L’Algérie « choquée » par l’accusation de « terrorisme d’Etat »

AFP
mardi 21 juillet 1998, 13h35 heure de Paris

L’Algérie « choquée » par l’accusation de « terrorisme d’Etat »

GENEVE, 21 juil (AFP) – Le chef de la délégation algérienne au Comité
des droits de l’homme de l’ONU s’est dit « profondément choqué » mardi à
Genève par l’expression de « terrorisme d’Etat » employée à l’égard des
forces de sécurité algériennes, durant la discussion en comité.

L’Algérie défendait lundi et mardi son dossier des droits de l’homme
devant un comité de 18 experts chargés, à partir d’un rapport
gouvernemental, de vérifier comment l’Algérie remplit ses obligations
au regard du Pacte international sur les droits civils et politiques
dont elle est signataire.

Nombre de ces experts ont reproché à l’Algérie le caractère
essentiellement juridique du rapport soumis au comité, et réclamé des
précisions concrètes notamment sur les disparitions, la torture et les
exécutions extra-judiciaires. Ils ont aussi regretté le caractère
« trop général » des réponses de la délégation algérienne.

L’un des ces experts a estimé que « le terrorisme d’Etat ne pouvait
être une réponse au terrorisme commis par des individus ou par des
groupes de personnes qui s’opposent à l’Etat ».

« J’ai été profondément choqué, je dois le dire avec franchise, lorsque
j’ai entendu le mot +terrorisme d’Etat+ face à un terrorisme criminel,
celui du GIA », a répondu le chef de la délégation algérienne,
l’ambassadeur Mohamed-Salah Dembri.

Dès la présentation du rapport algérien lundi, il avait insisté sur
l’argument selon lequel la situation des droits de l’homme en Algérie
découlait du terrorisme.

M. Dembri a annoncé mardi qu’une mission du Comité international de la
Croix rouge se rendrait en octobre en Algérie, où pour la première
fois depuis 1992 le CICR pourra visiter des prisons.

« Le programme arrêté avec le CICR comprendra certainement la visite de
prisons, ce qui est une mission tout à fait classique et ne nous
dérange absolument pas », a-t-il dit.

Plusieurs experts ont réclamé avec insistance des précisions sur le
recours à la torture, s’appuyant sur le témoignages de personnes
soignées dans des centres de réhabilitation en dehors de l’Algérie.
Mais le rapport et la délégation algérienne n’ont parlé que de
« dépassements » et affirmé que leurs auteurs connus avaient été
poursuivis et punis.

L’argument du terrorisme comme principal ennemi des droits de l’homme
en Algérie a été repris mardi avec émotion, à propos des viols, par
Fatima Zohra Karadja de l’observatoire national des droits de l’homme,
une ONG subventionnée par le gouvernement algérien.

« Les viols sont commis massivement par les terroristes », y compris sur
des adolescentes de 12 ou 13 ans, et sont souvent suivis de
mutilations ou d’égorgements « avec un raffinement dans le sadisme
qu’on ne peut pas décrire », a-t-elle dit.

Alors que les disparitions se comptent en Algérie par centaines au
minimum selon les organisations non-gouvernementales (ONG), la
délégation algérienne a chiffré les « allégations » de disparitions à
quelques dizaines seulement et affirmé que dans tous les cas où les
autorités étaient saisies, des informations judiciaires étaient
ouvertes.

Certains des disparus ont tout simplement gagné les maquis islamistes,
a ajouté la délégation algérienne.

Lundi, des familles de disparus en Algérie avaient manifesté devant le
Palais des nations à Genève et remis quelque 600 dossiers de cas
individuels au groupe de travail de l’ONU sur les disparitions forcées
et involontaires.

Le contrôle des groupes d’auto-défense en Algérie a également fait
l’objet de questions insistantes des experts, qui se sont notamment
demandé si dans certains cas ces groupes ne s’étaient pas livrés à des
vengeances.

Dans un « rapport alternatif », la Fédération internationale des droits
de l’homme (FIDH) a affirmé que les forces anti-terroristes
algériennes ont procédé à des exécutions de suspects et entrepris « des
représailles collectives aveugles ».

sr/glr eaf

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