knesset connu pour être proche de Sharon et du parti du Likoud», actuellement majoritaire au parlement israélien.

Abdelwahab Darwish est un dissident du PDA que dirige Kan’an. Actuellement, depuis la victoire du parti de la droite israélienne aux élections de mars dernier, les Arabes israéliens ont un seul représentant au sein du gouvernement d’Ariel Sharon, en la personne de Salah Tarif, député indépendant d’origine druze qui est ministre sans portefeuille.

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UN DOUBLE PASSEPORT ISRAELIEN ET PALESTINIEN

Côté algérien, deux réactions sont à enregistrer. La première émane de la Coordination nationale contre la normalisation avec Israël que dirige Khaled Bensmaïn, qui souligne que cette visite est une «initiative maudite qui est une nouvelle méthode pour imposer la normalisation avec Israël». Avant d’ajouter que l’acceptation d’une telle visite «est une reconnaissance d’une institution de l’entité sioniste». Cette coordination s’était déjà manifestée contre toutes les initiatives assimilées à une normalisation après la poignée de main Bouteflika-Barak, en juillet 99 à Rabat, la venue avortée en Algérie d’Enrico Macias en février 2000, ou le séjour des journalistes algériens en Israël en juin de la même année.

La seconde réaction est venue du dithyrambique et controversé député Ahcène Aribi. Ce dernier, dans une déclaration intitulée «Pas de bienvenue aux membres de la Knesset à Alger», accuse les membres de cette délégation palestinienne d’être «partisans du sionisme non seulement dans leur pays mais dans l’ensemble des pays arabes, ce que nous refusons de cautionner». Aribi se déclare «grandement étonné que les autorités algériennes aient accepté cette visite, l’entourant d’une discrétion totale et avec le consentement du ministère algérien des Affaires étrangères», qu’il qualifie de «pas vers la normalisation», alors que les pays de la Ligue arabe et de l’OCI ont «convenu de geler toute forme de rapports avec Israël».

Reste que dans la journée de ce mardi, aucune source n’était en mesure de confirmer ou d’infirmer la présence de cette délégation, alors que certains médias avaient annoncé des audiences avec le président Bouteflika, le Premier ministre, Ali Benflis, le président de l’APN, Mohamed Bensalah, et du MAE algérien Abdelaziz Belkhadem, connu pour être un farouche partisan contre la normalisation avec Israël.

C’est assurément la personnalité même de Kan’an, sa qualité politique et le timing choisi qui ont soulevé cette mini-tempête politico-médiatique. Kan’an, ancien député du comté de Tamra entre 80 et 88, est un universitaire qui a fait l’essentiel de son cursus à l’université Ben Gourion et a suivi le fameux programme Schwartz de l’université hébraïque de Jérusalem. Parlant couramment hébreu et considéré comme un proche de la droite israélienne et du cabinet d’Ariel Sharon, il aurait, à l’instar des députés arabes de la Knesset, pris ses distances avec le gouvernement israélien depuis le début de la seconde Intifada en septembre dernier. Des positions et des interventions au sein de la Knesset qu’aurait appréciées Yasser Arafat et le Conseil consultatif palestinien, tant elles sont en phase avec la position de l’Autorité palestinienne.

«Il n’y a aucune contradiction entre notre rôle en tant que minorité arabe qui a des liens avec les pays arabes tels que l’Algérie, et notre rôle politique au sein de l’Etat israélien», a déclaré Kan’an avant sa venue à Alger. C’est en cette qualité que ce Palestinien de Tamra semble situer sa visite, même si le débat sur la normalisation algéro-israélienne trouve, en la circonstance, une occasion pour être évoqué.

Mounir B.

 

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