Faut-il, oui ou non, « cautionner à fond » la réconciliation nationale?

BOUTEFLIKA RÉPOND À SES DÉTRACTEURS

« Seule la concorde… »

L’Expression, 16 juillet 2002

Faut-il, oui ou non, « cautionner à fond » la réconciliation nationale?

En pointant un doigt accusateur vers les trois premières années du mandat du Président de la République, le général Khaled Nezzar a eu, au moins, le mérite d’être clair et d’avoir fait sortir les vrais débats, les questions de fond, sur la place publique.
En donnant une couverture politique et juridique aux milliers de trévistes de l’AIS, le Lidd et les autres organisations armées, le Président de la République entendait privilégier la voie de la paix. C’était un choix douloureux, certes, mais le seul, politiquement, acceptable.
Le choix de Bouteflika fut diversement apprécié à l’époque. Mais aujourd’hui, Khaled Nezzar prend carrément partie contre ce choix qu’il juge avoir grandement contribué au « retour en force » du terrorisme.
Cette appréciation, en elle-même, ne représenterait pas grand-chose si elle ne reflétait un courant d’idées que beaucoup d’hommes, présents dans les cercles de décision, partagent. De là, surgit avec instance le souci de préserver l’axe central autour duquel s’articulent le discours et la démarche du Président. Car, entendons-nous bien, il s’agit, avant tout, d’apprécier à sa juste valeur la formule de concorde civile, et qui a permis à au moins dix mille éléments armés des divers GIA de réintégrer la société civile.
Les commentaires de Nezzar sur la gestion sécuritaire ont, à ce point, bénéficié d’un large soubassement médiatico-politique pour passer comme une lubie d’un général désappointé par les tournures prises depuis l’élection de Bouteflika, qu’il avait lui-même commencé par critiquer, avant de lui prêter allégeance pour, enfin, en lacérer la politique.
Khaled Nezzar représente qui? C’est lorsque nous aurons répondu réellement à la question, que nous pourrons apprécier les contours de sa « sortie » et l’importance ou l’insignifiance de son poids actuel.
Deux réponses peuvent lui être apportées comme un démenti cinglant. Celle du général de corps d’armée, Mohamed Lamari, qui dit « obéir au Président » et que « l’armée ne s’occupe plus que de sa mission telle que prévue par la Constitution, ni plus ni moins ».
La seconde, celle du Président de la République lui-même, qui a réitéré son option de réconciliation nationale lors du dernier Conseil des minis tres, signifiant par là même que cette option est « irréversible et définitive ». Selon les propres termes du Président de la République, « le gouvernement se fixe comme première priorité la restauration entière et durable de la sécurité au bénéfice des personnes et des biens sur l’ensemble du territoire national en valorisant, d’une part, le choix fructueux de la concorde civile et, d’autre part, en poursuivant, sans relâche, la lutte contre le terrorisme… ». Serait-il juste de souhaiter que ces milliers de repentis soient encore au maquis? En fait, les anticoncordistes ne souhaitent qu’une chose : que ces hommes aient été écrasés dans les maquis, anéantis, effacés pour toujours. Cette culture de guerre « charriée » depuis les années 50 et 60, a généré une véritable « stratégie de l’hégémonisme ». C’est-à-dire, celle qui consiste à n’accepter que sa logique propre et à bannir tout autre point de vue.
Il y a beaucoup à dire sur la décennie qui vient de s’écouler. Mais il est mal à propos d’en discourir encore.
L’essentiel étant de faire face aux nouveaux défis qui obscurcissent aujourd’hui le climat sécuritaire. L’essentiel reste aussi de ne pas faire un amalgame entre les islamistes et les repentis, les « insurrectionnels » et les « constitutionnels », les radicaux et les modérés, le passé et le présent, l’ex-FIS et ce qu’il en reste, les gangsterroristes et les musulmans pratiquants.
Il est vrai que les nuances sont minces, illisibles, et les enjeux qui en découlent importants, mais c’est là qu’intervient le travail des managers politiques et militaires.
Après le tout-sécuritaire, qui a largement démontré ses limites, le général nous suggère un tout-préventif, qui ne laisserait aucune marge de manoeuvre aux islamistes de tous bords. Ce choix, son choix, implique un grave déraisonnement dès lors que le tout-répressif, adopté de 1992 à 1994, a réduit en nombre les ressources humaines des groupes armés sans avoir jamais pu appréhender la source du terrorisme, lequel se régénère à l’infini. Le tout-répressif est, en fait, la source même du terrorisme.

Fayçal OUKACI

 

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