Octobre 1988: Rabah n’a pas oublié

Rabah n’a pas oublié
« J’ai reçu deux balles »

Fouzia B., Le Matin, 5 octbre 2000

Douze années se sont écoulées depuis les événements douloureux du 5 Octobre 88. Rabah Yahyaoui, âgé de 48 ans, père de sept enfants, en fut ce jour-là, victime. Membre fondateur et président de l’Association des victimes du 5 Octobre, créée et agréée à la fin de l’année 1989, cet homme n’oubliera jamais comment il a échappé à la mort. Il nous raconte ce qu’il lui est arrivé. « Je travaillais tranquillement et sans soucis, comme le reste de mes collègues de l’Ecotal ; soudain nous entendîmes le bruit assourdissant des véhicules et celui des manifestants crier leur ras-le-bol contre le système politique du pays et la cherté la vie
Par crainte de voir les protestataires s’attaquer à l’usine, notre patron a préféré nous libérer immédiatement. Alors, je me suis mis vite dans la foule comme tout le monde. Je me rappelle de l’instant maudit, celui de l’intervention massive des forces de l’ordre qui, avec leurs bombes lacrymogènes et leurs armes, provoqua la panique et en même temps la colère des gens qui ripostaient à leur tour par des jets de pierres et de bouteilles en verre tout en scandant :  » Chadli assassin, pouvoir assassin  » .
Je n’oublierai jamais quand nous fûmes suivis par la police jusqu’à la maison de mes parents dans la haute ville. Nous étions cinq, mes frères et moi cachés à l’intérieur. Après avoir défoncé la porte, les forces de l’ordre nous tirent dessus comme des lapins. L’un des tireurs était un collègue de travail de mon frère Aziz, car ce dernier a été flic pendant une bonne période. J’ai reçu deux balles dans la cuisse gauche et je voyais mon frère Aziz s’écrouler par terre dans une mare de sang avec deux balles dans son abdomen. La troupe s’est aussitôt retirée après avoir reconnu mon frère. Nous fûmes ensuite transportés à l’hôpital par le Dr Triki. Nous restâmes plusieurs semaines hospitalisés avant de nous remettre sur pied. »
Cinq décès et plusieurs blessés, tel a été le bilan du 5 Octobre. Aujourd’hui, l’association, composée d’une vingtaine d’adhérents dont cinq sont parents de jeunes décédés, lutte pour un statut type des victimes de la démocratie. « Nous demandons à l’Etat, ajoutera-t-il, de considérer la journée du 5 octobre comme journée nationale et officielle. Nous voulons également qu’on cesse de nous considérer comme des accidentés de travail. Nous souhaitons que les autorités locales construisent une stèle à Bgayet à la mémoire des victimes du 5 Octobre ».

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